Procès Vaubulon

Plaintes des habitants

Jacques LORET

2.022

Déclaration faitte par Jacques LORET
Natif de la ville d'Ennenes agé d'environ
Quarante et deux ans et habitant de St Paul
Contre Monsieur HABERT de VAUBOULON
Gouverneur de cette isle Bourbon

Du 9 décembre 1690

Disant qu'à l'arrivée du dit Sieur de Vauboulon en cette
isle ayant esté envoyé de Sa Majesté et ainsi ; Le
croyoit honnorable homme, dont tous les habitants
de  la ditte Isle luy firent tous les honneurs possibles
en reconnaissance de toutes les bontés que Sa
Majesté avoit eu pour eux, et voyant que par la
suite le dit Sieur de VAUBOULON  se seroit mis en pocession
de toutes choses et pris connaissance commença 
de faire payer à tous les habitants des sommes
d'argent pour le fond de leur habitations et leur
fit des contracts pour luy payer un cens et rente
tous les ans avec ds menaces continuelles de les
faire pendre, et que si leurs enfants faisoint
leur devoir ils esgorgeroient  tous leurs pères
disant que c'estoit des vieils coquins et qu'il ne se
soucoit pas qu'ils crevassent, ce en ayanat fait
mettre plusieurs au cachot pour leur faire payer
l'argent qu'il leur demanderoit ayant mesme envoyé
de ses gens chez un habitant de St Paul pour jeter
tout dehors et se mettre en procession et que s'il
s'en alloit à la montagne de tirer sur luy et de l'emmener
dans les prisons mort ou vif, dont le dit déclarant
luy a donné dix escus en dix pièces, et au Sieur
de CHAUVIGNY une demie pièce de satin de perce à fleur
d'or , une comerte de soie picquée à fleur des indes
trois douzaines de petits boutons de fil d'or, et un
bassin de porcelaine à faire le poil, outre cela
le dit Sieur Gouverneur avoit fait travailler le dit déclarant
de son métier de tailleur le nombre de cent quatorze
jours luy ayant dit de prendre des marchandises au
magasin ainsi que le Commis luy en a livré pour
la somme de cent livres après quoi le dit Sieur Gouverneur
avoit dit au dit Commis qu'il ne vouloit pas luy
tenir compte de cela et qu'il n'avoit quà se faire payer
par le dit déclarant.

Signé LAURET

2.023 Déclare de plus le dit Jacques LORET que l'argent que le dit Sieur Gouverneur a pris des dits habitants avoit servi pour acheter des marchandises au magasin et qui a fait un grand trou au débit des dites marchandises Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur avoit dit que Messieurs de la Compagnie étoient des gueux et des misérables qui n'avoient pas eu l'honneur de luy envoyer une pièce d'estoffe ce que s'il venoit icy quelque navire il archeteroit bien des marchandises qui seroient dedans. Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur avoit vendu plusieurs moulins à bras a plusieurs habitants quy sont des effets de la Compagnie, Déclare de plus que le dit Sieur de CHAUVIGNY avoit reçu autant d'hommes dans l'Isle que le dit Sieur Gouverneur par son ordre estant son grand ami et luy servant de secrétaire et approuvant tout ce qu'il faisoit Déclare de plus avoir entendu dire au dit Sieur Gouverneur qu'il faisoit fouiller les coffres des dits habitants si on ne luy payoit pas ses droits, et qu'il prendroit ce qu'il seroit dedans, Déclare de plus avoir vu le dit Sieur de CHAUVIGNY avoit disputé avec le dit Sieur Gouverneur et le dit sieur de CHAUVIGNY le poursuivant l'épée à la main jusqu'auprès de la porte de sa chambre dont le dit Sieur Gouverneur ferma la porte, le traitant de bougre de jésuite et de fils de putain, Déclare de plus que le dit Sieur de CHAUVIGNY luy avoit dit avant de partir que tous le monde devoit bien prier Dieu que le navire les xxxx arrivasse à bon port et qui dans peu de temps on verroit bien des affaires et qu'avant qu'il fusse lois mais on en seroit délivré mais qu'on souffriroit bien Signé J LAURETE
2.024 Déclare de plus le dit Jacques LORET avoit esté mandé par Mr le Gouverneur de venir luy parlé et après estre venu le dit Sieur Gouverneur luy avoit dit que s'il n'estoit pas venu ce jour là il l'auroit envoyé chercher par des mousquetaires le continua de faire travailler le dit déclarant pendant huit jours Déclare de plus avoir demandé permission au dit Gouverneur d'aller à Ste Suzanne ce que le dit Sieur Gouverneur luy permit et luy dit de voir ce que les habitants disoient de luy croyant qu'ils le trahissoient eux et leurs nègres, Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur avoit fait faire amende honorable à Henry BROCUS la corde au col avec un escripteau devant luy et conduit par le bourreau au carquan pour y estre deux heures sur le rapport de sa négresse et d'un petit nègre de dix ans ou environ ce que les habitants voyant ses injustices et menaces continuelles estoient fort désolés et tius pressés de quitter leurs cases et leurs habitations pour s'en aller à la montagne ne sachant quelle heure leur estoit la meilleure, Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur luy avoit dit qu'il luy rendoit compte du testament de feu Monsieur d'ORGERET et quy luy faisoit bien dire des choses et le dit déclarant luy dit ce qu'il luy avoit donné à sa mort estant son serviteur, Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur a dit que Monsieur de la HAYE estoit un petit coquin et un misérable et que s'il n'avoit esté son argent et ses amis il auroit tiré à quatre chevaux Signé J LAURET
2.025 Déclare de plus de dit Jacques LORET que le premier jour de may dite année tous les habitants avoient esté à St Denis comme est la coutume pour planter le maïs et par occasion présentèrent une requeste à Mr le Gouverneur pour luy démontrer leurs misères afin d'obtenir de luy quelque permission de chasser ce que le dit Sieur Gouverneur trouva fort mauvais défaut que c'étoit une sédition et défendit de s'assembler un autre jour qu'il ne oluy en eussent donné admis par deux hommes députés des autres et qu'on ne fisse aucune assemblée que par ses ordres, et quelque temps après les habitants de St Paul députèrent deux hommes François Pierre HYBON et Julien DALLEAU pour luy faire remontrance suivant une ordonnance qu'il y avoit envoyée, dont les dits deux habitants furent prévenus par Jacques FONTAINE Capitaine du dit Quartier de St Paul de ne luy parler aucunnement de cela les menaçant et ainsy furent contraints de chercher un autre prétexte pour se tirer d'affaire. Signé J LAURETE
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