Procès Vaubulon
Interrogatoire de Jacques BARRIÈRE dit DES ROCHERS
1.112
Interrogatoire fait par nous
Mathurin CHEREIL, Sr de LA RIVIÈRE, Conseiller du Roi au Présidial
de Rennes, Commissaire subdélégué en ctte partie de monsieur
BECHAMEIL de NOINTEL, conseiller du Roi en ses Conseils, Me
des Requêtes ordinaire de son hôtel, Commissaire pour l'exécution des ordres
de Sa Majesté en Bretagne aux fins de l'arrêt du Conseil d' Etat
du 23e mars dernier, et de l'ordonnance de subdélégation de mondit
Sr de NOINTEL du 24e avril suivant au nommé Jacques
BARRIÈRE détenu prisonnier aux prisons de Rennes, et ce
en conséquence de notre ordonnance rendue contre lui le 30e avril dernier,
à la requête d'André Joseph Pierre GREFFIER, Ecuyer Sieur
DUBOIS LAUNAY, Procureur du Roi au Présidial de Rennes commis par
Mondit Sr de NOINTEL pour faire les fonctions de Procureur de Sa
# contre le Père Majesté en cette partie instructeur et accusateur # ayant aussi avec nous
Hyacinthe de Quimper pour notre Commis Greffier Me CAILLEAU de lui
capucin, ledit le serment pris en tel cas requis, et y a été procédé
BARRIÈRE et autres comme ensuit le serment fait par ledit BARRIÈRE de
de ses complices dire vérité, et ce concurremment avec N et D Mre
J B André ESNOUF prêtre # vicaire général de Msgr le Révérend Evêque
# docteur en théologie de Rennes commis pour l'instruction du procès dudit
Père capucin.
Du 6e mai 1697, en la chambre Criminelle des
prisons de Rennes.
première page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.113-1
Interrogé de son nom, âge, qualité, profession et demeure,
a dit avoir nom Jacques BARRIÈRE dit DES ROCHERS, ci-devant
habitant de l'Ile de Bourbon, âgé de quarante-cinq ans ou environ,
natif de la ville de Limoges, à présent détenu en les prisons
de Rennes.
Interrogé s'il a lu les copies de l'arrêt du Conseil d'Etat du 23e
mars dernier, et de l'ordre de mondit sieur de NOINTEL du 24e avril
aussi dernier, portant notre subdélégation pour l'instruction du procès,
a dit qu'il a lu la copie dudit arrêt du Conseil d'Etat et
commission sur celui-ci, et de ladite ordonnance de subdélégation.
Nous lui avons déclaré que conformément audit arrêt du Conseil
d'Etat et ordonnance de Mondit Sr de NOINTEL portant notre subdélégation,
nous instruisons son procès, pour être ensuite jugé par Mondit
Sr de NOINTEL souverainement et en dernier ressort, avec les officiers
du présidial de Rennes, aux termes dudit arrêt du Conseil d'Etat,
A dit qu'il n'a rien à contredire audit arrêt du Conseil d'Etat.
S'il demeurait dans l'Ile de Bourbon auparavant l'arrivée du Sr
de VAUBOULON,
A dit qu'il y a vingt-sept ans qu'il est habitant de ladite Ile,
où il s'est marié, et que sa femme est encore actuellement dans l'Ile.
S'il a eu des disputes et démêlés entre ledit Sr de VAUBOULON,
le Père hyacinthe de Quimper, et FIRELIN , commis de la
seconde page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.113-2
Compagnie des Indes auparavant l'emprisonnement du Gouverneur,
A dit qu'il n'a pas de connaissance que le Père Hyacinthe capucin
ait eu des disputes avec le Gouverneur auparavant son emprisonnement,
et qu'à l'égard de FIRELIN, il a appris par ouï dire qu'il avait
reçu quelques coups de canne du Gouverneur, sans en savoir
le sujet.
S'il n'avait pas projeté, avec plusieurs autres habitants, de tuer et
massacrer le Gouverneur quelques jours avant son emprisonnement,
a dit qu'il n'a jamais eu cette pensée et n'en a point ouï
parler à aucun autre habitant.
S'il n'est pas de ceux qui s'assemblèrent pour se révolter
contre lui, et s'il n'était pas présent lorsqu'on y assigna le jour
pour l'arrêter, et qui ont été les chefs de cette révolte ,
A dit que le jeudi 23 9bre, sans pouvoir dire positivement
l'année, le Père hyacinthe de Quimper étant venu qu Quartier de
St paul à celui de St Denis, où le Gouverneur faisait sa demeure,
lui, répondant, Robert DU HALLE, Jacques MAILLOT, allèrent
saluer ledit Père dans son hospice, comme c'était la coutume;
qu'ils trouvèrent ledit Père avec FIRELIN, lequel Père capucin
les réprimanda fort, de ce qu'ils n'avaient pas arrêté le
Gouverneur le lundi précédant le jour de la Présentation de la Vierge
lorsqu'il aurait fait mettre au cachot un habitant pour
troisième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.114-1
avoir sonné la cloche afin d'avertir les ouvriers et habitants
de venir à la prière, et dit que s'il avait été présent, il l'aurait
arrêté lui-même à l'aide des ouvriers, et continuant, il
dit qu'il fallait l'arrêter, et que c'était un homme qui, après
avoir eu leurs biens, voudrait encore avoir leurs vies, qu'il
avait de bons ordres et qu'il répondrait de tout, qu'en même
temps il assigna le jour au dimanche suivant pour arrêter
ledit Gouverneur lorsqu'il viendrait à la messe, marquant que
ce jour-là était le plus commode, et qu'on ne pouvait pas
mieux faire; que ledit Père et FIRELIN donnèrent aussi en
même temps ordre à Robert DU HAL d'aller à Ste Suzanne
avertir le nommé ROYER de se rendre audit St Denis le
samedi au soir avec quatre hommes, et sur ce que ledit Robert
DU HALLE lui demanda une lettre, le Père, à ce qu'il croit, ou
FIRELIN, dirent que ledit ROYER savait bien la chose, et
qu'il n'avait pas besoin de lettre pour cela, que ledit Père
parlait presque toujours, et FIRELIN aussi, quelquefois, et
croit que ledit FIRELIN et le Père étaient d'un même accord;
que ledit ROYER amena tous les habitants de Ste Suzanne
le samedi au soir à St Denis et allèrent coucher chez lui,
répondant, et que le lendemain matin le Gouverneur fut arrêté
dans l'église.
S'il n'est pas vrai que cela a été le répondant lui-même
quatrième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.114-2
et Robert DU HALLE qui ont proposé les premiers au père
et à FIRELIN d'arrêter le Gouverneur ?
A dit que non.
Si FIRELIN ne leur donna pas le lendemain matin de l'eau-
de-vie à boire pour les exciter à faire cet emprisonnement ?
A dit que le dimanche matin, ledit ROYER envoya quatre
hommes parler au Père, avec ordre de faire ce qu'il leur
commanderait, que lui, répondant, n'était pas du nombre,
et qu'étant allé un peu auparavant la messe dans la
noutique des ouvriers, FIRELIN leur apporta de l'eau-de-vie
à boire, leur disant de prendre garde lorsqu'on arrêterait
le Gouverneur.
Qui arrêta le premier le Gouverneur dans l'église et si lui,
répondant, ne tira pas une corde de sa poche pour lier ledit
Gouverneur ?
A dit que le Gouverneur étant entré dans l'église, et le Père
capucin étant à l'autel avec son aube, ledit Gouverneur fut
saisi par LA ROCHE qui lui ôta son épée, que lui, répondant,
Marc VIDOT, Robert DU HALLE, LA ROCH et Jean MACAST
le saisirent aussi; que le Gouverneur cria à l'instant au
Père de lui sauver la vie, et ledit Père s'étant détourné de
l'autel, dit en ces termes: «amarrez-moi ce voleur-là», que
lui, répondant, avait une ligne dans la poche, mais ne sait
s'il la donna pour lier le Gouverneur, ne pouvant pas s'en
cinquième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.115-1
souvenir maintenant, que ledit Père se déshabilla, prit son
bâton en sa main et conduisit le Gouverneur dans la cour
de la maison du Roi, où les habitants lui ayant demandé
en quel lieu ils devaient mettre le Gouverneur, il dit qu'il
le fallait mettre en prison, et y fut mis en effet les
fers aux pieds; et que FIRELIN avait la clef de ladite prison;
que ce FIRELIN était au coin de son magasin avec
deux pistolets lorsque le Gouverneur fut saisi, et arrêta
un des domestiques dudit Gouverneur nommé LEPINAY; que
les autres domestiques furent aussi arrêtés par ROYER et
ceux qu'il commandait; que ledit Père et les habitants et
FIRELIN étant retournés à l'église, le Te Deum fut chanté,
et commencé par le Père qui dit la messe et fit tirer
le canon et crier «Vive le Roi», et néanmoins qu'il ne
sait pas positivement si la messe fut dite avant ou
après le Te Deum, et si ce fut le Père ou FIRELIN qui fit
tirer le canon, et que ledit Père, FIRELIN, lui répondant, et
partie des habitants allèrent tous dîner ensemble dans
la Maison du Roi, après quoi on commanda du monde
pour faire la garde autour de la prison du Gouverneur.
S'il n'a pas connaissance que le nommé LA FONTAINE du Quartier
de St Paul, homme affidé au Gouverneur, a été désarmé après
l'emprisonnement du Gouverneur, et s'il sait par quel ordre ?
sixième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.115-2
A dit que le Père écrivit une lettre aux habitants de
St paul, pour désarmer ledit LA FONTAINE , et que la lettre est
entre les mains de FIRELIN, à ce qu'il croit, ou des copies.
Si FIRELIN ne fut pas élu Commandant après l'emprisonnement
du Gouverneur, combien de temps il l'a été, et qu'il l'a
fait destituer,
a dit que ledit FIRELIN fut élu Commandant après
l'emprisonnement dudit Gouverneur, qu'il ne sait point
combien de temps il l'a été, et que les habitants l'ont
destitué par l'ordre du Père, les habitants de St Paul
étant venus investir la maison dudit FIRELIN, et le Père y
étant venu aussi le lendemain, où il se joignit auxdits
habitants pour destituer ledit FIRELIN; que ledit FIRELIN
s'étant rendu, Jacques FONTAINE du Quartier de St Paul
lui demandait des papiers, sans savoir le répondant quels
papiers, que ledit FIRELIN leur en présenta beaucoup,
mais qu'ils disaient que ce n'étaient point ceux-là qu'ils
cherchaient, et fut ledit FIRELIN mis en prison, que ledit
Père n'était pas présent alors, mais que FONTAINE allait de
moment en moment parler audit Père en son hospice
tout proche à la portée d'un pistolet.
S'il sait de quelle manière est mort le Gouverneur ?
a dit qu'il n'en sait rien, parce qu'il demeurait à une
septième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.116-1
demi-lieue de St Denis, qu'ayant appris sa mort il alla
audit St Denis et y vit le Gouverneur qui n'était point changé.
S'il n'a pas ouï dire qu'il avait été empoisonné ?
a dit qu'il ne l'a ouï dire qu'une fois audit LA FONTAINE .
Se ledit FIRELIN et LEROY chirurgien ne s'opposèrent pas
à l'ouverture du cadavre ?
A dit qu'il n'en a pas connaissance.
S'il sait qui a fait arrêter LA CITERNE, valet dudit Sr
Gouverneur, et qui a fait assembler les habitants pour le
faire condamner, et si lui, répondant, a été des juges ?
A dit qu'il a ouï dire que FIRELIN l'avait fait arrêter
parce qu'il avait projeté de tuer FIRELIN, le Père et son
compagnon, qu'ensuite ledit FIRELIN écrivit au Père
capucin qui fit assembler les habitants par son ordre et
de FIRELIN; que lesdits habitants étant assemblés, le Père
nomma neuf personnes, lesquels FIRELIN écrivit pour
juger ledit LA CITERNE, et fut arrêté que ledit FIRELIN
avait deux voix, que lui, répondant, fut du nombre des
neuf qui s'assemblèrent dans une chambre pour juger
ledit LA CITERNE; que les habitants n'y voulaient point
consentir, mais seulement le mettre en arrêt chez le nommé
YVON au Quartier de St paul; que le Père voyant leur
huitième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.116-2
résistance, leur dit qu'ils étaient des ignorants, qu'il avait
mérité la mort puisqu'il avait conspiré contre l'Eglise, et
s'emporta de colère contre eux, leur disant qu'il n'était pas
en sûreté de sa vie, en sorte que lesdits neuf habitants le
condamnèrent à avoir la tête cassée, ce qui fut exécuté le
même jour après que le Père l'eut confessé et le conduisit
lui-même au poteau, et fit signer la sentence à tous les
habitants qui étaient là; ne sait si FIRELIN était présent
lorsque lui, répondant, s'assembla avec les autres huit habitants
pour juger ledit LA CITERNE, et s'il donna sa voix, mais dit
qu'il fut apporté un livre sur la table, sans savoir par
qui, pour prouver que ledit LA CITERNE méritait la mort.
Si FIRELIN a été poursuivi dans les bois par le Père pour
le faire quitter l'Ile, et si ledit Père capucin ne lui dit pas,
et à ceux de sa Compagnie, que s'ils faisaient aucune
résistance, il ferait périr femmes et enfants,
A dit n'en avoir aucune connaissance, mais avoir ouï dire
qu'on les menaçait de piller leurs maisons.
Si lui, répondant, s'est représenté volontairement ou s'il a
été arrêté ?
A dit qu'il se représenta volontairement au Sr de SERTIGNÉ et
qu'il fut arrêté par son ordre.
nuivième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.117-1
Lecture à lui faite du présent interrogatoire :
A dit ses réponses contenir vérité, y a persisté et a signé.
Interrogé qui avait porté lui répondant et les autres habitants
à se révolter et à emprisonner le Gouverneur ?
A dit qu'ils l'ont fait par ordre du père capucin, à cause
des vexations que ledit Gouverneur leur faisait, et qu'ils
n'auraient jamais pensé à lui faire aucun mal si ledit
Père capucin ne leur en avait fait la proposition, et qu'ils
se seraient plutôt retirés dans les bois pour éviter les
mauvais traitements du Gouverneur, et que la conduite dudit
Gouverneur était si extraordinaire, qu'il pillait et volait lesdits
habitants sans aucune raison, et leur ôtait les moyens de
pouvoir subsister.
Lecture faite de son addition.
A dit qu'elle est véritable, y a persisté et a signé.
M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
P. CAILLEAU
Greffier commis
Du 17e mai 1697 devant Mons ; Conseiller et Commissaire
pour continuation ? d'interrogatoires ayant
1.117-2
avec nous pour notre Commis Greffier Me Pierre CAILLEAU
de lui le serment pris en tel cas requis, et ce concurremment
avec ledit Sr ESNOUFF commis pour l'instruction du procès du
Père Hyacinthe de Quimper capucin, le serment derechef
pris dudit BARRIÈRE de dire vérité.
Interrogé si le samedi au soir précédant le dimanche
que le Gouverneur fut emprisonné, ROYER et tous les habitants
de Ste Suzanne n'allèrent pas coucher chez lui, répondant,
à quelle heure ils arrivèrent, et qui les lui avait adressés ,
a dit que les habitants de Ste Suzanne vinrent le samedi
au soir coucher chez lui, qu'ils y arrivèrent de nuit, et
lui dirent qu'ils étaient venus de la part du Père Hyacinthe
capucin et de FIRELIN, et qu'ils avaient reçu l'ordre par
Robert DU HAL.
Si le même soir, lui répondant et les autres ne prirent pas
tous ensemble le signal pour arrêter le Gouverneur ?
A dit que ROYER commanda quatre hommes pour arrêter le
Gouverneur, savoir robert DU HAL, LA ROCHE, VIDOT et MACAST,
auxquels il dit d'aller trouver le Père Hyacinthe cap. pour
recevoir les ordres.
Si le soir, ROYER n'envoya pas quelque personne avertir
ledit Père cap. de son arrivée,
A dit qu'il a ouï dire que ROYER y avait envoyé, mais
onzième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
1.118
qu'il n'en a pas une connaissance certaine.
Si lorsque FIRELIN fut destitué de son commandement, ledit Père
cap. ne lui demanda pas des papiers, et s'il sait quels
papiers on demanda à FIRELIN,
A dit qu'il a ouï les habitants de St Paul demander des papiers
à FIRELIN, mais ne sait point quels papiers ils lui
demandaient, ni que le Père cap. lui en ait demandé.
S'il était de ceux qui mirent le Gouverneur au cachot, qui
leur donna la clef pour l'ouvrir, et à qui elle fut remise
après l'emprisonnement ?
A dit que véritablement, il était de ceux qui conduisirent
le Gouverneur au cachot, qu'il ne sait point qui donna
la clef pour l'ouvrir, et qu'il croit qu'elle fut remise
à FIRELIN après que le Gouverneur y fut enfermé.
Lecture à lui faite du présent interrogatoire,
a dit ses réponses contenir vérité, y a persisté et a signé.
douzième page M. CHEREIL Jacques BARRIÈRE
P.CAILLEAU
Greffier commis
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