Procès Vaubulon
Déposition de Jullien ROBERT dit La Roche
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8 mars 1697
Interrogation faite par nous prévôt de la marine au Port-louis et
Lorient au nommé LA ROCHE, habitant de MASCARIN, détenu prisonnier à la
Citadelle du Port-Louis, par ordre de Monsieur de MAUCLERC, Intendant de la
Marine au Port-louis et Lorient
Du huitième mars 1697
Son serment de dire vérité, ce qu'il a promis et juré de faire.
Interrogé de non nom, âge, qualité et demeure,
Répond avoir nom Jullien ROBERT, dit LA ROCHE, natif de Champdeniers
en Poitou, habitant de l'Ile de Bourbon depuis dix-huit ou vingt ans, âgé
de cinquante cinq ans environ, détenu prisonnier à la Citadelle du Port-Louis.
Interrogé s'il n'est pas de ceux qui s'assemblèrent dans ladite Ile de
Bourbon pour se révolter contre le Sieur Gouverneur,
chez qui ils se sont assemblés pour ce sujet, et par quel ordre ils l'ont arrêté
et mis en prison,
Répond qu'il est vrai qu'il était de ceux qui se sont assemblés pour
arrêter le Gouverneur, par ordre du Père Hyacinthe, capucin, et de Michel
FIRLIN, et que l'assemblée se fit chez le nommé DU ROCHER, habitant proche
St Denis, parce que le Père avait mandé au capitaine de Ste Suzanne
par le nommé Robert DU HALLE d'envoyer quatre hommes, et comme ledit Robert
DU HALLE n'avait point de lettre, le capitaine du quartier de Ste Suzanne nommé
ROYER fit assembler tous les habitants pour aller le samedi au soir au Bittors
Chez ledit DU ROCHER, et ledit ROYER voyant que les femmes du quartier de Ste
Suzanne étaient en peine où allaient leurs maris, il leur dit qu'ils allaient à la
Montagne chercher les marrons; et, étant assemblés devant BEL AIR , il déclara
Aux dits habitants que c'était pour aller prendre le Gouverneur pour le mettre
en prison, de la part du Père et de FIRLIN, ce qui fit que lesdits habitants
furent au couvent trouver le Père, qui leur dit qu'il ne savait s'il était
en sûreté de sa vie ou non, et qu'il fallait arrêter le Gouverneur parce qu'il les
pillait et volait, et qu'il avait d'aussi bonnes ordres que lui, et qu'il se chargeait
de tout; et ensuite, ayant choisi quatre hommes pour l'arrêter, il s'en fut dans
l'église, où, ayant sonné par trois fois la cloche, le Gouverneur arriva qui se
mit dans sa place; et lorsqu'il y fut, l'Interrogé et Robert DU HALLE, Jean
MACASTE et Marc VIDOT le saisirent par l'ordre du Père et de FIRLIN, et ledit
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Interrogé lui ôta son épée ,et ensuite le Capucin qui était à l'autel
ôta son aube, se retourna devers eux, et leur cria: 'Amarrez-moi ce voleur!'
et le fit mener ensuite au logis où le capitaine du quartier et tous les habitants
étaient autour et s'en étaient emparés pour empêcher qu'il n'ait du secours.
Et que c'est ledit FIRLIN qui les avait fait venir, et les ayant appelés du balcon ?
où ils étaient; et lorsque ledit Gouverneur fut dans la cour de
son logis, les habitants dirent tous d'une voix qu'il fallait le mettre dans
sa chambre et le garder là, ce que ledit Père ne voulut faire, leur disant
qu'il voulait le mettre dans le cachot, les fers aux pieds, ce qu'il fit, et
disant aux dits habitants qu'il ne lui manquerait de rien, et qu'il lui ferait
donner tout ce qu'il lui faudrait, et qu'ensuite, l'ayant mis au cachot, il s'en
retourna à l'église avec tous les habitants et fit chanter le Te Deum, et fit
tirer le canon, arborer le pavillon, et ensuite il dit la messe et fit crier
'Vive le Roi!' en réjouissance de ce qu'il avait fait arrêter ledit Gouverneur,
disant toujours aux habitants qu'il répondait de tout, et que le premier
navire qui viendrait, il s'en irait avec lui à Paris pour parler au Roi
pour lui faire son procès, à cause des vexations qu'il faisait dans
l'Ile, et qu'après la messe dite, le Père Capucin fit un détachement
de l'Ile pour garder le Gouverneur.
Interrogé s'il n'est pas lui qui lui mit la main le premier au
collet et le terrassa par terre, lui disant qu'il l'arrêtait de la part
du Roi,
Répond qu'ils étaient quatre qui le saisirent et le firent asseoir, ne
le jetèrent point par terre, et qu'ils lui dirent que c'était de la part du
Père et de FIRLIN qu'ils l'arrêtaient, et que ce fut dans ce temps-là que le
Père leur cria 'Que l'on amarre ce voleur!', ce qui fit que DU ROCHER
l'attacha.
Interrogé quelles armes ils avaient, lui et les autres, quand ils
ont pris ledit Gouverneur,
Répond qu'il n'avait qu'un pistolet, et le nommé Marc VIDOT une
catanne ? et un pistolet, et que FIRLIN qui était à la porte de l'église
avec deux pistolets et son épée, et tous les ouvriers du magasin,
et que ledit ROYER, capitaine du quartier, était à garder la maison
pendant qu'on le saisissait dans l'église.
Interrogé quel sujet il avait de se révolter contre
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ledit gouverneur de le traiter ainsi,
Répond que ledit Gouverneur leur prenait tout ce qu'ils avaient, que quand ils
avaient douze cents, il fallait lui donner dix, et les maltraitait beaucoup, ce
qui a fait que le Père et FIRLIN leur ont conseillé de faire ce qu'ils ont fait.
Interrogé si après qu'ils eurent emprisonné le Gouverneur, ils ne firent
pas une assemblée où ils délibérèrent de faire un commandant, qu'ils
firent, et qui les obligea à le faire,
Répond que peu de temps après le Père Hyacinthe les fit assembler et
leur proposa de faire ledit FIRLIN commandant, lesquels acceptèrent, le Père ne
voulant pas l'être, et que ledit FIRLIN y demeura environ deux ans, après lequel
temps, le Père étant mécontent de lui, le fit destituer par les habitants de St Paul
qui l'obligèrent à se retirer.
Interrogé s'il n'est pas de ceux qui ont jugé le nommé LA CITERNE, valet
de chambre dudit Gouverneur, et qui lui a fait casser la tête, ayant donné lui
même la première voix pour cela, parce que ledit LA CITERNE était accusé d'avoir
voulu sauver son maître, et qui les obligea à le juger si rigoureusement,
Répond que le Père Hyacinthe, ayant fait arrêter LA CITERNE parce que
un portugais avait dit à FIRLIN qu'il voulait tuer le Père et lui, ce qui fit que ledit Père
fit assembler tous les habitants pour leur demander justice de ce que ledit LA
CITERNE avait dit. Mais les habitants l'ayant interrogé, proposèrent audit Père
de le mettre en garde au Quartier de St Paul, chez un habitant, jusqu'à ce qu'il
vient quelque navire, et le Père se fâchant contre eux, leur dit qu'ils étaient
des ignorants ; et ensuite, entra dans la chambre où il prit un livre qu'il montra
aux habitants, et leur fit voir un article qui disait que tous ceux qui ont attenté sur
l'Eglise méritaient la mort, et qu'il voulait absolument qu'il mourût, ce qui fit que les
neuf habitants et FIRLIN qui avait deux voix le jugèrent d'avoir la tête cassée, ce qui
fut exécuté le même jour, sans que le Capucin voulût jamais lui faire aucune
grâce, et, le Capucin l'ayant confessé, FIRLIN le fit conduire au poteau par les habitants
et lui fit casser la tête, et ensuite le fit enterrer, et que c'est le Père et FIRLIN
la cause de tout cela, et que le Père Hyacinthe leur disait qu'il avait de bonnes
ordres pour faire ce qu'il faisait et qu'il répondait de tout.
Et sont ses interrogations, confessions et dénégations, lesquelles lui lues de mot
A autre, a affirmé véritables, et a déclaré ne savoir signer. Signé DE MERVILLE ET LOLMIER
Collationné par nous Prévôt de la
Marine à Lorient, ce 12 mars 1697
DE MERVILLE
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