Procès Vaubulon

Déposition de Jacques BARRIÈRE

1.028
Interrogation faite par nous prévôt de la marine au Port-Louis et
Lorient au nommé Jacques BARRIÉRE dit DU ROCHER, habitant de Mascarin, détenu
prisonnier en la Citadelle du Port-Louis, par ordre de M. de MAUCLERC, 
Intendant de la marine au Port-Louis et Lorient.
					Du 8e mars 1697
					
Son serment de dire vérité, ce qu'il a promis et juré de faire.

Interrogé de son nom, qualité, âge et demeure
Répond avoir nom Jacques BARRIÉRE dit DU ROCHER, ci-devant soldat avec
Monsieur de la HAYE, Vice-roi des Indes Orientales, resté à l'Ile de Bourbon
par la permission du Mondit Sieur de la HAYE, où il s'est établi, de présent détenu
prisonnier dans la Citadelle du Port-Louis, âgé d'environ quarante et cinq ans,
natif de la ville de Limoges.

Interrogé s'il n'était pas de ceux qui s'assemblèrent pour se révolter contre
Le Gouverneur de ladite Ile, nommé Monsieur de VOBOULON, et s'il n'était pas présent
lorsque l'on ?le jour et le lieu où l'on devait s'en saisir pour le mettre en 
prison.
Répond qu'il n'a jamais conspiré contre le Gouverneur, mais que le Père Hyacinthe
Capucin, étant venu de St Paul et étant avec le Sieur FIRLIN dans le ?
et le nommé Robert du HALLE furent pour saluer le Révérend Père comme c'était la
coutume, et, l'ayant salué, ledit Père Hyacinthe les réprimanda de ce qu'ils n'avaient pas
arrêté le Gouverneur, parce qu'il avait fait arrêter un des habitants pour avoir sonné
la cloche pour faire la prière le matin parce qu'il ne voulait pas y aller, ledit Père
leur dit derechef: 'si je m'étais trouvé là, je l'aurais arrêté moi-même avec les
ouvriers'. Et ensuite, il envoya le nommé Robert DU HALLE à Ste Suzanne
pour chercher les habitants, pour concerter l'emprisonnement dudit Gouverneur; 
ils s'en furent chez lui où ils tinrent l'assemblée, où il fut délibéré que le
Gouverneur serait arrêté de dimanche ensuite étant à la messe, et que le nommé
ROYER capitaine du quartier de Ste Suzanne commanda quatre hommes
qui étaient LA ROCHE, Robert DU HALLE, Marc VIDOT et Jean MACASTE ?
à qui il ordonna de l'arrêter en entrant dans l'église de la part du Père Capucin
et de FIRLIN, ce qu'ils firent le dimanche se trouvant à la messe, le nommé LA
ROCHE lui saisit son épée, et les autres se jetèrent sur lui, ce qui l'obligea
de crier: 'à moi, mon Père, sauvez-moi la vie', que le Père Capucin
était à l'autel vêtu de son aube qu'il ôta aussitôt, et se tournant
devers eux, leur dit: 'amarrez-moi ce voleur-là', et ensuite le fit sortir
 
1.029 et le fit conduire jusque devant la maison, où les habitants lui demandèrent 'où souhaitez-vous que l'on le mette?'  et il répondit qu'il voulait le mettre dans le cachot, ce qu'il fit, et lui fit mettre les fers aux pieds. Interrogé si ce n'est pas lui qui portait la corde pour le lier, et s'il ne mit pas la main sur lui dans l'église, de quel ordre et pourquoi , Répond qu'il ne se souvient pas s'il a donné aucune corde pour lier ledit Sieur Gouverneur. Il est bien vrai qu'il avait sur lui un bout de ligne, mais qu'il ne croit pas l'avoir donné pour attacher ledit Gouverneur, qu'il ne mit point la main sur lui, parce qu'il était destiné pour arrêter le nommé BIDON qui était au service du Gouverneur, crainte qu'il n'arrivât aucun accident et qu'il n'a fait ce qu'il a fait que par ordre du Père Hyacinthe et du Sieur FIRLIN, que ce qui a causé toutes ces affaires était la tyrannie qu'il exerçait contre eux tous les jours, les obligeant de lui donner tout ce qu'ils pouvaient avoir d'argent, et la sollicitation du Père Hyacinthe qui était mal avec lui, ce qui leur fit croire qu'il avait de bonnes ordres pour faire ce qu'il faisait et qu'il répondait de tout. Interrogé s'il n'est pas vrai qu'ils ont mis ledit Gouverneur dans le cachot, ils s'en retournaient à l'église avec le Père Capucin qui dit la messe comme si rien n'était, et ensuite fit chanter le Te Deum, arborer le pavillon et tirer sept ou neuf coups de canon en réjouissance de ce qu'ils avaient mis le Gouverneur en prison. Répond qu'il est vrai, et qu'ils s'en furent dîner à la maison, et qu'après le dîner, le Père Capucin fit faire un détachement des habitants pour garder le Sieur gouverneur et que la clé du cachot a toujours été entre les mains dudit FIRLIN, et que ledit FIRLIN était proche son magasin, l'épée au côté et deux pistolets pour empêcher que les domestiques du Sieur Gouverneur n'approchât pour le secourir. Interrogé si après qu'ils eurent emprisonné ledit Sieur Gouverneur, ils ne firent pas une assemblée où ils délibérèrent de faire un commandant qu'il firent, et qui les obligea à le faire: Répond que peu de temps après, le Père Hyacinthe les fit assembler et leur proposa de faire FIRLIN commandant, mais lesdits habitants proposèrent au Père de l'être, ce qu'il ne voulut accepter, et fit recevoir FIRLIN qui l'a été environ deux ans, après lequel temps le Père
1.030 étant mécontent de lui, il le fit destituer par les habitants de St Paul qui le firent assiéger chez lui, ce qui l'obligea à se retirer. Interrogé s'il n'était pas de ceux qui ont jugé le nommé LA CITERNE, valet de chambre dudit Sieur Gouverneur, et qui lui a fait casser la tête sous prétexte d'avoir voulu sauver son maître, ce qui les obligea à le juger si rigoureusement. Répond que le Père hyacinthe et FIRLIN firent arrêter ledit LA CITERNE et le firent mettre au cachot, sous prétexte qu'il avait dit qu'il les ferait assassiner, ce qui fit que ledit Père fit assembler lesdits habitants qui proposèrent audit Père de le mettre en garde chez un habitant au quartier de St Paul, jusqu'à ce qu'il vienne quelque navire, à quoi le Père ne voulut point y consentir, et le fit mettre en prison où il a resté environ deux mois, après lequel temps, ledit Père Hyacinthe fit assembler les habitants sous prétexte qu'il avait fait une nouvelle conspiration, et étant assemblas, choisit neuf des habitants pour le juger, avec FIRLIN qui avait deux voix, et comme les habitants choisis ne voulaient point le juger, voulant seulement le renvoyer en prison, le Père capucin se mit en colère contre lesdits habitants, leur disant qu'ils étaient des ignorants, et qu'il méritait la mort parce qu'il avait voulu intenter sur lui, ce qui fit que lui et les autres habitants le jugèrent d'avoir la tête cassée, ce qui fut fait le même jour, après que le capucin l'eut confessé, nonobstant les prières que l'on fit au Père de lui donner sa grâce ; bien loin de cela, il le conduisit et le fit attacher au poteau où il a eu la tête cassée, et ensuite le fit enterrer, et en un mot, que c'est le Père Capucin qui les a tous amusés et leur a fait faire tout ce qu'ils ont fait, leur disant qu'il avait des ordres pour faire tout ce qu'il disait et qu'il répondait de tout. Et sont ces interrogatoires, confessions et dénégations, lesquelles lui lues de mot à autre, il a affirmé véritables et a signé, aussi signé Jacques BARRIÉRE, DE MERVILLE et LOLMIER Collationné par nous prévôt De la marine au Port-Louis ce 8e mars 1697 DE MERVILLE .
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