Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
Julien DALLEAU
2.128
Déclaration faite par Julien DALLEAU natif
de la ville de Sablé pays du Maine et âgé d'environ
quarante ans et habitant du quartier de St Paul
Ile Bourbon, contre Monsieur HABERT de
VAUBOULON Gouverneur de la dite Ile
Du 23 Décembre 1690
Disant que Sa Majesté ayant eu la bonté
d'écrire une lettre aux habitants par laquelle
elle leur marquait qu'elle voulait prendre soin
d'eux et les soulager et leur envoyait pour
cet effet le dit Sieur de VAUBOULON pour leur
Gouverneur, lequel bien loin de les soulager
aurait commencé par les piller en prenant
d'eux des sommes d'argent pour le fonds de
leurs habitations qui étaient bien à eux par
leurs travaux, et les obligeant de prendre des
contrats dans lesquels il les obligeait de payer
une rente plus considérable que les fonds
des terres ne valaient, avec des menaces de les faire
pendre et que si faisait son devoir il en ferait
pendre une partie pour donner exemple aux autres
étant tous criminels, et ayant même envoyé
de ses gens chez François RICQUEBOURG, habitant
du dit St Paul, pour le mettre hors de son
habitation et le piller s'il ne voulait lui payer
l'argent qu'il lui demandait, et en ayant
même fait mettre plusieurs dans le cachot
pour le même sujet, ce qui aurait fort
chagriné tous les dits habitants, les mettant même
au désespoir, et en leur ôtant la vie
Signé Jullien DALLIAU
C2620-1_0129
Déclare de plus le dit Julien Dalleau être venu
à St Denis parler à Monsieur le Gouverneur pour
prendre un contrat de son habitation ainsi que
le dit Sieur Gouverneur leur ordonna par une lettre
qu'il écrivit à St Paul, et après lui avoir dit
quelques paroles s'emporta contre le dit déclarant
et l'envoya en bas, et après le nommé Jacques
LORET, monta en haut et parla au dit Sieur Gouverneur
et après que le dit Jacques LORET fut descendu
il dit au dit déclarant qu'il était condamné à dix
écus par le dit Sieur Gouverneur, ce qui mit le dit déclarant
en colère, disant s'il avait commis quelque crime
pour être ainsi condamné, à quoi le dit Jacques
LORET lui dit «Taisez-vous car Monseigneur
est en colère, donnez seulement cela et ne dites mot»
et le dit déclarant se voyant ainsi pressé lui demanda
à qui il fallait qu'il donnât ce dit argent, lequel lui
dit qu'il fallait le donner entre les mains de Monsieur
de CHAUVIGNY et que c'était lui qui faisait toutes
les affaires et ainsi le fut donner et lui compta six
écus qu'il avait lui faisant bon de quatre écus
dont le dit Jacques LORET en répondit pour lui et
après le dit Sieur de CHAUVIGNY et le dit Gouverneur lui
mirent un contrat entre les mains sans savoir
ce qui était dedans le dit Sieur Gouverneur lui disant
"mon enfant vous n'avez jamais eu rien en propre
mais à présent votre habitation est à votre propre"
Déclare de plus que le dit Gouverneur lui a vendu
un moulin à bras un écu qui sous les effets
de la Compagnie l'ayant payé entre les mains
du dit Jacques LORET faisant pour le dit Sieur Gouverneur
Signé Jullien DALLIAU
C2620-1_0130
Déclare de plus le dit Jullien DALLEAU que quelques temps
après que le dit Sieur Gouverneur eut donné ces contrats
aux dits habitants il leur manda de les lui porter pour
les enregistrer, ce pour diminuer les rentes si elles
étaient trop grandes, et le dit déclarant voyant qu'il
ne pouvait pas payer ce qui était dans son contrat
fut au dit St Denis où étant, le dit Sieur Gouverneur le renvoya
au dit Sieur de CHAUVIGNY disant qu'il ferait son affaire
ce ayant été donné, le dit Sieur de CHAUVIGNY le quitta pour
payer quinze livres de riz blanc et six volailles
par an, lui faisant encore payer huit écus pour
la grâce qui lui faisait et lui fit un autre
contrat, et quelques heures après le dit Gouverneur
appela le dit déclarant ayant son contrat en main
disant qu'il faisait bon avoir des amis et que le dit Sieur
de CHAUVIGNY lui avait fait une grande grâce
disant qu'il ne paierait que 30 # de riz blanc et
douze volailles ce qui chagrina le dit déclarant voyant
que le dit Sieur de CHAUVIGNY n'avait pas tenu sa parole
ce que le dit Sieur Gouverneur voyant s'emporta contre lui
disant qu'il ne savait pas reconnaître les grâces qu'on
lui faisait dont le dit déclarant s'excusa comme il
put et après avoir quitté le dit Sieur Gouverneur fut
trouver le dit Sieur de CHAUVIGNY lui disant qu'il ne lui
avait pas tenu sa parole dont le dit Sieur de CHAUVIGNY
répondit "tais toi car ce bougre de Gouverneur là
n'en voulait rabattre que la moitié et ainsi j'ai bien eu de la peine"
Déclare de plus que le dit Sieur de CHAUVIGNY faisait boire
du vin et de l'eau de vie fort librement aux dits habitants
et le dit Sieur de CHAUVIGNY ayant vendu des marchandises
du magasin aux dits habitants en l'absence du Commis
qui était à St Paul, ainsi que le dit déclarant en a
aussi acheté du dit Sieur de CHAUVIGNY
Signé Jullien DALLIAU
C2620-1_0131
Déclare de plus le dit Jullien que le Sieur FIRELIN Commis
lui aurait dit à St Paul qu'il n'avait que faire d'aller
à St Denis pour avoir des marchandises du magasin
tant qu'il n'y serait pas, ayant prié Monsieur le Gouverneur
de n'en faire délivrer à personne, et le dit déposant
étant à St Denis, le dit Sieur Gouverneur lui dit d'aller
trouver Monsieur de CHAUVIGNY qui lui donnerait ce qu'il
voudrait du dit magasin.
Déclare de plus avoir entendu le dit Sieur Gouverneur
fort mal parler de Messieurs de la Compagnie
disant qu'il étaient des gueux et des savetiers
Déclare de plus avoir entendu le dit Sieur de CHAUVIGNY mal
parler contre le dit Sieur Gouverneur disant ce «bougre-là
devient fou et je serai obligé de faire ce que
je ne voudrais pas faire, ayant vendu jusque
aux joyaux de sa femme pour assister le dit Gouverneur
en France.»
Déclare de plus que le dit Gouverneur ayant appris
de Jacques FONTAINE Capitaine du quartier St Paul
qu'il avait quatre aunes de damas blanc, et le
priant de lui envoyer en payant comme il voudrait
et le dit déclarant l'ayant apporté le dit Sieur Gouverneur
le promettant de le satisfaire dont il n'en a
rien payé
Déclare de plus avoir été député des habitants de St
Paul avec Pierre HIBON pour parler à Mr Le Gouverneur
pour avoir quelque permission de chasser suivant
la requête qu'ils lui avaient présentée, les quatre
furent prévenus par Jacques FONTAINE, Capitaine du dit
quartier, et de Monsieur de CHAUVIGNY, de ne point parler
de cela s'il ne voulaient être mis dans un cachot
et ainsi furent obligés de chercher un prétexte
pour se tirer d'affaire, ne voulant entendre
aucune remontrance, quoiqu'il eusse ordonné lui
même de s'assembler chez le Capitaine du dit quartier
signé Jullien DALLIAU
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