Procès Vaubulon
Assignation des témoins
HERVY Jacques
1.054-1
Du 29 avril 1697 devant mon dit Conseiller et Commissaire
Jacques HERUY, maître charpentier, demeurant à présent
au Port-Louis, et ci-devant dans l'Ile de Bourbon, âgé
de cinquante ans, lequel après serment par lui fait
de dire vérité, et qu'il nous a dit n'être parent, allié,
serviteur ni domestique des parties et nous a représenté
d'hier l'exploit d'assignation à lui donnée le jour (H) pour déposer
(h) en ladite information, enquis des faits de la plainte
dudit Sieur procureur du Roi, de laquelle nous lui avons
fait lecture.
Dépose qu'environ quinze jours ou trois semaines
avant l'emprisonnement du Sieur de VAUBOULON Gouverneur
de l'Ile de Bourbon, le nommé Michel FIRELIN, garde-
magasin pour la Compagnie des Indes, lui dit que
ledit Sieur Gouverneur ayant été dans son magasin, et
ayant voulu lui faire changer les munitions d'un
côté à l'autre, ils disputèrent quelque temps ensemble,
et que ledit Gouverneur lui avait donné deux ou trois
coups de canne, et lui dit aussi qu'il s'en allait à
Ste Suzanne distant de quatre lieues de St Denis,
pour y trouver le Père Hyacinthe, capucin, et lui défendit de le dire
à personne quant aux autres ouvriers; que ledit FIRELIN
Quatorzième page M. CHEREIL
1.054-2
revint trois ou quatre jours après avec le Père
capucin, sans savoir ce qui se passa entre eux et ledit
Sieur de VAUBOULON, mais que ledit de VAUBOULON en
voulut faire une affaire audit FIRELIN, pour avoir
quitté sans sa permission, et l'obligea de quitter sa
table et d'aller manger avec les ouvriers; et qu'ensuite
la conspiration se fit contre le Gouverneur, sans en
savoir les particularités, fors qu'un dimanche
matin de l'année 1690, jour de l'emprisonnement dudit
Sieur Gouverneur, le déposant, passant devant le magasin,
FIRELIN l'appela et lui dit d'entrer en
sa chambre, où il lui présenta un coup d'eau-de-vie
ce qu'il n'avait point coutume de faire; et lui
demanda s'il savait ce qui se passait, à quoi
ayant réparti que non, ledit FIRELIN lui dit
que le Gouverneur devait être mis ce jour-là
dans le cachot, lui disant en ces termes 'Il faut
qu'il saute dans une heure', à quoi le déposant lui
répondit qu'il prît bien garde à ce qu'il ferait,
parce qu'il se ? au Roi, le Gouverneur
représentant sa personne dans l'Ile, et lors arriva
le nommé Marc VIDOT qui fit semblant
quinzième page M. CHEREIL
1.055-1
? temps de chercher des ustensiles, et entendant le
déposant parler avec ledit FIRELIN, il tira de dessous
sa casaque un coutelas d'environ un pied et demi
de long et de la largeur de trois doigts, disant au
Témoin: Maître Jacques, ne vous mettez pas en
peine, voilà qui fera l'affaire; et le témoin
ayant toujours marqué s'opposer à ce dessein, ledit
FIRELIN lui dit de s'en aller, qu'ils étaient du monde
assez, et qu'ils ne se mêlât d'aucune chose mais
de laisser faire les autres; que lui, Témoin, étant
allé à l'église pour y entendre la messe, il vit
le Gouverneur entrer, le Père Capucin étant à l'autel
et ayant sur lui sa chasuble, et à l'instant le
nommé LA ROCHE, un des habitants de Ste Suzanne,
saisit l'épée du Gouverneur et la lui ôta, que
les nommés Robert DU HALLE et Marc VIDOT se
saisirent de sa personne, et que le nommé Jacques
BARRIÈRE dit DU ROCHER jeta une corde pour
l'attacher; que ledit Gouverneur se voyant
saisi, leur demanda ce qu'ils voulaient; à quoi
ils répondirent qu'ils allaient le mettre dans le
cachot; que ledit Gouverneur eut recours audit Père
seizième page M. CHEREIL
1.055-2
Hyacinthe, Capucin, auquel il cria en ces termes :
"Mon Père! Mon Père! On m'assassine!" que lui, Témoin,
ayant un peu l'oreille sourde, ne sait pas ce que
répondit le Père, mais qu'il le vit se dépouiller
de ses habits sacerdotaux et s'en alla avec les
particuliers ci-dessus nommés et plusieurs autres
habitants, et conduisirent le Gouverneur dans le
cachot, où ledit FIRELIN et les autres habitants lui
firent mettre les fers aux pieds, et que ledit Père
Capucin était avec eux, que ledit FIRELIN mit
au même temps en arrêt les serviteurs et gens de la
Maison du Gouverneur, et que, présentant le pistolet
à un des serviteurs nommé LÉPINAY qui est présentement
dans l'Ile, il lui dit qu'il lui casserait la tête
s'il branlait ou voulait résister; que ledit Gouverneur
a demeuré environ 22 mois dans le cachot et y
est mort, et a le Témoin ouï dire qu'il a été
empoisonné par le nommé LE ROY chirurgien en
ladite Ile qui est mort dans le vaisseau Les Jeux,
qu'un des habitants nommé le Sieur TALHOËT ayant dit
qu'il fallait l'ouvrir, FIRELIN s'y opposa et en
dix-septième page M. CHEREIL
1.056-1
se moquant de lui, lui dit qu'il fallait aller quérir
du baume de Barbarie pour l'embaumer; qu'après
l'emprisonnement du Gouverneur, les habitants étaient
en grand tumulte et ne savaient ce qu'ils devaient
faire; ce qui fit qu'un ou deux mois après, le Père
Capucin leur remontra qu'il fallait un
Commandant, que les habitants de St Denis et ceux
de Ste Suzanne reçurent ledit FIRELIN, mais que ceux
de la plus grande partie de ceux de St Paul n'y
voulurent pas consentir; sur quoi ledit Père Capucin
leur ayant remontré et fait connaître que
FIRELIN ayant été nommé par ceux de St Denis
et de Ste Suzanne, il fallait qu'ils le nommassent
aussi; ils obéirent, à la réserve de quelques-uns
qui ne voulurent pas signer la délibération; que
ledit FIRELIN a été Commandant dans l'Ile environ
trois ans, après quoi les habitants le révoquèrent
à cause de son mauvais gouvernement, et passa à
Surate dans le vaisseau les Jeux. Dit de plus
qu'une année après que ledit Gouverneur
fut mis en prison, le nommé LA CITERNE, valet
dix-huitième page M. CHEREIL
1.056-2
de chambre dudit Gouverneur fut arrêté sous
prétexte d'avoir voulu délivrer son maître, et ayant
été huit ou quinze jours dans le cachot, FIRELIN
et les habitants lui firent casser la tête, que le
père Capucin était présent et le confessa, et ne sait
par qui il fut jugé, et que ledit FIRELIN dit au Témoin
et aux autres ouvriers qu'il avait mis LA CITERNE dans
le cachot parce que un Portugais habitant de ladite
Ile lui avait dit que, si LA CITERNE délivrait son
maître, il ferait casser la tête au Père et au frère
capucin, audit FIRELIN et à trois ou quatre
autres habitants qui l'avaient arrêté; qu'il ne se
souvient point si le jour de l'emprisonnement, le
Père capucin dit la messe et si le Te Deum fut
chanté, et ne se souvient pas non plus si le canon
fut tiré, et est ce qu'il a dit savoir.
Lecture à lui faite de sa déposition, a dit celle-ci
contenir vérité, y a persisté et a signé.
M. CHEREIL Jacques HERUY
dix-neuvième page CAILLEAU
Greffier
Vu la présente information, nous ordonnons qu'elle soit
communiquée au Procureur du Roi en la Commission à Rennes ce ?.
avril mille six cent quatre vingt dix sept
M. CHEREIL
Document suivant
Ce site est hébergé par
Yannick VOYEAUD 1995-2024