Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
Jacques MAILLOT
2.040
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Déclaration faite par Jacques MAILLOT natif
de la paroisse de Notre Dame de la Couture
en Normandie âgé d'environ quarante ans et habitant
de St Denis Ile Bourbon contre Monsieur HABERT
de VAUBOULON Gouverneur de la dite Ile Bourbon
Du 11 Décembre 1690
Disant que Sa Majesté ayant la bonté d'écrire
aux habitants et leur marquer qu'Elle voulait les soulager
et quelle leur envoyait le dit Sieur de VAUBOULON pour leur
Gouverneur, lesquels l'avaient reçu avec tous les
honneurs qui leur fut possible, mais bien loin de
les soulager et les traiter comme bons serviteurs
du Roy, avait commencé de leur dire que s'il avait
fait son devoir, il aurait fait mettre tout l'équipage
du navire Le St Jean à terre avec tout le monde
et les aurait fait passer au fil de l'épée, disant qu'ils
avaient tous mérité d'être pendus et qu'il avait
assez pâti sur la mer pour les venir voir et quand
il fallait qu'il mangeasse à son tour, ensuite de quoi
il avait fait piller et piller luy même les dits habitants
leur prenant des sommes d'argents pour le fonds
de leur habitations, avec des contrats qu'il faisait
comme il voulait, et leur donner sans savoir ce qui
était dedans, et prenant leurs anciens contrats
disant qu'il les garderait bien, et que les Gouverneurs
qui avaient resté ici cy-devant n'étaient que des
misérables et des voleurs n'ayant fait que tromper
les dits habitants les rendant esclaves, et qu'ainsi, il ne
devaient remercier Dieu de ce qu'il était venu ici
pour les tirer de l'esclavage.
Marque X du dit
Jacques MAILLOT
2.041
Déclare le dit Jacques MAILLOT que ne s'étant pas
pressé d'aller sonner le dit Sieur Gouverneur pour son habitation
quoique le dit Sieur Gouverneur lui eût dit plusieurs fois
de retirer de lui un contrat, et voyant qu'il n'y
allait pas, le dit Sieur Gouverneur envoya le Sieur de CHAUVIGNY
chez le dit déclarant lui disant d'aller au plus tôt faire
faire un contrat ou qu'autrement il l'enverrait
quérir prisonnier et piller tout ce qu'il pouvait
avoir, disant que le dit Sieur Gouverneur était fort
en colère contre lui, mais qu'il avait fait ce qu'il
avait pu pour l'apaiser, disant que le dit déclarant
était de ses amis, et ensuite lui demanda combien
il pouvait donner d'argent, dont le dit déclarant
lui dit qu'il n'avait point d'argent ayant ci-devant
payé son habitation, dont le dit Sieur de CHAUVIGNY lui
dit qu'il fallait qu'il payasse ou qu'il ne lui donnerait
non plus de quartier qu'aux autres, et le dit déclarant
se voyant ainsi forcé fut contraint d'aller sonner
le dit Sieur Gouverneur et en lui parlant lui dit qu'il
avait bien fait de venir et qu'il l'aurait envoyé
quérir à ses dépens, lui demandant s'il lui avait
apporté de l'argent pour sa dite habitation, dont le dit
déclarant lui dit qu'il avait quatre écus et le dit Sieur
lui dit qu'il fallait qu'il en donnasse
huit et qu'il les donnasse, donc le dit déclarant
fut obligé de les donner, donc le dit Sieur Gouverneur
en eut quatre et le dit Sieur de CHAUVIGNY quatre, et
ensuite le dit déclarant donna au dit sieur Gouverneur
deux cochons faisant ensemble 60 #, une livre de fil
de coton filé, deux douzaines de concombres, avec
des menaces continuelles de faire piller les dits
habitants et de les faire pendre, et qu'il les
attraperait tous les uns après les autres,
et pour empêcher qu'on ne se plaignisse de lui il
ne voulait jamais parler à deux hommes ensemble
parlant toujours seul à seul enfermé dans sa
chambre ayant deux pistolets sur sa table et
voulant forcer de dire ce qu'on ne savait pas
Marque X du dit
Jacques MAILLOT
2.042
Déclare de plus le dit Sieur jacques MAILLOT qu'il aurait
connaissance que le dit Sieur FIRELIN, commis de la Compagnie,
aurait été obligé de se retirer à Ste Suzanne pour éviter
plus grande violence du dit Sieur Gouverneur l'ayant mal
traité dans le magasin de la Compagnie avec des menaces
de le faire pourrir dans un cachot et de lui faire son
procès et que le dit commis n'aurait pu rien faire sans
son ordre disant qu'il était le Roy dans l'île et qu'en-
suite le dit commis fut obligé de vivre chez un
habitant, et même s'accommoder avec eux pour faire
subsister les ouvriers, le dit Sieur Gouverneur ne leur voulant
pas donner des vivres, les menaçant continuellement
Déclare de plus que le jour de la présentation de la Sainte Vierge
les habitants du quartier étant venus pour entendre
la prière, étant recommandée dans le calendrier du
R.P. HYACINTHE, ce que le dit Sieur Gouverneur trouva fort mauvais,
ayant fait mettre un habitant dans le cachot pour
avoir sonné la cloche innocemment, et menaçant les dits
habitants de les faire châtier disant qu'il ne connaissait
pas ces fêtes là et que c'était des fêtes à la capucine
et que le premier qui parlerait de fête qu'il ne les
commandât il pouvait prendre garde à lui.
Déclare de plus que huit jours après que le dit Sieur
Gouverneur lui eut donné son contrat pour son
habitation il lui ôta un morceau de sa terre pour
la donner à un autre et lui défendit d'abattre
aucun arbre sans son ordre à peine de l'amende.
Déclare de plus que le Sieur de CHAUVIGNY faisait
toutes choses dans l'île comme le dit Sieur Gouverneur
même lui servant de secrétaire et que quand
le dit Sieur de CHAUVIGNY allait à la promenade
les barils ou bouteilles de vin et d'eau de vie
marchaient avec lui étant fort libéral de
faire boire les uns et les autres.
Marque X du dit
Jacques MAILLOT
2.042
Déclare de plus le dit Jacques MAILLOT que les habitants
voyant tous les désordres et les tyrannies du dit Sieur
Gouverneur, plusieurs l'auraient averti de se donner
de garde et de cacher si peu qu'il avait disant que
le dit Sieur Gouverneur voulait faire fouiller leurs coffres
pour voir ce qui était dedans et pour prendre
ce qu'il l'accommoderait, ce qui mit une si grande
terreur entre tous les dits habitants qu'ils étaient
tous prêts d'abandonner leur cases pour se
retirer dans les montagnes n'entendant autre
chose que des menaces de faire pendre ou faire
pourrir dans un cachot.
Marque X du dit
Jacques MAILLOT
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