Procès Vaubulon

Interrogatoire de Jacques HERVY

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Information faite par nous Prévôt de la Marine au Port-Louis, de Lorient par ordre de M. de MAUCLERC Intendant de la Marine audit Port contre les habitants de l'Ile de Bourbon et Mascarin au sujet de leur révolte et emprisonnement de leur gouverneur, et contre le Père HYACINTHE , de Quimper capucin leur aumônier en ladite Ile du 7e mars 1697
Première déposition: Jacques HERUY charpentier de marine engagé par Messieurs de la Compagnie des Indes pour demeurer à MASCARIN, y ayant demeuré sept années, de présent de retour au Port-Louis, demeurant au pavillon, âgé de cinquante années ou environ, les fait jurer par serment de dire vérité, purgé de conseil ?, examiné et enquis aux fins de l'emploi lui signifié ce jour par des DESJARDINS aviser de marine de ? connaître les parties ? et que environ quinze jours environ ou trois semaines avant que M. de VAUBOULON Gouverneur de ladite Ile fût emprisonné, le nommé Michel FIRLIN , garde-magasin pour la Compagnie des Indes lui dit que ledit Sieur Gouverneur, ayant été dans son magasin, un jour il voulut faire changer les munitions d'un côté à l'autre, à quoi ledit FIRLIN s'opposa, lui disant que ce n'étaient point ses affaires et que ce sont les siennes, et s'étant disputés quelque temps ensemble, ledit Gouverneur lui avait donné deux ou trois coups de canne, ce qui fit que ledit FIRLIN sortit dudit magasin et s'en alla trouver le déposant qui était à travailler à deux pas de là, où il lui dit qu'il s'en allait à Ste Suzanne distant de quatre lieues du magasin, pour y trouver le Père HYACINTHE, capucin, et lui défendre de dire où il allait, sans lui dire le sujet de son voyage, dont il revint trois ou quatre jours après, ce qui fit que le Gouverneur lui voulut faire son procès, parce qu'il avait quitté sans sa permission, et obligea ledit FIRLIN de quitter sa table et d'aller manger avec les ouvriers. Et qu'ensuite la conspiration se fit contre le Gouverneur et que le dimanche au matin, jour de l'emprisonnement dudit Gouverneur, le déposant passant par-devant le magasin, ledit FIRLIN l'appela et lui dit d'entrer dans sa chambre, et lui présenta un coup d'eau-de-vie, ce qu'il n'avait jamais accoutumé de faire, et lui demanda ensuite s'il savait ce qu'il se passait. Il lui répondit que non, et lui ayant demandé encore deux ou trois fois s'il savait ce qu'il se passait, il lui répondit derechef
1016 que non, et ledit FIRLIN lui dit que le Gouverneur devait être mis aujourd'hui dans le cachot; à quoi le déposant lui répondit qu'il prît bien garde à ce qu'il ferait, parce qu'il se ? au Roi, le Gouverneur représentant sa personne dans l'Ile; ledit FIRLIN , voyant sa réponse, lui dit de prendre sa canne, et de s'en aller boire un pot d'eau-de-vie avec ses camarades qu'il leur avait envoyé, et lui défendit de passer devant ledit magasin, lui disant d'aller à la messe et de laisser faire les autres sans se mêler de rien; et qu'étant allé à l'église pour y entendre la messe, il vit le Gouverneur entrer, le Père Capucin étant à l'autel avec sa chasuble sur le dos, et que le nommé LA ROCHE, l'un des habitants de Ste Suzanne, lui saisit son épée et lui ôta, et que le nommé Robert DU HALLE et Marc VIDOT le saisirent, et que le nommé DU ROCHER lui jeta une corde pour l'attacher, que ledit Gouverneur se sentant saisi leur demanda ce qu'ils voulaient. A quoi ils répondirent qu'ils le voulaient mettre dans un cachot. Et se voyant ainsi saisi, il eut recours au Père Capucin auquel il cria en ces mots : "Mon Père, mon Père, on m'assassine!" et qu'à l'instant ledit Père capucin ôta ses habits sacerdotaux, s'en alla avec les nommés ci-dessus, et environ vingt ou trente habitants le conduisirent sans le cachot, où ledit FIRLIN lui fit mettre les fers aux pieds, où il a demeuré environ deux ou trois mois, où il est mort, ayant ouï dire qu'il avait été empoisonné par le nommé LE ROY chirurgien de ladite Ile qui est mort dans le vaisseau Les Jeux, et qu'après l'emprisonnement du Gouverneur, les habitants étaient en grand tumulte, et ne savaient pas ce qu'ils devaient faire. Ce qui fit qu'un ou deux mois après, le Père capucin leur remontra qu'il leur fallait un commandant. Les habitants de Ste Suzanne et ceux de St Denis reçurent FIRLIN , mais ceux de St Paul ne le voulurent pas. Ce qui fit que le Père capucin leur remontra que FIRLIN ayant été nommé par ceux de St Denis et de Ste Suzanne, il fallait qu'ils le nommassent aussi. A quoi ils obéirent à la réserve de quelques uns qui ne voulurent pas signer la délibération, cependant
1017 ledit FIRLIN fut élu commandant, où il est resté l'espace de trois années ou environ, que le vaisseau Les Jeux passa à ladite Ile et l'emmena à Surate, ayant été révoqué par les habitants à cause de son mauvais gouvernement, dit de plus qu'environ une année après que le Gouverneur fut mis en prison, le nommé LA CITERNE valet de chambre dudit Gouverneur, fut arrêté sous prétexte d'avoir voulu délivrer son maître des fers, et ayant été huit ou quinze jours dans le cachot, FIRLIN et les habitants lui firent casser la tête après qu'ils l'eurent interrogé, parce qu'un Portugais habitant de ladite Ile avait dit à FIRLIN que si LA CITERNE sauvait son maître, il ferait casser la tête au Père et au Frère capucin, à lui et à trois ou quatre habitants qui l'avaient arrêté. C'est sa déposition qu'il a déclarée véritable et a signé, aussi signé Jacques HERVY, de Merville à Lorient
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