M. ÉDOUARD HERRIOT

	Le maire de Lyon avait été élu Président du Parti radical et radical-socialiste à une
époque où il y avait quelque mérite à se réclamer des doctrines de ce parti démocratique.
Il succédait dans ce poste difficile à Lafferre, Delpech, Doumergue, Caillaux, Combes, Pelletan.
	Après le désastre de 1916, on ironisait volontiers sur: "Le Président du dernier carré
de Waterloo."
	Le groupe était à la Chambre d'une faiblesse numérique telle qu'on le désignait sous le
nom de Groupe des Éclopés.
	Le Parti était à ce moment un parti en retraite -retraite provisoire.
	Il faut reoennaitre qu'à la manière de Joffre, M. Herriot a fait brillamment succéder
la Marne à Charleroi.
	M. Herriot est un jeune homme politique qui a, jusqu'ici, défié l'analyse exacte.
	Député, écrivain, maire de la deuxième ville de France, leader de l'opposition, chef de
Gouvernement, combien se sont essayés à son portrait et n'y ont pas réussi!
	L'ensemble de sa personnalité a dérouté les meilleurs stylets.
	Son corps ramassé, ses épaules larges contrastent singulièrement avec l'élévation de sa
pensée, la clarté attendrie de son regard, l'élégance de sentiment qui l'anime.
	Le rêveur de Normale était déjà devenu le réaliste magistrat lyonnais. Il essaye
présentement, avec moins de nervosité que M. Poincaré et autant de Psychologie que M.Briand,
de matérialiser au pouvoir les aspirations de sa vie.
	Aimable, courtois, il a tout ce qu'il faut pour inspirer la sympathie.
	Au pouvoir, il s'agit de concilier ses principes d'ordre avec les tendances avancées qui
le soutiennent.
	Avouons que jusqu'ici il y a pas mal réussi.
	La grande presse, qui a plutôt battu froid à son avènement, ne put s'empêher, après les
entrevues de Londres, de Paris, le Congrès de Genève, le programme de Boulogne, de souligner ses
discours d'honnête homme.
	Certes, la route est longue. Des obstacles l'encombrent. M. Herriot affirme qu'il n'a
d'autre ambition que de travailler en bon artisan, pour nous guider à petits pas vers l'aube
d'une ère nouvelle.
	Inutile d'insister ici sur sa bonne grâce charmante, la finesse de son tact, l'élévation
de sa pensée, la richesse de son talent oratoire, véritable régal pour ses auditeurs.
	Ce qu'il importe de signaler c'est l'élan mondial vers la Paix qu'il a imprimé au Congrès
de Genève. Là, M. Herriot, secondé par des orateurs de taille: Briand, Paul-Boncour, a pu, au
nom de la République française, déclarer la Paix au Monde.
	Dans un banquet récent, M. Herriot affirmait son idéalisme réaliste, en disant que nous
aurons la Paix économique, la Paix tout court quand nous aurons la paix monétaire qui est liée
aux traités de commerce internationaux.
	Cet éducateur du Parti, également éducateur de la Démocratie, ne se laisse pas griser
d'ailleurs par les fleurs qu'on lui jette et les lauriers dont on l'accable.
	Il avoue ingénuement à ses amis: "que l'exercice du Pouvoir est la chose du monde qui
donne le moins l'idée d'éternité et d'ores et déjà il réclamait au Congrès de Boulogne sa place
dans le rang pour travailler à l'oeuvre commune."
	Ne vous semble-t-il pas qu'il était difficile de trouver un homme plus autorisé pour
sonner le réveil républicain?
	M. Edouard Herriot aura eu en tout cas le rare mérite de se présenter au Parlement avec
un gouvernernent cohérent, et avoir de toutes ses forces essayé la réalisation d'un programme
nettement défini.
	Ce programme il le résumait d'un mot à la Sorbonne devant un auditoire d'élite:
"Le complément de la Déclaration des Droits de l'Homme doit être la Déclaration du Droit
des Peuples!"