Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
Jacques CARRÉ TALHOIT
2.046
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Déclaration faite par le Sieur Jacques
CARRE TALHOIT natif de la ville de Hennebont en
Bretagne et âgé d'environ quarante six ans et
habitant du quartier de St Denis Ile Bourbon
contre Monsieur HABERT de VAUBOULON, gouverneur
de la dite île
Du 15 décembre 1690
Disant que Sa Majesté ayant eu la bonté d'écrire
aux habitants une lettre par laquelle Elle leur
marquait qu'elle voulait prendre le soin d'eux afin
de les soulager et leur envoyer pour cet effet le dit Sieur
de VAUBOUON pour leur Gouverneur, lequel bien
loin de les soulager, avait commencé de les piller
après avoir été reçu des dits habitants avec des
menaces continuelles de les faire pendre disant
que la plupart aurait mérité la mort, et leur
demandant de quoi le faire vivre avec son monde
en attendant qu'il y eusse pourvu promettant de
payer ce qu'on lui donnerait, et ainsi le dit Sieur
déclarant lui envoya quatre gros coqs d'Indes,
soixante et six pains frais, deux cent cinquante
six livres de blé, avec plusieurs voyages de ses
nègres apporter ce qui lui était nécessaire depuis
St Paul à St Denis l'espace de trois semaines,
Et avoir demandé le paiement du contenu
ci-dessus au dit Sieur Gouverneur, aurait répondu au dit Sieur
déclarant qu'il fallait qu'il songeasse à payer son
habitation et qu'il n'était pas ou il en pensait, le
forçant de prendre un contrat nonobstant qu'il
en avait un de Monseigneur d'ARGENT ci-devant Gouverneur
dont il y avait plus de quinze ans qu'il était
en possession, et le dit Sieur déclarant lui disant qu'il
n'avait point d'argent, le dit Sieur Gouverneur l'aurait injurié
et obligé de faire une dette au nom de du Sieur de CHAUVIGNY
de la somme de trente livres comme argent prêté
ainsi qu'il en a été payé
Signé TALHOIT
2.047
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT que le dit Sieur Gouverneur
ayant été chez lui, aurait vu un cabinet des Indes
qu'il aurait demandé en payant la valeur et qui lui
fut accordé et l'ayant et n'en a voulu rien payer
Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur envoyant ses gens
rar les habitations armés aurait fait tuer un de ses
cochons pesant 200 tt en passant dans son habitation
et comme le dit Sieur TALHOIT était malade il aurait
envoyé sa femme au dit Sieur Gouverneur pour savoir
de lui si c'était par son ordre que Paul Désiré LA
CITERNE son valet aurait tué ce cochon dont
le dit Sieur Gouverneur aurait dit que oui traitant la dite
dame TALHOIT d'injures et la menaçant de la mettre
dans un lieu de sûreté jusque même lever son
bâton plusieurs fois pour la frapper, disant qu'elle
avait été bien osée de faire enlever un cochon
que ses gens avaient tué.
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT que le dit Sieur Gouverneur
leur aurait pris deux oiseaux qu'il aurait troqués
avec Monsieur HOUSSAYE en passant pour aller aux Indes
lui ayant donné pour peupler dans l'île en
échange de deux coq d'Indes et deux canards.
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT que le jour de Pâques
dernier le dit Sieur Gouverneur l'aurait envoyé quérir par
Jacques FONTAINE Capitaine du quartier de St Paul et
lui aurait fait signer une lettre pour Sa Majesté
afin de le remercier de toutes Ses bontés comme
aussi un autre papier lui disant qu'il lui en dirait
la teneur après la messe, et environ quinze jours
après, le dit Sieur déclarant lui en aurait fait souvenir
dont le dit Sieur Gouverneur lui dit que c'était un procès
verbal qu'il avait fait ayant fait l'ouverture
d'un magasin que le Sieur DROUILLARD aurait laissé
cacheté, dont le dit Sieur déclarant déclare derechef
qu'il n'était point présent et que le dit Sieur Gouverneur
lui a fait signer par surprise
Signé TALHOIT
2.048
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Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT que le dit Sieur Gouverneur
se serait mis en possession de toutes choses tant
appartenant au Roy qu'à la Compagnie disant
que le Roy lui avait cédé tous ses droits et qu'il
en était le souverain ici et que ce que les dits
habitants avaient n'était pas à eux s'il ne voulait
menaçant de faire fouiller leurs coffres, et disant
que si le moindre de ses gens y allait de sa part on
eusse à les ouvrir et à les laisser prendre ce qu'ils
voudraient, et ayant même fait mettre plusieurs
habitants dans le cachot et qu'alors qu'on lui
parlait de Messieurs de la Royale Compagnie
il en disait mille infamies, les traitant de voleurs
de banqueroutiers, et de savetiers et qu'il les mènerait
bien et qu'il ne dépendait aucunement d'eux, se
prévalant de l'honneur qu'ils lui auraient fait
dans leur bureau à Paris.
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT que lorsqu'on remontrait
au dit Sieur Gouverneur la manière qu'on faisait la justice
du temps des autres Gouverneurs, suivant les
ordres de Monsieur Jacob de la HAYE Vice-Roi
le dit Sieur Gouverneur aurait répondu que ces gens là
n'auraient jamais eu des ordres comme lui et
que le dit Sieur de la HAYE était un petit coquin et
un affronteur, et que les autres Gouverneurs ci-devant
n'étaient que des voleurs.
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT que Monsieur de CHAUVIGNY
a fait porter fort souvent des barils de vin et
d'eau-de-vie régalant les uns et les autres tant chez
les habitants que dans sa chambre, le dit Sieur Gouverneur
lui faisant porter autant d'honneur qu'à lui même
et approuvant tout ce qu'il faisait, disant que c'était
son grand ami et lui servant de secrétaire.
Et même que le dit Sieur de CHAUVIGNY aurait donné plusieurs
marchandises du magasin en l'absence du commis
Signé TALHOIT
2.049
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT avoir été averti que le dit
Sieur Gouverneur le devait faire mourir dans un cachot
pour avoir donné la nourriture au Sieur FIRELIN commis
et Madame Jacques HENRY charpentier et à sa femme, ce qu'il
n'aurait pu refuser voyant le mal traitement qu'il
aurait fait au commis le traitant pis qu'un habitant.
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT avoir entendu dire au dit Sieur
Gouverneur que si le RP BERNARDIN était venu ici
Il l'aurait fait pourrir dans un cachot.
Déclare de plus le dit Sieur TALHOIT qu'étant allé saluer le dit
Sieur Gouverneur, il lui aurait dit qu'il avait envie
de faire pendre un habitant, et le lendemain il aurait
fait faire amende honorable à Henry BROCUS la corde
au col avec un écriteau devant lui et ensuite conduit
au carcan sans aucune cause légitime et contre
les règles de la justice, ce qui donna bien de la terreur
aux dits habitants étant tous prêts d'abandonner leurs
cases pour aller à la montagne, n'entendant parler que
de menaces et cruautés, voyant même ses gens passer
de jour et de nuit par les habitations armés et
entrant même dans les cases sans rien dire,
Déclare de plus le dit TALHOIT que dès le commencement
que le dit Gouverneur fut dans cette île, il fit ôter
les armes de la Compagnie et de Monseigneur le
Marquis de SEIGNELAY qui étaient dans l'église de
St Paul, au dessous des armes du Roy
Signé TALHOIT
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