Procès Vaubulon
Interrogatoire de Marc VIDOT
1.119
7e mai 1697
Interrogatoire fait par nous
Mathurin CHEREIL Sr de la RIVIÈRE, Conseiller du Roi au Présidial
de Rennes, Commissaire subdélégué en cette partie de Monsr
BECHAMEIL de NOINTEL, Conseiller du Roi en ses Conseils, Me
des Requêtes ordinaire de son hôtel, Commissaire pour l'exécution des
ordres de Sa Majesté en Bretagne aux fins de l'arrêt du Conseil
d'Etat du 23 mars dernier, et de l'ordonnance de subdélégation de
Mondit Sieur de NOINTEL du 14e avril suivant au nommé
Marc VIDOT détenu prisonnier aux prisons de Rennes, et ce
en conséquence de notre ordonnance rendue contre lui le 30 avril dernier,
à la requête d'André Joseph Pierre GREFFIER, Ecuyer Sieur DUBOIS
LAUNAY, Procureur du Roi au Présidial de Rennes, commis par Mondit Sr
de NOINTEL pour faire les fonctions de Procureur de Sa Majesté en cette dite
# contre le Père partie ? et accusateur # ayant avec nous pour notre Commis
Hyacinthe de Greffier Me Pierre CAILLEAU, de lui le serment pris en
Quimper capucin tel cas requis, et y a été procédé comme ensuit le
VIDOT et autres ses serment fait par ledit VIDOT de dire vérité, et ce
complices déférés concurremment avec N et D Mre André ESNOUF, prêtre
et accusés.M. CH Vicaire Général de Msgr le Révérend Evêque de Rennes
commis pour l'instruction du procès du Père capucin.
Du 7e mai 1697, en la Chambre Criminelle
des prisons de Rennes.
Interrogé de son nom, âge, qualité, profession et demeure
première page M. CHEREIL
1.120-1
# Dépendance
de la République
M.CH.
# dans
M.CH
1.120-2
A dit avoir nom Marc VIDOT, laboureur, natif de Rouvigné
ville # de Venise, âgé de trente-trois ans, ci-devant habitant
de l'Ile de BOURBON, à présent détenu prisonnier en les prisons de Rennes.
S'il a eu copie dudit arrêt du Conseil d'Etat du 23e mars dernier
et de l'ordonnance de Mondit Sr de NOINTEL du 24e avril aussi dernier,
portant notre subdélégation pour l'instruction dudit procès,
dit qu'il a eu copie dudit arrêt du Conseil d'Etat et commission
sur celui-ci, et de ladite ordonnance de subdélégation.
Nous lui avons déclaré que conformément audits arrêt du
Conseil d'Etat et ordonnance de Mondit Sieur de NOINTEL portant notre
subdélégation, nous instruisons son procès, pour être ensuite
jugé par Mondit Sr de NOINTELsouverainement et en dernier
ressort, avec les officiers du Présidial de Rennes aux termes
dudit arrêt du Conseil d'Etat.
A dit qu'il n'a rien à y contredire.
S'il y avait longtemps qu'il était habitant de l'Ile de Bourbon
lorsqu'il a passé en France, s'il y est venu volontairement,
et de # quel Quartier de l'Ile il demeurait.
A dit qu'il habitait dans l'Ile depuis environ huit ans et
qu'il était auparavant l'arrivée dum Sieur de VAUBOULON
dans le Quartier de Ste Suzanne, que la femme de lui, répondant, est
encore actuellement dans l'Ile et qu'il n'est venu en France
seconde page M. CHEREIL
1.120-3
que par l'ordre du Sieur de SERTIGNY, capitaine de vaisseau du
Roi, qui l'a fait arrêter dans l'Ile s'embarquer dans son
vaisseau, et qu'il obligea aussi le Père Hyacinthe de Quimper
capucin, FIRELIN , Robert DU HAL, Jacques BARRIÈRE et
LA ROCHE à s'embarquer, ne sait néanmoins si FIRELIN
est venu volontairement en France ou s'il y a été obligé par
ledit Sr de SERTIGNY.
S'il n'a point su que ledit Père Hyacinthe capucin avait eu
des différends et démêlés avec le Gouverneur incontinent après
leur arrivée, et s'il n'a point su assi que FIRELIN en avait
eu avec le Gouverneur et avait reçu de lui quelques coups
de canne,
A dit qu'il a ouï dire audit FIRELIN, mais qu'il n'en a pas de
connaissance certaine.
s'il ne sait point que ledit FIRELIN, ayant reçu quelques
coups de canne du Gouverneur, s'en alla à Ste Suzanne
trouver le Père Hyacinthe de Quimper, capucin, et qu'il a
comploté dès lors d'arrêter ledit Gouverneur,
A dit qu'il a connaissance que ledit FIRELIN alla à Ste Suzanne
se plaindre au Père capucin des coups de canne qu'il avait
reçus du Gouverneur, mais qu'il ne sait point s'ils
complotèrent dès lors de l'arrêter.
S'il sait en quel lieu a été faite la conspiration
troisième page M. CHEREIL
1.121-1
contre lui,
A dit qu'il n'en sait rien, entendant # très peu la langue
française, laquelle il parle maintenant assez bien
# lors
M. CH
1.121-2
# lors
M. CH
S'il n'alla pas à St Denis avec le nommé ROYER, capitaine du
Quartier de Ste Suzanne et plusieurs autres habitants un samedi
au soir, pour arrêter le lendemain le Gouverneur,
A dit que Robert DU HAL du Quartier de St Denis vint, un
jour qu'il ne peut citer ni l'année pareillement, y ayant
déjà longtemps que cette affaire s'est passée, avertir le
répondant de la part du Père Hyacinthe de Quimper, capucin,
et de FIRELIN, de se tenir prêt pour venir le samedi au soir
suivant à St Denis, afin d'aider à arrêter le Gouverneur
le dimanche matin, que ledit DU HAL éloigna la femme
de lui, répondant, pour lui dire le secret, lequel il lui
recommanda de ne déclarer à personne; que le samedi ledit
ROYER, capitaine du Quartier, assembla les habitants, de quoi
les femmes ayant été inquiètes, ledit ROYER dit qu'ils
allaient à la chasse aux noirs, et après avoir marché
environ une demi-lieue, il déclara aux habitants qu'ils
allaient à St Denis par l'ordre du Père hyacinthe, capucin,
et de FIRELIN pour aider à arrêter le Gouverneur; qu'ils
allèrent coucher chez Jacques BARRIÈRE aux Butors près
St Denis; que ledit ROYER envoya un homme audit Père capucin
quatrième page M. CHEREIL
1.121-3
et à FIRELIN les avertir de leur arrivée, et les prièrent de venir
pour prendre ensemble leurs mesures, que néanmoins ils
ne vinrent pas et mandèrent à ROYER de faire comme il
entendait, et que ledit ROYER destina dès lors lui, répondant,
et trois autres nommés LA ROCHE, DUHAL, et MACAST pour
exécuter les desseins et arrêter ledit Gouverneur nonobstant
la résistance que pût témoigner lui, répondant, de se charger
de cette commission, et que ledit ROYER lui dit qu'il fallait
absolument qu'il allât avec les autres.
Qui leur donna le signal pour arrêter ledit Gouverneur dans
l'église ?
a dit que lui, répondant, et deux des autres destinés par ledit
ROYER, autant qu'il se peut souvenir, allèrent trouver ledit
Père Hyacinthe, capucin, le matin; que lui, répondant,
n'entendant pas bien (H) la langue ainsi qu'il a dit ci-dessus,
ne sait pas ce que le Père dit à ses camarades, ni quel
signal il leur donna, mais qu'ils s'en allèrent peu de temps
après dans l'église, où ledit Gouverneur fut arrêté par lui,
répondant, et les trois autres.
S'il n'alla pas auparavant d'entrer dans l'église boire de l'eau-
de-vie avec les ouvriers, et s'il sait qui la leur avait donnée ?
A dit que véritablement, les ouvriers l'appellèrent pour boire
de l'eau-de-vie qui leur avait été donnée par FIRELIN, mais
qu'il n' y voulut pas aller, et que les autres camarades y allèrent
cinquième page M. CHEREIL
1.122-1
Si lui, répondant, ne tira pas un coutelas dans l'église,
menaçant de couper la tête au Gouverneur s'il faisait
résistance,
A dit qu'en voyant les valets du Gouverneur qui se voulaient
mettre en défense, il tira son coutelas mais sans avoir
dessein d'en faire aucun mal.
Si le Gouverneur n'eut pas recours au Père capucin, en le
priant de lui sauver la vie ?
A dit que le Gouverneur, se voyant saisi, cria au Père
capucin «Mon Père, sauvez-moi la vie», à quoi ledit Père
capucin repartit en ces termes: «amarrez-moi ce voleur-là»
et que lors, ledit BARRIÈRE dit DES ROCHERS tira une corde
de sa poche et lia les mains du Gouverneur.
Si les domestiques dudit Gouverneur ne furent pas aussi
arrêtés en même temps, et par quel ordre ?
A dit qu'ils furent arrêtés par l'ordre du Père capucin
et de FIRELIN, par tous les habitants et les ouvriers du
Quartier de St Denis et de Ste Suzanne.
Qui conduisit le Gouverneur en prison, et si FIRELIN était présent ?
A dit que le Père capucin ôta son aube, et fit conduire
ledit Gouverneur en prison, marchant à la tête, et que FIRELIN
était tout proche l'église avec deux pistolets à la main
sixième page M. CHEREIL
1.122-2
que tous les habitants demandèrent à mettre le Gouverneur
dans sa chambre, mais que le Père s'y opposa, et dit qu'il
le fallait mettre au cachot les fers aux pieds, ce qui fut
fait à l'instant, et que ledit Père capucin ou FIRELIN avaient
la clef du cachot.
Si le Te Deum ne fut pas ensuite chanté dans l'église,
et par quel ordre ?
A dit que le Père capucin fit chanter le Te Deum dans l'église
après ledit emprisonnement, et dit la messe, et fit tirer du
canon et arborer le pavillon, avec plusieurs cris de «Vive
le Roi».
S'ils n'allèrent pas dîner ensemble dans la Maison du Roi?
A dit qu'il n'en sait rien, étant retourné incontinent
à Ste Suzanne.
S'il sait par quel ordre LA FONTAINE du Quartier de St Paul
fut désarmé ?
A dit qu'il a ouï dire que c'était par l'ordre du Père
Hyacinthe capucin.
S'il ne sait point qu'il s'était fait, quelques jours
auparavant l'emprisonnement du Gouverneur, une conspiration
contre lui pour le tuer et l'assassiner, s'il n'a point eu ce
dessein, et s'il n'a point connaissance que d'autres habitants
l'eussent formé ?
septième page M. CHEREIL
1.123-1
A dit qu'il n'a jamais ouï parler d'aucune chose semblable,
qu'il n'en a point eu le dessein et ne sait point qu'aucun des
habitants y aient pensé, quoique le Gouverneur fît
beaucoup de vexations dans l'Ile, prenant les biens de la plupart
des habitants, et exigeant d'eux des sommes exorbitantes sans
justice et sans raison, que néanmoin lui, répondant, et
les autres habitants ne se seraient jamais portés à attenter
contre ledit Gouverneur, sans l'ordre dudit Père Hyacinthe,
capucin, et de FIRELIN, et lui, répondant, n'en aurait rien
fait sans qu'il fût commandé par ledit ROYER son capitaine
de Quartier, auquel il crut devoir obéir, lui, répondant,
étant un étranger qui ne pouvait pas faire aucune
résistance aux ordres de son capitaine.
S'il sait de quelle manière est mort le Gouverneur, et s'il a
ouï dire qu'il ait été empoisonné ?
A dit qu'il n'était point à St Denis lorsque le Gouverneur
est mort, et ne sait point de quelle maladie il est décédé,
sauf qu'il ouït dire dans ce temps-là qu'il y avait longtemps
qu'il était malade dans le cachot; que FIRELIN ayant donné
avis aux habitants de Ste Suzanne de la mort du Gouverneur,
lui, répondant, y alla avec les autres, mais ne le dit qu'après
qu'il fut enseveli; et n'a ouï parler du poison que deux ou
trois ans après, lorsque le Père Hyacinthe, capucin,
huitième page M. CHEREIL
1.123-2
vint avec les habitants de St Paul pour destituer ledit
FIRELIN, que lui, répondant, était avec ledit FIRELIN dans
la Maison du Roi, où il fut investi par tous les habitants,
et entendit dire à FONTAINE du Quartier de St Paul ces paroles:
«Tu ne te veux pas rendre, je te brulerai dans la maison,
tu as empoisonné le Gouverneur et tu le payeras»
Combien de temps FIRELIN a été Commandant, s'il sait
pourquoi et par quel ordre il a été destitué ?
A dit qu'il ne peut pas dire positivement combien de temps
FIRELIN a été Commandant, mais qu'il sait bien que
ledit Père capucin l'a fait destituer sans en savoir la
raison, que FONTAINE mit ledit FIRELIN en prison et lui,
répondant, et leur demanda des papiers, sans savoir, lui,
répondant, quels papiers il souhaitait, et qu'il ne sait
pas si c'était par l'ordre du Père capucin qui était alors
à se promener autour de la Maison du Roi, et que lui,
répondant, le vit plusieurs fois.
Combien de temps ledit FIRELIN et lui, répondant, furent
en prison ?
A dit que FIRELIN fut huit jours en prison, et ensuite
environ quinze jours en arrêt, et que lui, répondant, fut
cinq ou six heures dans le cachot, et mis aussi en arrêt.
neuvième page M. CHEREIL
1.124-1
pendant le même temps sans en savoir le sujet.
Si le Père n'a pas une seconde fois poursuivi FIRELIN pour
l'obliger à sortir de l'Ile,
A dit que le Père Hyacinthe poursuivit une seconde
fois ledit FIRELIN jusqu'à Ste Suzanne, que lui, répondant,
et sept ou huit autres habitants étaient avec ledit FIRELIN, et
furent tous poursuivis par ledit Père capucin et les habitants
de l'Ile, menaçant ledit Père de tuer leurs femmes
et leurs enfants s'ils faisaient résistance, ce qui obligea
ledit FIRELIN de sortir de l'Ile dans le premier vaisseau qui
passa, lui, répondant, demeura dans ladite Ile avec sa
femme et ses enfants.
S'il a connaissance pourquoi LA CITERNE fut arrêté et condamné
à mort, et si lui, répondant, n'était point des juges :
A dit qu'il a ouï dire que LA CITERNE fut arrêté pour
avoir voulu délivrer son maître de la prison et d'avoir projeté,
pour y réussir, de tuer le Père capucin, son compagnon
et FIRELIN, que ROYER, capitaine de Ste Suzanne fit une
assemblée des habitants du Quartier et les conduisit à
St Denis, sans savoir par quel ordre; qu'il croit qu'il
fut nommé huit ou neuf habitants pour juger ledit avec
FIRELIN ledit LA CITERNE, et qu'un des habitants du
dixième page M. CHEREIL
1.124-2
Quartier nommé ROUILLARD, fit signer au répondant
un papier, sans savoir ce qu'il contenait, après quoi ne
voulant pas rester plus longtemps, il s'en ala incontinent
après à Ste Suzanne, sans savoir autre particularité de la
du jugement ni de la mort dudit LA CITERNE, sauf qu'il a ouï
dire que les habitants ne l'avaient condamné qu'à demeurer
en arrêt dans le Quartier de St Paul jusqu'à l'arrivée du
# mais premier vaisseau de France #; et que le Père avait Hyacinthe
M.CH capucin avait insisté et demandé sa mort.
Lecture à lui faite du présent interrogatoire,
a dit ses réponses contenir vérité, y a persisté et a
déclaré ne savoir signer, de ce interpellé suivant
l'ordonnance.
Nous avons à l'endroit remontré audit VIDOT qu'il nous
a dit dans une de ses précédentes réponses qu'on lui avait fait
signer un papier touchant LA CITERNE et pourquoi il
refuse maintenant de signer,
A dit qu'il ne sait mettre simplement qu'une croix, et
qu'il n'a pas entendu dire autre chose lorsqu'il nous a dit
dans une de ses précédentes réponses avoir signé un papier.
lecture à lui pareillement faite de ladite dernière remontrance,
a dit sa réponse contenir vérité, y a persisté et
onzième page M. CHEREIL
1.125
déclaré derechef ne savoir signer de ce interpellé
suivant l'ordonnance.
M. CHEREIL P. CAILLEAU
Greffier commis
Du 17e mai 1697, Devant nous Conseiller et Commissaire
pour continuation d'interrogatoire, ayant avec nous pour notre
Commis greffier Me Pierre CAILLEAU de lui le serment
pris en tel cas requis, et ce concurremment avec ledit
ESNOUF commis pour l'instruction du procès dudit Père cap.
le serment derechef pris dudit VIDOT de dire vérité,
Interrogé s'il a connaissance que FIRELIN ait publié une plainte
contre le Gouverneur à Ste Suzanne à la sortie de la messe du Père
cap. lorsque ledit FIRELIN alla trouver ledit Père cap. après
les coups de canne qu'il reçut du Gouverneur,
A dit qu'un jour à la sortie de la messe dudit Père cap. à Ste
Suzanne, il a entendu FIRELIN se plaindre aux habitants que le
Gouverneur lui avait donné des coups de canne, mais comme
il n'entendait pas alors que très peu la langue française, il ne
sait pas ce que FIRELIN a dit aux habitants à ce sujet, et ouït seulement
parler des coups de canne et que lesdits autres habitants ne lui ont point
dit les autres plaintes que FIRELIN avait faites contre le Gouverneur, ni qu'il
les eût excités à la révolte.
Lecture à lui faite du présent interrogatoire, a dit ses réponses contenir vérité
y a persisté et a déclaré ne savoir signer, de ce interpellé suivant l'ordonnance.
M. CHEREIL P. CAILLEAU
douzième page Greffier commis
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