Procès Vaubulon

2.044

Déclaration faite par Arzul GUICHARD natif
de Lorient du Port Louis et âgé d'environ vingt deux
ans et habitant du quartier St Denis Ile Bourbon
contre Monsieur HABERT de VAUBOULON, Gouverneur
de la dite ile

Du 15 décembre 1690

Disant que Sa majesté ayant fait l'honneur à tous
les habitants de leur faire une lettre par laquelle
Elle leur mandait qu'Elle voulait prendre soin d'eux
et les soulager, et qu'Elle leur envoyait le dit Sieur HABERT
pour leur Gouverneur lesquels l'auraient reçu avec
tout l'honneur qu'il leur fut possible, mais bien
loin de les soulager et les traiter comme bons
sujets du Roy aurait commencé par les piller
et leur attraper l'argent qu'il pouvait pour le fonds
de leur habitation avec des menaces continuelles
et en ayant fait mettre plusieurs dans le cachot
afin qu'ils lui donnassent l'argent qu'il leur demandait

Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur l'aurait menacé
plusieurs fois  de lui donner la fleur de lys, voulant
lui faire dire des choses qu'il ne savait pas,
lui disant de prendre garde à lui et qu'il le ferait
brûler avec sa femme dans sa maison sa femme étant
une putain,

Déclare de plus que le Sieur FIRELIN commis de la Compagnie
l'aurait prié de le mener à Ste Suzanne ayant été
maltraité du dit Sieur Gouverneur dans le magasin de la Compagnie
et aurait vu la joue du dit commis rouge et enflée
disant que c'était un coup de bâton qu'il aurait reçu 
du dit Sieur Gouverneur et quelques jours après le dit Sieur Gouverneur
aurait menacé le dit déclarant le traitant de bougre et 
pourquoi il avait conduit le dit commis à Ste Suzanne
sans l'avertir et qu'il prit garde à lui une autre fois
et qu'il n'allasse en aucun lieu sans l'avertir

Marque du dit
Arzul GUICHARD

2.045

Déclare de plus le dit Arzul GUICHARD que le dit Sieur
Gouverneur l'aurait fait mettre dans le cachot le
jour de la présentation de la Sainte Vierge pour avoir
sonné la cloche innocemment, lui demandant s'il ne le
croyait pas aussi bon catholique que tous ces bougres
de chiens-là, ayant injurié le dit déclarant en paroles
lui disant toujours de prendre garde à lui, et le fit
sortir après midi, lui disant qu'il y aurait laissé
vingt quatre heures sans manger ni boire si on ne 
lui avait pas demandé sa grâce.

Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur aurait fait faire
amende honorable à Henry BROCUS, habitant, la corde
au col avec un écriteau devant lui et ensuite conduit
au carcan sur le rapport de sa négresse et d'un
petit nègre d'environ dix ans, ce qui causa une grande
terreur parmi les dits habitants qui étaient tous prêts
d'abandonner leurs cases pour s'enfuir dans la 
montagne, ne faisant autre chose que de les menacer
ayant même envoyé ses gens la nuit armés
dans le quartier, qui entraient dans les cases
sans rien dire, fouillant partout feignant
de chercher les nègres marrons


Marque du dit
Arzul GUICHARD


Déclare de plus le dit GUICHARD que quand le Sieur
de CHAUVIGNY allait se promener, les bouteilles de vin
et d'eau de vie marchaient toujours avec lui
en ayant même donné plusieurs bouteilles et
étant fort libre d'en faire boire à ceux qui
allaient dans sa chambre
Marque du dit
Arzul GUICHARD