Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
Henry BROCUS
2.087
44
Déclaration faite par Henry BROCUS natif
de la ville de Menque dans l'Hollande et âgé de
trente deux ans, et habitant du quartier Ste
Suzanne Ile Bourbon, contre Monsieur HABERT
de VAUBOULON Gouverneur de la dite Ile
Du 21 Décembre 1690
Disant que Sa Majesté ayant eu la bonté d'écrire
une lettre aux dits habitants par laquelle Elle leur
marquait qu'Elle voulait prendre soin d'eux et
les soulager et leur envoyant pour cet effet
le dit Sieur de VAUBOULON pour leur Gouverneur lequel
bien loin de les soulager, aurait commençé par
les piller en prenant d'eux des sommes d'argent
pour leur habitations, les obligeant de prendre
des contrats où il mettait dedans ce qu'il voulait.
Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur lui aurait
voulu faire payer quinze écus pour son habitation,
le dit déclarant lui ayant repondu qu'il n'avait
point d'argent et qui lui payerait tous les ans
ce qu'il pouvait de son habitation, ce que le dit Sieur
Gouverneur voyant, le fit mettre dans le cachot où il
y fut trois jours, et ensuite le fit sortir et lui
fit payer quatre écus en argent, six cents livres
de riz, six grands cochons, six coq d'Indes, un boeuf
et un chapelet de sa femme de cristal qui lui avait
coûté cinq écus et demi, le tout payé au Sieur
de CHAUVIGNY le Sieur Gouverneur l'ayant envoyé
s'accommoder avec lui tant pour son habitation
que pour ses lettres de naturalité française
et lui fit de plus payer trois cochons d'avance
pour la rente et lui donna un contrat pour
son habitation.
Signé Henry BROCUS
2.088
Déclare de plus le dit Henry BROCUS avoir donné une
jeune vache au dit Sieur Gouverneur lui ayant promis
de lui payer laquelle il lui doit encore,
Déclare de plus avoir acheté une habitation de Jean
PERROT cent cinq écus dont le dit Sieur Gouverneur
l'aurait recherché disant que lui ou le dit PERROT
lui devait rembourser la dite somme
Déclare de plus avoir emmené sa négresse au dit Sieur
Gouverneur laquelle avoir fui de chez lui et ayant
été souhaiter le bonjour au dit Sieur Gouverneur son
pistolet sous son bras, lui demanda si c'était
là son pistolet donc le déclarant lui dit que oui,
et ensuite fit mettre la dite négresse dans le cachot
et dit au dit déclarant de ne s'en point retourner
sans qu'il lui eusse parlé, et le lendemain envoya
un de ses gens chercher le pistolet du dit déclarant
et une demie heure après l'envoya chercher, lequel
lui fut parler étant dans sa chambre avec le dit Sieur
BIDON qui écrivait et un petit nègre d'environ
neuf ans, et le dit Sieur Gouverneur commença à
interroger le dit déclarant, disant qu'il avait voulu
donner son dit pistolet à Pierrot le nègre qui était
fui dans la montagne, dont le dit déclarant lui soutint
qu'il ne l'avait seulement pas vu, et le dit Sieur Gouverneur
continuant de l'interroger lui faisant soutenir
ce qu'il lui demandait par le dit petit nègre et après
le dit Sieur Gouverneur fit venir la nègresse du dit déclarant
pour lui demander s'il n'était pas vrai que son
maître avait voulu donner le dit pistolet au dit nègre
marron, laquelle répondit que non, le faisant
écrire tout ce qu'il voulait par le dit BIDON, ne voulant
pas même laisser parler le dit déclarant, et lui voulant
après faire signer son interrogatoire, le dit déclarant
aurait refusé disant qu'il ne savait pas de qu'on
lui voulait faire signer, dont le dit Sieur Gouverneur
prit le pistolet à sa main disant que s'il ne signait
il lui casserait la tête et ce en présence même
d'Emmanuel DE MATTES son cordonnier et le dit BIDON greffier
Signé Henry BROCUS
2.089
45
Déclare de plus qu'après que le dit Sieur Gouverneur lui
eut fait signer son interrogatoire il fit appeler
LA CITERNE son valet pour appeler le bourreau
afin de faire chauffer la fleur de lys et ensuite
fit appeler Pierre LESUR taillandier pour mettre
le dit déclarant aux fers donc le dit LESUR lui dit
qu'il n'y avait point de charbon, ensuite de quoi
fit renvoyer le dit déclarant dans le cachot
et envoya à Ste Suzanne chercher la femme du dit
déclarant, et après qu'elle fut venue, l'enferma aussi
dans sa chambre l'interrogeant pour savoir
si son mari avait voulu donner un pistolet
au dit nègre marron, laquelle repondit toujours
que non, disant qu'elle ne les avait seulement
pas vus, la traitant de petite bougresse laquelle
lui payerait et ensuite la renvoya chez lui
et le lendemain de grand matin le dit Sieur Gouverneur
fit mettre la corde au col au dit déclarant par le
bourreau, l'ayant fait conduire devant la porte
de l'église où il fit amende honorable avec
un écriteau devant lui où il avait supporté
des nègres marrons et ensuite conduit au carcan
pour deux heures de temps, et sa femme condamnée
à six livres d'amende, lui ayant fait demander
pardon à Dieu, au ROI, et à la Justice par force
dans sa chambre.
Déclare de plus qu'avant que le dit Sieur Gouverneur lui eût
fait faire cet affront, il lui aurait demandé
une tabatière à couvercle d'argent, disant qu'on lui
avait dit qu'il en avait une, dont le dit déclarant
lui dit qu'il en avait assurément point et le dit Sieur
DE CHAUVIGNY lui aurait aussi demandé
plusieurs fois des étoffes des Indes
Signé Henry BROCUS
2.090
Déclare de plus le dit Henry BROCUS que le sieur FIRELIN
Commis de la Compagnie aurait été obligé de se
retirer au quartier se Ste Suzanne pour éviter
les violences du dit Sieur Gouverneur l'ayant maltraité
dans le magasin de la Compagnie, ainsi qu'il en
fit sa déclaration aux dits habitants après la messe,
ayant même fait voir sa joue qui était rouge
et enflée d'un coup de bâton qu'il avait reçu
dessus du dit Sieur Gouverneur
Déclare de plus que le dit Sieur DE CHAUVIGNY lui aurait
vendu pour un peu d'eau de vie en l'absence
du dit Commis qui était à St Paul
Signé Henry BROCUS
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