Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
François RIVIÈRE
2.163
Déclaration faite par François RICQUEBOURG
natif de la ville d'Amiens en Picardie et âgé
d'environ quarante ans et habitant du quartier
St Paul, Ile Bourbon, contre Monsieur HABERT
de VAUBOULON Gouverneur de la dite Ile
Du 10 janvier 1691
Disant que Sa majesté ayant eu la bonté d'écrire
une lettre aux habitants par laquelle Elle leur
marquait qu'elle voulait prendre soin d'eux et les
soulager et leur envoyait pour cet effet le dit Sieur
de VAUBOULON pour leur Gouverneur lequel bien
loin de les soulager aurait commencé par les piller
en prenant d'eux des sommes d'argent ou ce qu'il
pouvait attraper pour le fond de leurs habitations
quoiqu'elles étaient bien à eux avec des menaces
continuelles de les faire pendre et de les envoyer
piller et les mettre hors de leurs dites habitations
s'ils n'en prenaient de nouveaux contrats de lui.
Déclare de plus qu'étant allé à St Denis pour acheter
quelques marchandises du magasin le dit Sieur de
VAUBOULON le demanda disant qu'il voulait lui parler
et l'ayant été trouver dans sa chambre lui dit de
fermer la porte sur lui et commença à le questionner
sur son habitation disant qu'il fallait qu'il prit
de lui un nouveau contrat sur quoi le dit déclarant
lui répondit qu'il avait un contrat par lequel
il avait acheté sa dite habitation, donc le dit Sieur de
VAUBOULON lui dit que tous les Gouverneurs cy devant
avaient été des voleurs et qu'ils n'avaient eu aucun
pouvoir de donner aucune terres en friche et qu'ainsi
il pouvait lui demander quelles terres il voulait
pour lui même
Signé F. RICQUEBOURG
2.164
Déclare de plus le Sieur François Ricquebourg qu'ayant
remontré au dit Sieur de VAUBOULON que la moitié de
l'habitation de la plaine lui appartenait ayant travaillé
pendant trois ans à défricher lui ayant été donnée
par Monsieur ORGERET ci devant Gouverneur et qu'ainsi
il était bien aise d'en jouir en étant le premier
possesseur sur quoi le dit Sieur de VAUBOULON fit difficulté
suivant que quelque autre lui avait demandé et à la fin
lui en accorda la moitié et donna l'autre moitié à Pierre
HIBON habitant sans lui faire aucune justice de ses
travaux disant que la terre était au Roy et ensuite
l'envoya à Monsieur de CHAUVIGNY pour lui faire un
contrat tant de son habitation ou il demeure, de la
moitié de celle de la plaine, que de 150 perches de terre
en friche à la Montagne couverte de gros bois, et le dit Sieur
de CHAUVIGNY ayant fait le dit contrat demanda au dit
déclarant combien il lui donnerait d'argent pour cela
sur quoi il lui répondit qu'il donnerait du blé
et des volailles de son habitation à la volonté du dit Sieur
de VAUBOULON ainsi qu'il pourrait n'ayant point
d'argent, sur quoi le dit Sieur de CHAUVIGNY lui dit que
cela valait trente pistoles, ce que le dit déclarant
voyant qu'il ne pouvait payer cette somme prit
congé d'eux pour s'en retourner, et étant près à partir
le dit Sieur de VAUBOULON le fit appeler lui disant qu'il
se moquait du dit Sieur de CHAUVIGNY sur quoi le dit déclarant
lui demanda pardon disant qu'il était impossible
qu'il payât trente pistoles, sur quoi le dit Sieur de
VAUBOULON lui dit qu'il était un coquin avec autres
injures et qu'il enverrait quatre nègres dedans
son habitation et qu'il le chasserait et lui redemanda
deux lettres qui lui avait données pour porter à St
Paul disant qu'il ne voulait pas se servir de lui
et ensuite le dit déclarant prit congé de lui et
s'en retourna chez lui au dit St Paul
Signé F. RICQUEBOURG
2.165
Déclare de plus le dit François RICQUEBOURG que deux
jours après qu'il fut de retour de St Denis, le dit Sieur
de VAUBOULON lui envoya Jacques FONTAINE Capitaine
du quartier St Paul le Sieur BIDON, et trois nègres avec
des pioches et haches dans sa maison lui signifiant
de la part du Roi de rendre ses armes, et après que
le dit déclarant leur eut donné ses armes, le dit Sieur BIDON
lui signifia de la part du Roi et du dit Sieur de VAUBOULON
de lui payer cinquante écus comptant autrement
qu'il s'allait mettre en possession de son habitation
et de tout ce qui lui appartenait sur quoi le dit déclarant
demanda au dit BIDON qu'il ferait un état de toutes
ses hardes et s'il lui serait permis de prendre un
habit sur son corps, donc le dit BIDON lui répondit
que non ayant seulement ordre de laisser prendre
les hardes de sa femme et enfants et ainsi sa femme
prit ses hardes à l'instant, et après le dit BIDON lui
demanda ou il se retirerait lequel répondit
où le dit Sieur de VAUBOULON voudrait disant qu'il fallait
bien qu'il eût quelque lieu pour se retirer quand
ce ne serait que sur un roc ne nuisant à aucune
habitation sur quoi le dit BIDON lui répondit que
s'il approchait de quelques habitations on tirerait
sur lui comme sur un chien, sur quoi le dit déclarant
se voyant ainsi maltraité s'accorda avec le dit BIDON
de faire une obligation de cinquante écus à payer
au dit Sieur de VAUBOULON, et ayant fouillé dans ses coffres
donna huit écus qu'il donna au dit BIDON à déduire
sur la dite obligation, et après s'en retournèrent
et deux ou trois jours après le dit Sieur BIDON ayant
mandé le dit déclarant lui dit qu'il avait ordre
du dit Sieur de VAUBOULON de lui faire faire une autre
obligation à payer à Monsieur de CHAUVIGNY et qu'il
mettait un reçu au bas comme à la première
obligation, à quoi le dit déclarant obéit.
Signé F. Ricquebourg
2.166
Déclare de plus le dit François RICQUEBOURG que quelques
jours après le dit Sieur BIDON le manda encore et lui dit
d'aller à St Denis parler au dit Sieur de VAUBOULON à quoi
le dit déclarant obéit ou étant arrivé fut saluer
le dit Sieur de VAUBOULON, lequel sans lui rien dire le fit
mettre au cachot et que le dit déclarant voyant lui
demanda pardon à genoux lequel ne voulu rien
entendre et le fit entrer dans le dit cachot, et le dit Sieur
de CHAUVIGNY fut le soir au dit cachot voir le dit déclarant
lui disant que le dit Sieur de VAUBOULON était bien fâché
contre lui d'autant que l'obligation qui lui avait
faite était à payer en marchandises, et le lendemain
le dit Sieur de VAUBOULON fit sortir le dit déclarant du cachot
et le fit aller dans sa chambre où il était avec
le dit Sieur de CHAUVIGNY et ayant fait fermer la porte
l'interrogea juridiquement avec des pistolets sur la
table, l'interrompant en l'interrogeant avec des
menaces continuelles de lui faire couper le poing disant
qu'il avait fait le notaire dans l'île, sur quoi le dit
déclarant lui répondit qu'il n'avait jamais rien
fait que les Gouverneurs n'y eussent signé et que
c'était pour faire plaisir aux dits habitants le faisant
gratuitement sans que personne s'en plaignait.
et après avoir fait écrire ce qu'il voulut par le dit Sieur
de CHAUVIGNY lui fit signer le dit interrogatoire
sans lui en faire aucune lecture, et après le fit
reconduire dans le cachot, et au soir le dit Sieur de
CHAUVIGNY le fut encore voir lui disant qu'il allait
le grand chemin de la corde, et le lendemain le dit Sieur
de VAUBOULON le fit encore sortir du cachot et
continua de l'interroger à l'ordinaire disant toujours
qu'il avait fait le notaire et qu'il lui ferait
couper le poing et après avoir fini le dit Sieur de VAUBOULON
s'approcha du dit Sieur de CHAUVINY lui parlant latin
à l'oreille et tout d'un coup le dit Sieur de CHAUVIGNY se leva
et demanda permission au dit Sieur de VAUBOULON de dire
un mot au dit déclarant dans sa chambre où étant il lui
dit de lui faire une obligation de cinquante écus comme
argent pressé et qu'il répondrait pour lui au dit Sieur
Signé F. RICQUEBOURG
2.167
de VAUBOULON, donc le dit Déclarant lui répondit de lui
en faire un modèle à sa volonté, et après le dit déclarant
la copia et signa et lui donna entre les mains
après quoi le dit Sieur de VAUBOULON le fit encore mettre
au cachot, et sur le soir le dit Sieur de CHAUVIGNY le fut
encore voir au dit cachot lui disant que les affaires
allaient bien et qu'il sortirait le lendemain, et le
lendemain au matin ayant sorti du cachot fut
sonner le dit Sieur de VAUBOULON dans sa chambre où il lui
demanda pardon à genoux pour le remercier de
l'amnistie générale qu'il avait donnée et ce par
le conseil du dit Sieur de CHAUVIGNY, sur quoi le dit Sieur
de VAUBOULON lui répondit que l'amnistie qu'il
avait donnée était pour des causes particulières
mais que ce qu'il avait fait était des causes
publiques ayant écrit pour les dits habitants par
l'ordre des gouverneurs, ensuite de quoi le dit Sieur
de CHAUVIGNY dit au dit Sieur Gouverneur qu'il lui avait
promis deux grâces et que celle du dit déclarant en fût
une, sur quoi le dit Sieur Gouverneur lui accorda lui disant
de ne lui en pas demander d'autres, et après le dit Sieur de
CHAUVIGNY dit au dit déclarant qu'il était aussi net
que s'il sortait du ventre de sa mère, et après le dit
Sieur Gouverneur lui dit qu'il devait bien remercier
le dit Sieur de CHAUVIGNY de la grâce qui lui avait faite
après que le dit déclarant s'en retourna chez lui au dit
St Paul, et deux jours après, le nommé ROUILLARD
habitant, son beau père étant pressé d'aller au dit St Denis
le dit déclarant le pria de payer vingt deux écus au dit Sieur
de CHAUVIGNY à déduire sur obligation qui lui a faite
et le prix à même temps de lui faire un contrat et
de retrancher la terre qu'il lui avait demandée
à la Montagne et de lui en donner si peu qu'il voudrait
ne pouvant pas suffire d'achever de payer les cinquante
écus portés dans la dite obligation, et que le dit Sieur
de CHAUVIGNY ne voulut point lui accorder et donna
le dit contrat au dit ROUILLARD pour le donner au dit déclarant
signé F. RICQUEBOURG
2.168
Déclare de plus le dit François RICQUEBOURG qu'après avoir
reçu son contrat il vit que le dit Sieur de VAUBOULON
lui avait ôté entièrement son habitation de la Plaine
l'ayant donnée au dit Pierre HYBON sans lui faire
aucune justice de ses travaux faits à ses propres frais
et dépens, et deux jours après le dit Sieur de CHAUVIGNY
écrivit une lettre au dit BIDON qui était au dit St Paul
par laquelle il lui marquait de demander vingt écus
au dit déclarant pour achever de satisfaire à son obligation
et qu'il prit garde de ne point tomber de fièvre en
chaud mal et ainsi fut contraint d'emprunter encore
vingt écus qu'il donna au dit BIDON le deux février
dernier sur quoi il lui demanda un reçu à quoi il
ne voulu point disant qu'il n'avait point d'ordre de
cela ayant même été réprimandé du dit Sieur Gouverneur
du premier qu'il lui avait donné, et le dit Sieur CHAUVIGNY
a gardé l'argent et l'obligation et le tout fait
par ordre du dit Sieur de VAUBOULON s'entendant
bien ensemble et attrapant chacun de leur côté,
Le dit Sieur de VAUBOULON disant qu'il était dans l'île
comme le Roi est en France lui ayant abandonné
tout son pouvoir et que la Compagnie n'y avait rien
et le dit Sieur de VAUBOULON lui faisant payer des rentes
plus considérables que sa terre ne peut produire.
Déclare de plus avoir entendu dire au dit Sieur de CHAUVIGNY
étant à St Paul que la plus grande grâce qu'on
pouvait faire au dit Sieur de VAUBOULON était de lui
mettre une corde au col.
Déclare de plus que le dit Sieur de VAUBOULON ne voulait
entendre aucune remontrance de personne ne
faisant autre chose que d'attraper le monde par ses
manière de chicaner
Signé F. RICQUEBOURG
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