Procès Vaubulon
Assignation des témoins
BIDON Jean
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Du 10e mai 1697 par devant mondit conseiller et
Commissaire par continuation d'information, ayant
avec nous pour notaire commis Greffier Me Pierre CAILLEAU
de lui serment pris en tel cas requis et le concernant
avec N. et D.[maître] André ESNOUT prêtre Docteur en théologie
Vicaire Général de Monseigneur Révérend Evêque de Rennes et
commis pour instruction du Procès dudit Père Hyacinthe de Quimper Capucin
Jean BIDON, natif de Liré en Anjou, âgé d'environ
vingt-sept ans, ci-devant secrétaire dudit Sieur de VAUBOULON
Gouverneur de l'Ile de Bourbon et demeurant à présent en la ville de Nantes,
lequel, après serment par lui fait de dire vérité, et qu'il
nous a dit n'être parent, allié, serviteur ni domestique
du Père Hyacinthe de Quimper, Capucin, des dits Jacques BARRIÈRE,
Robert DU HALLE, Jullien ROBERT dit LA ROCHE, et Marc VIDOT ,
et être beau-frère dudit Michel FIRELIN, un des accusés, et
nous a représenté l'exploit d'assignation à lui donnée le 29 avril
dernier pour déposer en ladite information, enquis des faits
de la plainte dudit Procureur du Roi, de laquelle nous lui avons
fait lecture,
Dépose que le 4 mai 1689, il s'embarqua dans le
vaisseau de la Compagnie des Indes le Petit St Jean avec le Sieur
vingtième page M. CHEREIL
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[en marge ligne 12 à 14 'à St Denis' 'les factieux' 'CHEREIL'
de VAUBOULON que le Roi envoyait gouverner dans l'Ile
de Bourbon, que le Père Hyacinthe de Quimper, capucin, s'embarqua
aussi en qualité d'aumônier pour ladite Ile, et remarqua
pendant le voyage que ledit Sieur de VAUBOULON et ledit Père
Hyacinthe, Cap. ne s'accommodaient point ensemble et se
chagrinaient fort souvent; qu'étant relâchés à la Baie
de tous les Saints, ledit Père Capucin et son compagnon y
voulurent rester, se plaignant que le Gouverneur les nourrissait
mal; que cependant ils se rembarquèrent et arrivèrent
dans l'Ile de Bourbon environ le mois de décembre de la
même année; que ledit Sr de VAUBOULON se
fit reconnaître Gouverneur et prit possession de la Maison du Roi #
et ledit Père Capucin s'en alla à St Paul et ne venait que rarement
à St Denis, quoique le Gouverneur voulût l'obliger à y rester,
ce qui les mit mal ensemble, et le Témoin a ouï dire à plusieurs
habitants qu'il avait comploté avec eux pour arrêter
le Gouverneur, ce que le Témoin n'a su qu'après
l'emprisonnement dudit Gouverneur et que Mais que les
démarches que fit ledit Père Cap. le jour de l'emprisonnement
firent bien connaître qu'il y avait une bonne part; qu'un
jour de dimanche environ un an après l'arrivée du Gouverneur,
ce Gouverneur entra à l'église, le déposant étant à sa
suite et deux ou trois de ses domestiques, et s'étant ledit Sr
de VAUBOULON mis à genoux à son prie-Dieu, un habitant
vingt et unième page M. CHEREIL
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nommé LA ROCHE saisit son épée, l'arrêta de par le Roi,
et ce qu'il croit aussi, de la part du Rd Père Cap. et en
même temps mes nommés DES ROCHERS, Robert DUHAL et Marc
VIDOT se jetèrent sur lui et lui lièrent les mains; que ledit
Gouverneur s'écria au Père Hyacinthe cap. qui était à l'autel
en le priant de lui sauver la vie, et à l'instant, ledit père cap.
ôta son aube, prit un petit bâton qu'il avait à côté de lui,
et venant vers ledit gouverneur, dit en ces termes: 'amarrez-moi
ce coquin, ce voleur et ennemi de la Couronne et du public',
que lui, déposant, mit l'épée à la main et blessa au bras un
des ouvriers de la Compagnie nommé Pierre GONNEAU dit LA VERDURE,
ce qui fit que les autres se jetèrent sur lui, lui présentant
une baïonnette en lui disant qu'ils le tueraient s'il branlait,
lui lièrent les mains et le menèrent en prison aussi bien que
ledit Sieur de VAUBOULON Gouverneur. Lequel, le Père capucin
lui-même fit mettre au cachot, que ledit Père Hyacinthe
et les autres factieux firent mettre les fers aux pieds du au
Gouverneur qui de la pesanteur de vingt et deux livres, et lesquels
il a toujours eus pendant les vingt et deux mois qu'il a été
dans le cachot, à la réserve de quelques jours, qu'on les lui a
ôtés lorsqu'il était malade, que les dits habitants révoltés
mirent aussi le Témoin dans un autre cachot avec les fers aux pieds,
et après qu'il y eut été vingt et quatre heures, ledit Père cap.
envoya le Témoin en arrêt chez le nommé MUSSARD au quartier
vingt-deuxième page
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de St Paul auquel il écrivit pour les effets, avec défense
au témoin d'en sortir et de parler aux nommés Paul DÉSIRÉ,
Jacques FONTAINE et LAUTRETTE, sous peine d'avoir la tête
cassée, que ladite lettre portait lesdites défenses, que le Témoin
l'a vue entre les mains des habitants où il demeurait, et
portait aussi défense de passer la rivière du Galet sous
même peine; qu'après l'emprisonnement du Gouverneur, le
père cap. s'en alla à l'église dire la messe, quoiqu'il y
eût eu du sang répandu ainsi qu'il croit, fit
chanter le Te Deum et tirer des coups de canon; qu'environ
un an après, ledit père cap. fit revenir le Témoin à St
Denis, et fit défense aux habitants de St Paul de le retirer,
et fit aussi revenir au même lieu LA CITERNE, valet de
chambre dudit Sr Gouverneur qui était en arrêt à Ste
Suzanne; que ledit LA CITERNE fut accusé de vouloir
tuer le père cap., Frère Anthoine son compagnon, et FIRELIN
qui avait été fait Commandant dans l'Ile par l'autorité
dudit père cap. qui le fit reconnaître malgré la résistance
de quelques habitants; que ledit FIRELIN fit arrêter ledit
LA CITERNE par les ouvriers de la Compagnie, et ayant
mandé ledit père cap., il vint à St Denis avec les habitants
de St Paul, et les autres habitants de l'Ile s'y étant aussi
trouvés, sans savoir le Témoin par quel ordre, ils
firent le procès audit LA CITERNE et le condamnèrent à
avoir la tête cassée, que les habitants s'assemblèrent
vingt-troisième page
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deux ou trois fois en cette occasion, en la première ne l'auraient
condamné qu'à la prison, mais qu'ils le condamnèrent
ensuite à la mort, après avoir choisi et nommé neuf
habitants pour le juger, et croit néanmoins le Témoin
que les neuf habitants ne furent pas nommés seulement
pour cette affaire, mais aussi pour les autres qui pourraient
arriver dans l'Ile, et le Témoin a ouï dire que lesdits neuf
ne voulant pas condamner ledit LA CITERNE, ledit
père cap. s'emporta contre eux, les traitant d'ignorants et
les obligea à le condamner à mort; et a ouï dire aussi
à FIRELIN et à Manuel de MOTTE, portugais, qu'ils avaient
demandé plusieurs fois audit Père cap. la grâce et la vie
pour ledit LA CITERNE, mais qu'il n'avait pas voulu l'accorder,
que ledit LA CITERNE fut attaché au poteau, et les habitants
lui cassèrent la tête, après quoi il fut enterré dans
ses habits, et que le Père fit quelque prière en l'enterrant;
qu'il a entendu dire audit Père cap. lorsque ledit Sieur
de VAUBOULON le demandait pour le confesser, que c'était
pour l'attraper par ses confessions; et a ouï dire que
ledit Père cap. disait que, si le gouverneur était mort,
il mettrait quatre mousquetaires sur sa tombe pour
l'empêcher de revenir; qu'après la mort du Gouverneur,
les habitants voulant reprendre l'argent qu'ils lui avait
vingt-quatrième page
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exigé d'eux pendant son vivant, et ledit FIRELIN qui
en était saisi ayant demandé l'avis du Père
capucin, lequel Père cap. dit qu'il fallait rendre
l'argent au peuple, qu'il n'appréhendait rien, qu'on
n'avait qu'à mettre tout sur lui, et qu'en ôtant son
capuchon et en le remettant, il n'avait qu'à s'en aller
chez lui dans son couvent et n'avait rien à craindre;
que depuis la mort du Gouverneur, il y a toujours eu
beaucoup de division dans l'Ile, causée, à ce qu'il croit,
parce que FIRELIN ne voulait pas obéir au Père capucin,
et est ce qu'il a dit savoir.
Lecture à lui faite de sa déposition, a dit celle-ci
contenir vérité, y a persisté et a signé.
M. CHEREIL J. BIDON
P. CAILLEAU
Greffier
Vingt-cinquième page
M. CHEREIL
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