Procès Vaubulon

Interrogatoire de Michel FIRELIN

								
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1.003



8e mars 1697


Interrogation faite à Michel FIRLIN, Commis de la
Compagnie des Indes à MASCARIN, détenu prisonnier à la Citadelle du Port-Louis,
par nous prévôt de la marine, en exécution des ordres de Mr de MAUCLERC
Intendant de la marine audit Port Louis
		Du huitième mars 1697

Son serment pris de dire vérité lequel a juré et promis faire,
interrogé de son nom, âge qualité et demeure,
Répond avoir nom Michel FIRLIN natif de la ville de Montivilliers
en haute Normandie, commis pour la Compagnie des Indes en L'Isle de Bourbon, âgé d'environ trente ans.

Interrogé dans quel temps il partit de France pour aller à L'Isle de Bourbon,
prendre possession de son emploi avec qui et dans quel temps il arriva dans ladite Isle,

Répond qu'il partit dans le Vaisseau le 'St Jean' appartenant à MM de la
Compagnie des Indes commandé par le Sieur DUBOIS du Port-Louis
le cinquième de mai 1689 de dessous l'Isle de Groix pour faire route
à ladite Isle de Bourbon, où ils arrivèrent le quatrième Décembre en suivant.

Interrogé qui passa avec lui dans ledit Vaisseau et si M. de VAUBOULON que
le roi y envoyait pour gouverneur et le père Hyacinthe capucin pour
aumônier ne passèrent pas avec lui
A répondu qu'oui et qu'il passa aussi des ouvriers pour la Compagnie.

Interrogé s'il n'est pas vrai qu'environ dix mois après qu'ils furent
arrivés dans ladite Isle le gouverneur ayant pris possession de son
gouvernement et lui de son emploi il eut des démêlés avec ledit
gouverneur au sujet des quelque marchandises que le gouverneur
voulait faire ranger dans le magasin d'un côté à l'autre à quoi
il s'opposa ayant relevé le nez du gouverneur avec son chapeau


1.004 ce qui fut cause que le gouverneur lui donna deux ou trois coups de canne. Répond qu'il n'a eu aucun démêlé avec ledit Sieur Gouverneur mais que tous dans le magasin de la Compagnie avec le nommé Pierre HERUY forgeron travaillant pour ladite Compagnie, avaient rangé toutes leurs marchandises dans le magasin chacune en son particulier, ledit Sieur Gouverneur y étant survenu fit renverser toutes lesdites marchandises les unes sur les autres, ce qui obligea ledit interrogé de lui remontrer bien honnêtement que ce qu'il en faisait était pour une plus grande commodité et facilité à trouver les marchandises chacune dans leurs espèces lorsque l'on en aurait besoin et que de la manière qu'il faisait il donnerait beaucoup de peine à l'interrogé n'ayant personne pour le servir et pour remuer toutes ces marchandises, sur quoi ledit Sieur Gouverneur le traita du haut en bas, disant qu'il ne prétendait pas qu'il contredît à ses volontés et qu'il fallait qu'il apprît à vouloir tout ce qu'il voudrait en lui disant plusieurs paroles injurieuses et le frappant de trois coups de canne, avec des menaces de le faire punir dans un cachot, sur quoi ledit FIRLIN se retira et n'a jamais eu la pensée de lui relever le nez avec son chapeau ni lui faire aucune insulte. Interrogé s'il n'est pas vrai qu'après qu'il eut eu les démêlés avec ledit Sieur Gouverneur, il s'en alla trouver le nommé Jacques HERUY. Charpentier engagé par la Compagnie et lui dit qu'il s'en allait à Ste Suzanne distant de quatre lieues du magasin pour y trouver le Père Hyacinthe, capucin, pour se plaindre des insultes que le Gouverneur lui avait faites, et défendit à Jacques HERUY de dire où il était allé, d'où il venait trois ou quatre jours après, ou même le Gouverneur voulut lui faire par lequel il s'en était allé sans la permission et que lui, interrogé, resta quelque temps à St Denis, pendant lequel temps il envoyait souvent
1.005 des lettres au Père Hyacinthe, et le Père Hyacinthe lui envoyait réponses par le nommé Robert du Halle et que ces messages n'étaient que pour conspirer contre le Gouverneur, que même le jour qu'il fut arrêté, ledit Interrogé étant dans son magasin, appela ledit HERUY qui passait par -devant la porte, et lui dit d'entrer dans sa chambre où il lui présenta un coup d'eau-de-vie et lui demanda ensuite s'il savait ce qui se passait, à quoi ledit HERUY répondit que non. Ledit Interrogé lui redemanda encore par deux ou trois fois , en voyant qu'il n'en savait rien, ledit Interrogé lui dit que le Gouverneur devait être mis au cachot ce jourd'hui. Ledit HERUY lui répondit qu'il prît bien garde à ce qu'il faisait, parce que le Gouverneur représentait la personne du Roi dans l'Isle. Ce que voyant, ledit Interrogé lui dit de prendre sa canne et de s'en aller boire sa part d'un pot d'eau-de-vie qu'il avait envoyé à ses camarades, et lui défendit de passer par-devant le magasin. Lui dit d'aller à la messe et de laisser faire les autres, et de ne se mêler de rien. A répondu qu'il n'avait aucune connaissance d'avoir vu ledit charpentier nommé HERUY mais qu'il est bien vrai qu'il s'en fut au Quartier de Ste Suzanne pour ? éviter la fureur et les violences dudit Sieur Gouverneur qui l'avait menacé de le faire mettre à pourrir dans un cachot et qu'étant arrivé au Quartier de Ste Suzanne, il s'en fut voir le Père Hyacinthe, capucin, ne connaissant encore personne dans le quartier, et lui raconta véritablement ce que le Sieur Gouverneur lui avait fait, sur quoi ledit Père Hyacinthe lui dit qu'il irait avec lui à St Denis pour parler audit Sieur Gouverneur, et tâcher d'apaiser sa colère. Le lendemain, ledit Sieur Gouverneur envoya une lettre au Sieur Roger, capitaine du Quartier de Ste Suzanne par Paul Désiré par laquelle il lui marquait d'avertir ledit Interrogé de s'en retourner au plus tôt à St Denis et que s'il faisait refus de le faire amener par force, sur quoi ledit Interrogé obéit et s'en retourna le lendemain,
1.006 avec le Père Hyacinthe, et étant arrivé audit St Denis le Père Hyacinthe fut trouver le Gouverneur pour faire en sorte de les accommoder et lui remontrer que ledit Interrogé s'en était allé audit Ste Suzanne pour éviter la fureur de sa colère, sur quoi, ledit gouverneur lui dit de dire audit Interrogé de s'en retourner dans son magasin et de lui venir parler, à quoi ledit Interrogé obéit, et après l'avoir été trouver et lui avoir dit ses raisons, ledit Gouverneur le renvoya dans son magasin où il a toujours resté du depuis. Et que s'il a besoin de quelques lettres au Père Hyacinthe et que le Père Hyacinthe lui en ait écrit, ça a été sans aucune conséquence, n'ayant jamais songé à aucune conspiration contre ledit gouverneur, et qu'il n'a en aucune façon parlé audit HERUY touchant l'emprisonnement dudit Gouverneur, bien au contraire, que ledit HERUY ne devait pas ignorer la prise dudit Sieur gouverneur, puisque sa femme s'en vantait plusieurs fois, qu'elle le savait quatre ou cinq jours avant qu'on l'eût averti et qu'on les arrête et qu'outre cela ledit Interrogé ne fait aucun doute que ledit HERUY ne fut averti du Père Hyacinthe de ce qui se passait, lui ayant été plusieurs fois faire plaintes avec les autres ouvriers parce que ledit Gouverneur ne les traitait pas comme ils désiraient et que si ledit Interrogé a reçu quelque maltraitement ? dudit Sieur Gouverneur, que pour lui avoir été représenter les plaintes dudit HERUY et des autres ouvriers, ainsi qu'il le fera voir par deux requêtes que lesdits ouvriers lui ont présentées, et qu'il soutient que le sujet pour lequel ledit Gouverneur a été arrêté n'est autre chose que la mauvaise intelligence qui fut entre lui et le Père Hyacinthe depuis le départ de France joint aux vexations et mauvais traitements qu'il fut fait aux habitants comme il se peut voir par le procès-verbal d'emprisonnement, par les déclarations qu'ont faites tous les habitants par plusieurs lettres et écrits du Père Hyacinthe ainsi qu'il fera voir lorsqu'il en sera requis et qu'il ne s'est point
1.007 mêlé de la conspiration en aucune manière et qu'il n'y a eu que le Père Hyacinthe et les habitants qui l'ont faite. Interrogé s'il n'est pas vrai qu'il était présent lorsque la résolution fut prise d'emprisonner le Gouverneur et que l'on nomma le jour que la chose se devait faire, A répondu que le Père Hyacinthe était venu de St Paul à St Denis, Ledit Interrogé le fut saluer comme à l'ordinaire et que l'ayant fait savoir auprès de lui, il l'entretint de plusieurs affaires nouvelles que faisait tous les jours ledit Gouverneur en suite de quoi ils furent trouver les habitants nommés Robert du HALLE, Jacques MAILLOT, et Jacques BARRIÈRE dit des Roches, lesquels saluèrent ledit Père Hyacinthe et s'étant entretenus quelque temps sur tout ce que faisait tous les jours ledit Sieur Gouverneur, il y eut ledit Robert du HALLE qui dit que c'en était trop souffrir et qu'il fallait arrêter ledit Sieur Gouverneur, sur quoi ledit Père Hyacinthe lui dit d'aller avertir les habitants de Ste Suzanne avec qui auparavant il était convenu, ce que ledit Du HALLE fit, en suite de quoi ledit Interrogé dit au Père Hyacinthe qu'il ne se mêlait point de cela et qu'il avait bien du risque, à quoi ledit Père Hyacinthe lui dit qu'il ne voulait pas aussi qu'il s'en mêlât et qu'il répondait du tout, en suite de quoi ledit Interrogé se retira, et le dimanche en suite les habitants de Ste Suzanne vinrent arrêter ledit Gouverneur en la manière que le Père Hyacinthe leur avait prescrit. Interrogé s'il ne sait pas combien il y avait de temps que la chose se tramait, qui étaient ceux qui se trouvèrent à l'assemblée, chez qui elle se tint et en quel lieu on délibéra d'arrêter ledit gouverneur et quel ordre on suivit pour cela, A répondu que non, et qu'il n'a su et vu que ce qu'il a dit ci-dessus. Interrogé s'il ne sait pas qui portait une corde pour lier ledit Gouverneur, celui qui se jeta sur son épée et
1.008 en un mot tous ceux qui devaient se jeter sur lui et qui le fit conduire en prison, A répondu qu'il ne le sait pas parce qu'il était dans son magasin dans le temps que l'on arrêta ledit Gouverneur, mais qu'ayant entendu du bruit, il sortit et vit le Père Hyacinthe qui marchait tenant un bâton à sa main, et ensuite ledit Sieur Gouverneur saisi par les nommés La Roche et Robert du Halle, dit Rocher et Marc VIDOT et le nommé Augustin PANON menuisier engagé par la Compagnie qui portait l'épée nue dudit Gouverneur à la main, marchant devant lui, et ensuite tous les autres habitants qui le conduisirent dans la cour du où il était l'Interrogé, les ayant suivis, avoir vu ledit Père capucin fouiller ledit Gouverneur et lui ôta ce qu'il pouvait avoir dans ses poches et le fit mettre dans le cachot, et ensuite fut dire la messe, et après la messe fut chanté le Te Deum, fit tirer sept coups de canon arborer le pavillon, et crier «Vive le Roi» en réjouissance de ce qu'il venait de faire dudit Gouverneur. Interrogé s'il n'est pas vrai que lorsque l'on arrêta ledit Sieur Gouverneur il sortit de son magasin, l'épée au côté, et deux pistolets à la ceinture en disant «Le premier qui s'opposera, je lui casserai la tête» et que lorsque ledit Gouverneur fut mis dans la prison ce fut à lui que l'on donna les clés du cachot, A répondu qu'il est vrai qu'il sortit de son magasin, l'épée au côté, parce qu'il allait à la messe, qu'il n'avait point de pistolet à la ceinture, qu'il n'a point dit qu'il casserait la tête à personne et n'a point eu la clé du cachot, mais que c'est le Père qui s'en saisit et la mit dans sa poche. Interrogé quel traitement l'on a fait audit Sieur Gouverneur pendant qu'il a été emmené dans ledit cachot A répondu qu'il a vu porter les matelas dudit Sieur Gouverneur dans son Cachot avec les draps, couvertures et robe de chambre, et qu'on lui changeait
1.009 de linge quand il en demandait, et qu'à l'égard du boire et manger, l'on le servait le premier des viandes qui se servaient sur les tables. Interrogé de quelle maladie est mort ledit Sieur Gouverneur dans le cachot et s'il n'est pas vrai que le nommé Nicolas LE ROY son chirurgien l'avait empoisonné, et ce qui fait croire que ledit Sieur gouverneur a été empoisonné, c'est que le Sieur TALHOUET habitant de ladite Ile voulait le faire ouvrir, que lui Interrogé et ledit LE ROY s'y opposèrent et ne le voulurent pas faire, A répondu qu'il a connaissance que ledit Sieur Gouverneur fut huit à dix jours malade, après lesquels il mourut, et qu'il n'eut aucune connaissance qu'il ait été empoisonné, et que ledit LE ROY ayant préparé tous les instruments pour faire l'ouverture du corps, les habitants ne le voulurent pas, disant que cela en était trop infecté et que de plus ils n'y connaissaient rien, en suite de quoi il fut enterré, et ledit Interrogé ayant écrit au Père Hyacinthe à St Paul pour l'informer de la mort dudit Sieur Gouverneur et le venir enterrer, ledit Père Hyacinthe lui fit réponse qu'il le pouvait enterrer lui-même ou le faire enterrer, lui marquant que «Telle vie, telle mort», c'est-à-dire qu'il ne voulait pas venir. Interrogé s'il n'est pas vrai que pour l'emprisonnement dudit Sieur de VAUBOULON, ledit Père Hyacinthe fit assembler les habitants pour le faire recevoir commandant à la place dudit Sieur de VAUBOULON, et que plusieurs signèrent la délibération, et que ledit Père fit signer les habitants de St Paul qui ne le voulurent point par force. A répondu qu'environ quatre ou cinq mois après l'emprisonnement dudit Sieur de VAUBOULON, le Père Hyacinthe fit assembler les habitants de St Denis dans le logis où il leur représenta qu'il ne pouvait pas agir en qualité de commandant, vu que son caractère et son âge ne lui permettaient pas, mais qu'ils pouvaient reconnaître ledit Interrogé pour commandant, vu qu'il était résident sur les lieux pour les affaires de la Compagnie, à quoi les habitants conclurent et lui signèrent une délibération par
1.010 laquelle ils le reconnaissaient pour Commandant de ladite Ile jusqu'à nouvel ordre de France, ce que ledit Interrogé accepta, ledit Père Hyacinthe lui ayant fait connaître que ce serait pour le service du Roi, et que même il en sera récompensé, qu'ensuite il porta ladite délibération aux habitants de St Paul, qu'il rapporta signée, et ne sait l'Interrogé s'il usa de violence envers les habitants de St Paul pour ce sujet ou non. Interrogé s'il n'est pas vrai que lorsqu'il fut commandant de ladite Ile, il envoya de concert avec ledit Père Hyacinthe, capucin, le nommé LA CITERNE, valet de chambre dudit Gouverneur, à Ste Suzanne avec défense audit LA CITERNE de venir à St Denis sous peine de la vie, et que quelque temps après, il le fit revenir à St Denis où étant ils supposèrent que ledit LA CITERNE avait concerté de sauver ledit Sieur gouverneur son maître, et qu'ensuite l'ayant sauvé, il ferait casser la tête au Père et Frère capucin et audit Interrogé, ce qui fit que ledit Interrogé et le Père Capucin firent arrêter LA CITERNE, le firent mettre dans un cachot, les fers aux pieds, et ensuite firent assembler les habitants de St Denis, et en firent élire neuf pour juger et condamner ledit LA CITERNE, ce que les habitants auraient d'abord refusé, mais le Père Hyacinthe et ledit Interrogé s'emportèrent contre eux, les menacèrent, leur disant qu'ils étaient des ignorants, et qu'il fallait absolument qu'ils le jugeassent, ce qu'ils firent, s'y voyant ainsi obligés, et le condamnèrent à avoir la tête cassée, sans que le Père capucin eût voulu qu'on lui eût fait aucune grâce, lui ayant fait, aussitôt que le jugement fut rendu, amener devant la porte de la maison, où ils le firent attacher avec ? et le firent exécuter sans lui faire aucune remontrance et lui faire dire aucune prière. A répondu que, lorsque ledit LA CITERNE fut envoyé à Ste Suzanne par le Père Hyacinthe, il n'était point encore reçu commandant de ladite Ile, et qu'il ne s'? là aucunement, et que quelque temps après, ledit LA CITERNE demanda permission audit Père Hyacinthe de venir à St Denis
1.011 pour quelques affaires, sur quoi ledit Père Hyacinthe lui fit réponse par une lettre qu'il lui écrivit de se tenir à Ste Suzanne et de ne point venir à St Denis, parce qu'il ne pouvait pénétrer, s'empresser d'aller voir son cher maître au cachot, ce qu'il lui pouvait faire, et que quelque temps ensuite ledit Père Hyacinthe, étant au Quartier de Ste Suzanne trouva auparavant que LA CITERNE ne menait pas une bonne vie, sur quoi il jugea à propos de le renvoyer demeurer à St Denis par une lettre qu'il lui écrivit, lesquelles lettres ledit Interrogé produira quand il en sera requis, en suite de cela ledit Père Hyacinthe ordonna audit Interrogé de recevoir ledit LA CITERNE au logis de St Denis, et de lui dire d'avoir soin de son maître dans la prison, en lui défendant de prendre garde de ne se pas laisser séduire par son dit maître, à faire aucun mal, et de ne se mêler d'aucune chose ; et que quelque temps après, ledit LA CITERNE n'ayant pu s'empêcher de suivre ? les avis dudit Sieur de VAUBOULON qui étaient de faire assassiner le Père et Frère capucin et ledit Interrogé, ce qu'ayant été découvert par Manuel de MATTE, portugais et cordonnier dudit Sieur Gouverneur, ledit LA CITERNE fut arrêté et mis dans le cachot, les fers aux pieds, en suite de quoi ledit Père Hyacinthe ayant fait assembler tous les habitants de l'Ile, leur communiqua l'affaire, et leur demanda justice, sur quoi lesdits habitants interrogèrent ledit LA CITERNE et jugèrent à propos de le condamner à rester dans la prison, les fers aux pieds, jusqu'à l'arrivée de quelque vaisseau, de quoi le Père Hyacinthe ne fut pas content, et les fit rassembler quatre ou cinq mois après, pour en informer plus amplement, disant qu'il prétendait absolument qu'on lui fît justice, et qu'il ne se trouvait pas en sûreté de sa vie, ce qui fit que les habitants recommencèrent de nouveau à interroger ledit LA CITERNE , en suite de quoi lui donnèrent la question avec les mèches allumées, ce que n'ayant pu souffrir, il avoua ce dont il était accusé, ensuite ledit LA CITERNE entra dans la chambre dudit Interrogé avec permission des habitants où étant, il le pria de faire en sorte auprès du Père Hyacinthe de lui
1.012 sauver la vie et de lui faire la grâce de le garder jusqu'à l'arrivée de quelque vaisseau, sur quoi ledit Interrogé fut trouver le Père Hyacinthe, accompagné dudit Emanuel de Matte, et l'ayant trouvé dans les chemins qui venait au logis pour voir si les habitants l'avaient condamné, il lui représenta les raisons dudit LA CITERNE, le priant de le laisser en prison jusqu'à l'arrivée de quelque vaisseau, et de tâcher de lui sauver la vie, sur quoi ledit Père Hyacinthe s'emporta de telle manière que sa barbe est devenue toute droite, demandant audit Interrogé s'il voulait répondre de sa vie, et s'il voulait empêcher de faire la justice, avec plusieurs autres raisons de même, à quoi ledit Interrogé lui répondit de faire comme il lui plaisait; ensuite le Père s'en alla du Roi où les habitants s'étaient rassemblés, et leur demanda ce qu'ils avaient résolu. Les habitants lui répondirent que ledit LA CITERNE avait tout avoué, mais qu'ils n'étaient pas capables de condamner un homme à la mort, et qu'il valait mieux le garder en prison jusqu'à l'arrivée de quelque vaisseau. Là-dessus, ledit Père s'emporta contre les habitants, les traitant de bougres et de misérables et de toutes sortes d'injures indignes de son caractère, disant de plus qu'il allait l'envoyer chez lui et qu'ils répondraient de sa vie outre  plus leur fit voir un article dans un livre de Coutumes Françaises qui disait que tous les hommes qui étaient connivents d'assassinat quoique ils ne l'eussent pas effectué méritaient la mort, ce qui fit que le nommé LA ROCHE donna le premier son avis, le condamnant à être passé par les armes, et tous les autres habitants le suivirent conclurent son jugement qui fut exécuté après que le Père Hyacinthe l'eut confessé, après quoi lui-même le conduisit et le fit attacher au poteau où il lui fit casser la tête par ceux qui l'avaient jugé, en suite de quoi il le fit enterrer, et qu'eu l'égard dudit Interrogé il ne fusse point mêlé et même a fait tout ce qu'il a pu pour lui
1.013 sauver la vie. Que, loin de s'être prévalu de son commandement et s'être mêlé de toutes ces affaires, et par dessus tout de l'emprisonnement dudit Gouverneur, que de la mort dudit LA CITERNE, il a plusieurs fois voulu s'en démettre, ayant signifié aux habitants de s'assembler et d'en élire un autre, ne voulant plus y rester, voyant tous les désordres qui se commirent journellement, sur quoi ledit Père HYACINTHE lui écrivit une lettre de réprimande qu'il a eue entre les mains, et défendit aux dits habitants de s'assembler pour faire un autre commandant, voulant que ledit Interrogé restât, leur faisant entendre qu'il n'en fallait plus faire d'autres, ce pendant quelques années. Ensuite voyant que l'Interrogé ne voulait pas correspondre à faire tout ce qu'il voulait, ledit Père HYACINTHE se mit à la tête de tous les habitants avec des pistolets à sa ceinture et un gargoussier, assiéger et investir le logis où était ledit Interrogé, où il fut pendant trois jours avec sept à huit personnes qui étaient avec lui dans ledit logis; ce qui obligea ledit Interrogé de se rendre à lui, et lui ayant promis par écrit qu'ils ne lui feraient aucun mal ni insultes, non plus qu'à ceux qui étaient avec lui, ils ne souffrirent pas de mettre l'Interrogé au cachot et les autres en prison, et lui ôtèrent tous les papiers et la démission de son commandement, le firent rester huit jours au cachot, et leur ayant demandé pour quelles raisons ils le mettaient au cachot, ils lui répondirent qu'ils y avaient bien mis un Gouverneur du Roi, et qu'ils pouvaient bien lui mettre, qu'environ cinq ou six mois après ledit Interrogé ayant été arrêté, que l'on avait fait une cabale pour les venir détruire entièrement et les faire assassiner, ledit Interrogé et ses camarades furent obligés de s'en aller dans les bois et de se retrancher pour éviter le désordre qui aurait pu arriver si on les avait attaqués, ledit Père Hyacinthe étant toujours à la tête de ses habitants qui le poursuivirent pendant huit jours, ledit Père les menaçant que s'ils se défendirent et qu'il y eût quelques-uns de son parti blessés, qu'il ferait égorger
1.014 les femmes, tant dudit Interrogé que de ses camarades, et qu'il ferait jeter les enfants en l'air et les recevoir au bout de leurs sagaies et sabres, et voyant qu'il ne pouvait pas forcer leurs retranchement, il fit dans leurs quartiers, et au bout de huit à dix jours le vaisseau de la Compagnie Les Jeux arriva à ladite Ile, qui les délivra de la captivité où ils étaient, ledit Interrogé étant embarqué pour aller aux Indes et ensuite pour passer en France, ce qu'il a fait dans le vaisseau Le Florissant. Et sont les interrogatoires, confessions et dénégations, lesquelles lui levés de mot à autres, il affirme véritable et a signé ainsi signé FIRLIN, DE MERVILLE de Lorient Collationné par nous Prévôt de la Marine au Port Louis ce 12 mars 1697 DE MERVILLE
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