Procès Vaubulon
Interrogatoire de Jullien ROBERT dit LA ROCHE
2.106
Interrogatoire fait par Nous
Mathurin CHEREIL Sieur de LA RIVIÈRE Conseiller du Roi au présidial
de Rennes, Commissaire subdélégué en cette partie de Monsr
BECHAMEIL de NOINTEL Conseiller du Roi en ses Conseils, Me des
Requêtes ordinaire de son hôtel, Commissaire pour l'exécution des ordres
de Sa Majesté en Bretagne aux fins de l'arrêt du Conseil
d' Etat du 23 mars dernier, et de l'ordonnance de subdélégation
de Mondit Sr de NOINTEL du 24e avril suivant au nommé
LA ROCHE détenu prisonnier aux prisons de Rennes et ce
en conséquence de notre ordonnance rendue contre lui le 30e avril dernier,
à la requête d'André Joseph Pierre GREFFIER Ecuyer, Sr
DU BOIS LAUNAY, Procureur du Roi au Présidial de Rennes, commis
par mondit Sr de NOINTEL pour faire les fonctions de Procureur
# de Sa Majesté en cette dite partie , instructeur et accusateur # ayant
contre le Père avec nous pour notre Commis Greffier Me Pierre
Hyacinthe de Quimper CAILLEAU , de lui le serment pris en tel cas requis, et
ledit LA ROCHE et y a été procédé comme en suit le serment fait par
de ses complices ledit LA ROCHE de dire vérité, et ce concurremment avec
déférés et accusés N et D Mre André ESNOUF, prêtre # vicaire Général de
M. CH Monseigneur le Révérend Evêque de Rennes commis pour
# docteur l'instruction du procès du Père capucin.
en théologie
Du 6e mai 1697, en la Chambre Criminelle
des prisons de Rennes.
première page M. CHEREIL
1.107-1
Interrogé de son âge, qualité, profession et demeure,
a dit avoir nom Jullien ROBERT dit LA ROCHE, natif de
Champdeniers en Poitou, ci-devant habitant de l'Ile de Bourbon,
âgé de cinquante-cinq ans ennviron, à présent détenu prisonnier
en les prisons de Rennes.
Interrogé s'il a eu copie dudit arrêt du Conseil d'Etat
du 23e mars dernier et de l'ordonnance de mondit Sieur de NOINTEL du
24e avril aussi dernier portant notre subdélégation pour
l'instruction dudit procès,
A dit qu'il a eu copie dudit arrêt du Conseil d'Etat et
commission sur celui-ci, et de ladite ordonnance de la subdélégation.
Nous lui a vons déclaré que conformément auxdit arrêt du
Conseil d' Etat et ordonnance de Mondit Sieur de NOINTEL portant notre
subdélégation, nous instruisons son procès pour être ensuite
jugé par Mondit Sieur de NOINTEL, souverainement et en dernier
ressort, avec les officiers du Présidial de Rennes aux termes
dudit arrêt du Conseil d'etat.
A dit qu'il n'a rien à contredire audit arrêt du Conseil d'Etat.
S'il est venu volontairement en France, ou s'il a été arrêté
dans l'Ilde de Mascarin ou Bourbon, et combien il a demeuré
de temps en ladite Ile
A dit qu'il a été vingt-cinq ans habitant dans ladite Ile de
seconde page M. CHEREIL
1.107-2
Bourbon, et que le Sr de SERTIGNY, capitaine des vaisseaux du
Roi, l'a fait arrêter dans ladite Ile, et FIRELIN, Robert DU HAL,
Jacques BARRIÈRE, Marc VIDOT, et le Père Hyacinthe de Quimper
capucin.
Quand il a eu connaissance du complot fait pour arrêter
le Sr de VAUBOULON,
A dit que le Gouverneur a été arrêté par l'ordre dudit Père
Hyacinthe et dudit FIRELIN, que lui, répondant, était du Quartier
de Ste Suzanne éloigné de cinq lieues de St Denis, et n'a
eu connaissance du complot fait pour arrêter le Gouverneur
# précédant que le vendredi # auparavant le dimanche qu'il fut arrêté,
ce qu'il a appris de Robert DU HALLE qui avait été envoyé
audit Quartier de Ste Suzanne par l'ordre dudit Père et de
FIRELIN, pour avertir le nommé ROYER, capitaine du Quartier,
de se trouver avec quatre autres le samedi au soir à St
Denis, pour faire l'emprisonnement le lendemain, et de coucher
aux Butors chez Jacques BARRIÈRE à un quart de lieue
dudit St Denis; que ledit ROYER demnda à DU HAL s'il
avait une lettre, et doutant qu'il n'en avait point, ledit
ROYER fit avertir secrètement les habitants de se trouver
le lendemain samedi avec leurs armes, sans en leur
dire pour quel sujet, mais que lui, répondant, Marc VIDOT
et Jean MACAST le savaient fort bien et l'avaient appris
par ledit DU HAL, et que ledit ROYER leur avait défendu
d'en rien dire aux autres; que le lendemain, les habitants
troisième page M. CHEREIL
1.108-1
s'étant assemblés avec leurs armes, et les femmes étant en
inquiétude et doutant savoir où ils allaient, ledit ROYER dit
qu'ils allaient chercher les Noirs ou Marrons dans les bois,
après quoi s'étant mis en chemin vers St Denis, et les femmes
s'étant retirées, ledit ROYER déclara à tous les habitants
qu'ils allaient coucher aux Butors, près St Denis, chez
Jacques BARRIÈRE, par l'ordre du Père et de FIRELIN, pour
arrêter le Gouverneur le lendemain; qu'étant chez ledit
Jacques BARRIÈRE au soir, ledit ROYER commanda quatre hommes
pour le dimanche matin arrêter le Gouverneur dans l'église,
et que lui, répondant, était un des quatre qui fut commandé;
que lui et les a trois autres faisant difficultés d'y aller, ledit
ROYER leur dit d'aller parler au Père, et le lendemain
H ce Royer matin ledit ROYER les envoya parler au Père, et (H) alla
M.CH avec les autres habitants se poster autour de la Maison du Roi
dans les broussailles; que lui, répondant, et Marc VIDOT,
allèrent trouver le Père à son Hospice, qui leur dit qu'il
n'était pas en sûreté de sa vie, et qu'il fallait arrêter
le Gouverneur, qu'il avait de bons ordres et répondrait
de tout au Roi, leur montrant une serpe ou couperet
ainsi qu'a dit le répondant, et leur disant qu'il était obligé
d'avoir cet instrument dans la crainte qu'il avait que le
Gouverneur ne lui fît violence, et qu'il était résolu
quatrième page M. CHEREIL
1.108-2
de lui fendre la tête s'il l'attaquait ou lui voulait
faire quelque insulte; que ledit Père leur dit de se tenir
près de l'église au son de la cloche, et qu'il allait s'habiller
comme pour faire l'eau bénite, et qu'il fallait se saisir de la
personne du Gouverneur lorsqu'il entrerait dans l'église;
que lui, répondant, et les trois autres y allèrent, et le saisirent
tous ensemble, lui, répondant, lui ayant pris son épée;
que le Gouverneur, se voyant saisi, dit au Père: 'Mon Père, mon Père,
sauvez-moi la vie', et le Père dit qu'il fallait amarrer
ce voleur; que Jacques BARRIÈRE tira une corde de sa
poche et lia le Gouverneur; que lui, répondant, et les autres
dirent audit Gouverneur qu'ils ne voulaient point lui faire
de mal, et que ledit Père s'étant habillé et pris à la
main un bâton qu'il portait ordinairement, marcha à la tête
desdits habitants et fit conduire le Gouverneur à la Maison
du Roi où il le fit mettre dans le cachot, nonobstant
que tous les habitants demandassent à le mettre et à le
garder en sa chambre; que ledit FIRELIN était au dehors de
l'église avec deux pistolets à la main, et fit signe audit
ROYER d'avancer vers la maison avec les autres habitants
pour l'investir, ne sait le répondant qui prit la clef
du cachot pour l'ouvrir, mais être certain que le Père
la donna audit FIRELIN après y avoir enfermé le Gouverneur.
cinquième page M. CHEREIL
1.109-1
et lui avoir fait mettre les fers aux pieds, et fit poster
une sentinelle à la porte, qu'ensuite le Père et les habitants
retournèrent à l'église où ledit Père fit chanter le Te
Deuù, et dit la messe, et fit aussi tirer du canon, et
ne sait si le pavillon fut arboré ne s'en souvenant pas,
qu'ils allèrent dîner tous ensemble à la Maison du Roi,
où le Père dit qu'il fallait détacher des habitants des trois
quartiers pour faire la garde.
S'ils ne firent pas un complot pour tuer le Gouverneur
et l'assassiner,
A dit qu'il n'en a jamais entendu parler à aucune personne,
et que lui, répondant, n'en a jamais eu le moindre dessein.
Pourquoi donc, s'il ne voulait point de mal au Gouverneur,
l'avoir emprisonné ?
A dit qu'il ne l'a fait avec les autres habitants que par les
ordres du Père Hyacinthe, de FIRELIN, et de ROYER capitaine
de leur Quartier, et qu'ils ne l'auraient jamais fait eux
mêmes sans que ledit Père les y a engagés, leur disant
avoir de bons ordres; et qu'il était dans l'Ile pour
répondre de tout, quoique ils eussent beaucoup de sujets
de plainte contre le Gouverneur pour les vexations qu'il
sixième page M. CHEREIL
1.109-2
leur faisait, ayant pris presque tous leurs biens, et que
d'un homme qui avait cent cents, il en prenait quatre-vingts,
et que d'un autre habitant qui n'avait que douze cents, il
en a exigé dix, et néanmoins, qu'ils avaient plutôt
fui dans la montagne que d'entreprendre rien contre
lui, qu'ils n'ont rien fait que dans la croyance que
le Père avait de bons ordres, et qu'ils devaient lui obéir.
Si les domestiques dudit Gouverneur ne furent pas aussi
emprisonnés le même jour, et ensuite envoyés en arrêt
chez des habitants, si FIRELIN ne fut pas élu Commandant,
et si le nommé FONTAINE du Quartie de St Paul ne fut
pas désarmé, et par quel ordre,
A dit que les domestiques du Gouverneur furent arrêtés le
même jour, et que FONTAINE habitant de St Paul fut désarmé
par l'ordre du Père, avec défense de passer la rivière du
Galet qui est entre St Denis et St Paul sous peine de la
vie, et que quelque temps après ledit Père fit choisir
FIRELIN pour commandant, disant qu'il ne pouvait pas
faire deux fonctions aussi différentes.
S'il était à St Denis lorsque le Gouverneur est mort xxxxx
dans la prison, et s'il sait de quelle maladie il est mort,
et s'il n'a point ouï dire qu'il y a été empoisonné,
septième page M. CHEREIL
1.110-1
A dit qu'étant du Quartier de Ste Suzanne, comme il a dit dans
ses précédentes réponses, il n'était point à St Denis lorsque le
Gouverneur y est mort, qu'il ne sait point de quelle maladie
il est décédé, et a seulement ouï dire à la femme de HERUY,
charpentier, lors de leur arrivée au Port-Louis, que ledit
Gouverneur avait été empoisonné, sans en savoir rien autre
chose.
S'il sait qui a fait arrêter LA CITERNE, valet du Gouverneur,
par quel ordre les habitants s'assemblèrent pour le juger,
et si lui, répondant, ne donna pas le premier son avis
pour le condamner,
A dit que FIRELIN ayant appris que ledit LA CITERNE avait projeté
de le tuer, et le Père Hyacinthe, et le Frère Anthoine de Lannion son
compagnon, il le fit arrêter et en donna son avis au Père qui
vint toute la nuit, et amena à St Denis les habitants de
St Paul, et ayant aussi fait venir les habitants des autres
Quartiers, ledit Père leur proposa de juger ledit LA CITERNE
et en nomma neuf avec FIRELIN qui avait deux voix;
que le Père nomma lui, répondant, du nombre des neuf
habitants, quoique il y eût beaucoup de répugnance;
que lesdits neuf habitants et FIRELIN s'étant assemblés, et
LA CITERNE ayant reconnu qu'il avait dessein de tuer
lesdits FIRELIN, le Père et frère capucin, ils le condamnèrent
huitième page M. CHEREIL
1.110-2
à demeurer en arrêt chez un habitant, jusqu'au premier
navire de France qui arriverait, et alors deux des autres
habitants étant allés avertir le Père à son hospice de ce
jugement, il vint tout en colère dire aux habitants qu'ils
étaient des ignorants, et qu'il fallait faire mourir ledit
LA CITERNE, puisque il avait attenté à l'Eglise et à la vie
des capucins, et apporta dans la chambre un livre dans
qu'il nomma le «Code Louis» dans lequel il dit que la
condamnation dudit LA CITERNE était écrite, et lisait lui-
même dans ledit livre; ce qui fit que les habitants se
rendirent au sentiment dudit Père, et jugèrent ledit LA CITERNE
à mort, ce qui fut exécuté le même jour après que le Père
l'eut confessé, que FIRELIN et LE ROY demandèrent au Père
capucin la vie dudit LA CITERNE, ce qu'il refusa, disant
qu'il avait voulu attenter sur l'eglise, et que le Père
le conduisit au poteau.
Combien de temps FIRELIN a été Commandant, et qui
l'a fait déposer ?
A dit qu'il ne sait point combien de temps FIRELIN a
été Commandant, et que le Père l'a fait déposer.
S'il sait pourquoi le Père l'a fait déposer ?
A dit qu'ils avaient des différends et des démêlés ensemble
neuvième page M. CHEREIL
1.111-1
et qu'il le fit mettre en prison après l'avoir fait
déposer, que quelque temps après ils se remirent bien
ensemble jusque-là, même que le Père le maria dans
l'Ile, mais que s'étant encore brouillés, le Père avec
les habitants de St paul le poursuivirent jusqu'à Ste
Suzanne, et l'obligea le voulait désarmer, ce qui obliga
ledit FIRELIN de quitter l'Ile au premier vaisseau qui arriva
huit ou dix jours après, et s'en alla à Surate dans le
navire Les Jeux.
Lecture faite du présent interrogatoire,
a dit ses réponses contenir vérité, y a persisté et
a déclaré ne savoir signer de ce interpellé suivant
l' ordonnance.
M. CHEREIL P. CAILLEAU
Greffier commis
Du 17e mai 1697 devant Mondit Conseiller et Commissaire
pour continuation des interrogatoires, ayant avec nous pour
notre Commis Greffier Me Pierre CAILLEAU, de lui
le serment pris en tel cas requis, et ce concurremment
avec ledit Sr ESNOUF commis pour l'instruction du procès
dudit père Hyacinthe de Quimper capucin, le serment
dudit LA ROCHE pr derechef pris de dire vérité.
dixième page M. CHEREIL
1.111-2
Interrogé s'il a connaissance que FIRELIN ait publié une
plainte contre le gouverneur à Ste Suzanne, à la sortie de la
messe du Père cap., lorsque ledit FIRELIN alla trouver
ledit Père capucin, après les coups de canne qu'il reçut
du Gouverneur,
A dit avoir entendu ledit FIRELIN se plaindre aux habitants
de ce que de Ste Suzanne, un jour à la porte de l'église,
avant ou après la messe du Père Hyacinthe capucin,
de ce que le Gouverneur lui avait donné des coups de canne.
Si ledit FIRELIN ne dit pas aux habitants ces termes :
Comment, Messieurs, souffrirez-vous qu'on maltraite ainsi
le commis de la Compagnie?
A dit qu'il ne l'a point entendu parler de la sorte, mais
seulement se plaindre des coups de canne qu'il avait reçus.
Lecture à lui faite du présent interrogatoire,
A dit ses réponses contenir vérité, y a persisté et a
déclaré ne savoir signer de ce interpellé suivant
l'ordonnance.
M. CHEREIL P. CAILLEAU
Greffier commis
onzième page
Document suivant
Ce site est hébergé par
Yannick VOYEAUD 1995-2024