M. PAUL DOUMER

	Paul Doumer! Un grand nom de la Troisième République.
	Il cache peut-être présentement, sous l'enveloppe d'une jeunesse éternelle, une âme
désabusée, mais fut pendant une longue période un des espoirs de la démocratie.
	A l'instar de tous les hommes politiques désireux d'arriver, M. Doumer fut, à ses débuts,
un tantinet extrémiste.
	En 1888, élu député de l'Aisne, il apporta à la Chambre ahurie un projet d'impôt sur le
revenu. Vous entendez d'ici les cris de la bourgeoisie capitaliste.
	Aussi bien, quand, en 1905, M. Léon Bourgeois constitua un cabinet radical homogène, il
lui confia le portefeuille des Finances.
	Le jeune ministre arrivait rue de Rivoli avec une auréole de démocratie bien faite pour
le servir.
	L'enfant d'Aurillac, d'origine modeste, de surveillant de collège était devenu chef de
cabinet de M. Floquet.
	Il n'avait pas l'éloquence de Viviani, la dialectique de Millerand, la séduction de Briand,
mais il avait de la volonté.
	Il n'eut d'ailleurs pas le temps de réaliser son système fiscal, la vague méliniste le
renversa et
Rodrigue! qui l'eût cru?
Chimène! qui l'eût dit ?

il accepta des propres mains de M. Méline le gouvernement général de l'indo-Chine. C'était pour
lui, en dehors des avantages matériels non négligeables de la fonction, l'occasion de donner sa
mesute: cette nomination fut très discutée.
	M. Paul Doumer domine de sa puissante personalité les disciplines de parti.
	Retour d'Indo-Chine, il était réélu député de l'Aisne. Il se trouvait, à 45 ans, de par
son passé laborieux et apprécié, une des personnalités les plus considérables de la nouvelle
Chambre.
	En janvier 1901, il était élu Président de la Chambre des Députés contre Henri Brisson.
Cette élection fit scandale. Ce n'était qu'une étape dans la voie que cet homme s'était tracée,
car s'il ne s'était heurté au bloc sénatorial, il battait Armand Fallières à la Présidence
de la République.
	Un temps d'effacement indispensable et salutaire, et le voici sénateur de la Corse.
	La guerre le trouva président de la Commission des Finances.
	Il collabora à la défense de Paris avec le général Gallieni et contribua donc à la
victoire de la Marne.
	Redevenu plus tard ministre des Finances, il remplit allègrement ce poste héroïque,
défendant âprement les deniers de l'État.
	M. Paul Doumer a les qualités de ses défauts: ténacité, esprit de suite, sens des
réalisations, mépris des formules; il a le don de rappeler les rêveurs à la réalité.
	Les hommes libres ne sont pas toujours accessibles aux lumières de la raison, et cela
n'est pas sans jeter beaucoup de mélancolie dans l'âme de M. Paul Doumer.
	A la suite des événements politiques récents, le sénateur de la Corse vient de demander
son inscription à la Gauche démocratique du sénat.
	Un avenir prochain nous prouvera que son rôle n'est pas fini.