Procès Vaubulon

Plaintes des habitants

François MUSSARD

2.136

Déclaration faite par François MUSSARD
natif d'Argenteuil et âgé d'environ cinquante
quatre ans, et habitant du quartier St Paul
Ile Bourbon, contre Monsieur HABERT de
VAUBOULON Gouverneur de la dite Ile

du 23 décembre 1690

Disant que sa Majesté ayant eu la bonté décrire
une lettre aux dits habitants par laquelle Elle
leur marquait qu'Elle voulait prendre soin d'eux
et les soulager leur envoyant pour cet effet
le dit Sieur de VAUBOULON pour leur Gouverneur lequel
bien loin de les soulager aurait commencé par
les piller en prenant d'eux des sommes d'argent
pour le fonds de leurs habitations et leur faisait
prendre des contrats où il y mettait des rentes
plus considérables que valaient les dites habitations
avec des menaces continuelles, disant qu'ils avaient
presque tous mérité la mort et que s'il faisait
son devoir, il en ferait pendre une partie pour
donner exemple aux autres, et que si leurs enfants
faisaient leur devoir, ils égorgeraient tous leurs
vieux bougres de pères, ce qui chagrina fort les dits
habitants voyant qu'aucun Gouverneur ne les
avait jamais traités de la sorte, ne faisant autre 
chose que de s'étudier à leur faire de nouvelles
affaires par ses manières de chicanes, et ayant
même des contrats de leurs dites habitations tant
de Monsieur de la HAYE que des autres gouverneurs
ci-devant, ce que le dit Sieur Gouverneur avoua mais
disant que ces Messieurs là n'avaient point
le pouvoir qu'il avait, étant souverain dans
la dite Ile

Signé F. MUSSARD

2.137 Déclare de plus le dit François MUSSARD qu'étant allé saluer le dit Sieur de VAUBOULON à son arrivée à St Denis le dit Sieur Gouverneur aurait donné les clefs de toute chose au dit déclarant lui disant d'avoir soin de tous et lui demanda ensuite s'il avait quelque papiers entre les mains et même un contrat de son habitation, dont le dit déclarant lui mit tout entre les mains par la suite, ce que le dit Sieur Gouverneur trouva bien à propos quoiqu'il dit qu'il fallait qu'il prît un nouveau contrat, ayant plus de pouvoir que les autres Gouverneurs, et donna même un ordre au dit déclarant par écrit afin d'avertir tous les dits habitants de St Paul pour prendre de nouveaux contrats faute de quoi il y pourvoirait, et quelque temps après le dit déclarant étant au dit St Denis, le dit Sieur Gouverneur et Monsieur de CHAUVIGNY le condamnèrent à payer trente pistoles pour le fonds de ses habitations, dont le dit déclarant fut obligé de payer cinquante écus, avec la rente qu'ils mirent dans son contrat. Déclare de plus le dit MUSSARD que le dit Sieur Gouverneur ayant appris que le dit déclarant avait vendu une habitation cent écus qu'il avait acquise à deux enfants orphelins qui sont chez lui, dont il a été obligé et forcé du dit Gouverneur de lui en donner cinquante écus en pièces d'or Déclare de plus le dit MUSSARD avoir été à St Denis pour régler la dépense que Monsieur de CHAUVIGNY avait faite chez lui par ordre du dit Gouverneur et même plusieurs autres choses, où étant le dit Sieur Gouverneur l'enferma dans sa chambre avec lui et commença à le traiter de bougre, disant pourquoi il en avait tant fait au dit Sieur CHAUVIGNY dont le dit dit déclarant lui répondit que c'était par son ordre et alors le dit Sieur Gouverneur s'emporta contre lui disant qu'il avait menti et qu'il eût à lui faire voir son écriture, et continuant de juger contre Signé F. MUSSARD
2.138 contre lui, lui dit bougre «c'est à ce coup qu'il faut que tu y passes», autant à présent qu'une autre fois et courant à prendre des armes ce que le dit MUSSARD déclarant voyant ouvrit la porte et se jeta en bas de l'escalier, et le dit Sieur Gouverneur criant à ses gens «arrête», l'arrêtèrent, dont le dit déclarant leur dit qu'il ne voulait pas fuir mais que c'était pour éviter un mauvais coup, et le dit Sieur Gouverneur descendit qui le fit mettre dans le cachot, et au sortir du dit cachot le dit Sieur Gouverneur le fit monter dans sa chambre et ferma la porte à son ordinaire, ayant avec lui le Sieur BIDON son greffier, et interrogea le dit déclarant juridiquement, ayant un fusil à côté de lui, lui ayant fait signer tout ce qu'il voulut avec des menaces continuelles, et des paroles infâmes et après le renvoya chez lui à St Paul. Ensuite de quoi le dit Sieur Gouverneur fit revenir le dit déclarant quelques temps après pour régler ses comptes avec lui, ce qui fut fait en présence du dit Sieur BIBON Déclare de plus avoir entendu dire au dit Sieur Gouverneur que la Compagnie n'avait rien dans l'Ile et que tout était au Roi et que Messieurs les Directeurs étaient des bougres de marchands qu'il ne connaissait en rien et ne voulait pas même entendre parler d'eux. Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur envoya de ses gens à St Paul pour mettre François RICQUEBOURG habitant hors de son habitation, s'il ne payait la somme qu'on lui demandait et le dit déclarant avait ordre de faire travailler les nègres chez lui en attendant que le dit RICQUEBOURG eût satisfait Signé F. MUSSARD
2.139 Déclare de plus le dit François MUSSARD que le dit Sieur Gouverneur lui a dit que les habitants ne devaient rien donner aux capucins ayant cent écus du Roi pour acheter ce qu'ils avaient besoin. Déclare de plus avoir entendu le Sieur de CHAUVIGNY à St Paul fort mal parler du dit Gouverneur disant que c'était un misérable, un gueux, un fripon et un scélérat, et que s'il ne l'avait pas assisté en France et au Brésil, il serait crevé de faim et que la raison pour laquelle il s'en allait, était pour sauver sa vie et que c'était un bougre qu'il n'en pouvait pas échapper voyant tout ce qu'il faisait dans l'Ile Déclare de plus que les habitants présentèrent une requête à Monsieur le Gouverneur pour tâcher d'obtenir de lui quelque permission de chasser voyant qu'il ne pouvaient pas subsister à quoi le dit Sieur Gouverneur ne voulut rien entendre ne voulant écouter aucune remontrance menaçant même de les faire mettre au cachot s'ils en parlaient davantage page non signée
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