M. HENRY DE JOUVENEL

	Sans doute pour ne pas démentir son étymologie (juvénil, le jeune), M. Henry de Jouvenel,
quoique père conscrit, est resté jeune d'esprit, de visage et de coeur.
	Issu d'une vieille famille Corrézienne, il cumule élégamment les qualités de aa race:
intelligent, actif, laborieux, gai, communicatif, charitable.
	Il paraît qu'en 1896 il disputa avec André Tardieu un match de composition française:
Stanisias contre Condorcet. Celui-ci l'emporta. Les deux adversaires d'ailleurs ne se
rencontrèrent plus.
	Chef de Cabinet de M. Dubief au Commerce et de M. Vallé à la Justice, M. de Jouvenel sut
s'attirer dans tous les mondes de solides sympathies.
	Rédacteur en chef du Matin, M. de Jonvenel est un patron charmant. Toujours le premier
arrivé, toujours accessible, il s'intéresse à tous les détails et obtient facilement de ses
collalorateurs un rendement sérieux.
	Mes pages préférées, dit-il souvent, sont l'humour et la mode.
	Et voilà pourquai M. Menry de Jouvenel est sénateur et délégué de la France à la Société
des Nations.
	Il y fit de la diplomatie souriante et rendit à Genève des services signalés. Il a une
façon charmante de présenter les choses qui séduit ceux qui sont d'un avis opposé et finissent
par accepter de bonne grace une rédaction dont ils ne voulaient à aucun prix.
	Exemple: l'adhésion de l'Abyssinie à la S.D.N. malgré les Britanniques et les Italiens.
	Vulgarisateur, il ne garde pas son savoir par devers lui, il le répand autour de lui;
lecteurs, électeurs, sénateurs: il a publié, en collaboration avec MM. Herriot, Loucheur, Daudet,
une collection de manuels éclectiques sur toutes les questions politiques et économiques.
	Et voici que tout à coup, après une intervention sensationnelle au Sénat sur les
décrets-lois, M. Raymond Poincaré le choisit comme Ministre de l'Instruction publique en
remplacement de M. Léon Bérard.
	M. de Jouvenel, qui est à son aise partout, le fut vite rue de Grenelle.
	Il se mit en devoir de présider de la meilleure grâce du monde toutes les manifestations
artistiques et littéraires.
	Il y donna vite la mesure de son goût raffiné, délicat et s'il n'y fit pas la réforme
de l'enseignement c'est qu'on ne lui en a pas laissé le temps.
	Il paraît que M. de Jouvenel eut tort de céder si vite aux offres de M. Poincaré,
car il avait des chances énormes d'être sollicité quelque temps après par M. Herriot qui le
prise fort et aurait désiré sa collaboration.
	Ce n'est donc que partie remise et nous verrons M. Henry de Jouvenel dans un prochain
ministère où il fera d'ailleurs besogne utile.