Procès Vaubulon
Lettre du père Hyacinthe sur arrestation du gouverneur
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1696 Copie d'une lettre du père Hyacinthe, capucin, aux
habitants de St Paul, le vingt-sixième novembre 1690
touchant l'emprisonnement de Monsieur HABERT
FIRELIN de VAUBOULON, Gouverneur de l'Ile de Bourbon.
Messieurs,
ESNOUF
Je suis tellement pressé que je n'ai eu que le temps de vous
donner avis que j'ai fait mettre Monsieur le Gouverneur
dans le cachot, pour des affaires qui touchent la sûreté
de l'Ile, de notre Très Chrétien et Invincible Monarque, que
Dieu bébisse et conserve longues années, et pour la sûreté de vos
biens et de nos vies, et autres raisons; je vous prie donc
Messieurs, comme bons et fidèles serviteurs de Sa Majesté Très
Chrétienne, de vous tenir paisiblement en vos maisons et de
ne vous mêler de rien en cette affaire, car qui bougera ou
parlera contre sera mis au cachot, comme rebelle au Roi,
et ennemi du repos et du bien publics. Je suis dans l'Ile
pour répondre de ce que j'ai fait au commissaire du Roi que
j'attends, Dieu aidant, pour le plus tard au mois de septembre
prochain, auquel, à son arrivée, je donnerai la clé du cachot
avec les raisons que j'ai eues de faire arrêter cet ennemi des
habitants et du repos public. Je vous prie, Messieurs, en
attendant son arrivée que je tiens pour très assurée, puisque
je l'ai fortement demandé par le navire Les Jeux, de recourir
à vos petites affaires et, Monsieur LAUNAY, et
Mr LA ROCHE PAYET, et ce qu'ils ne pourront pacifier, vous nous
avertirez, j'ai Monsieur FIRELIN, Commis de la Compagnie,
qui, j'espère, me communiquera vos petites difficult
et ainsi tous deux ensemble nous pacifierons le tou
l'amiable et sans amende, vous aurez le soin
Jacques FONTAINE de mettre toutes ses armes
du Roi pour plus grande sûreté, et que l'on les
infailliblement lorsqu'on le jugera à propos
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ne lui fasse insulte ni à personne de sa famille, mais qu'il
soit traité comme véritable sujet du Roi, défense toutefois
à lui et à ses enfants et à Paul, qu'on enverra de passer
la Rivière du Galet, à peine d'être traité comme rebelle
au Roi et mis au cachot jusqu'à l'arrivée du Commissaire
du Roi. J'enverrai pareillement à MM MUSSARD, BIDON, et
LA CITERNE, que je prie de traiter comme soi-même, défense
pareillement à BIDON et à LA CITERNE d'avoir aucun commerce
de lettre ni fréquentation de quelque manière que ce soit avec
Jacques FONTAINE ni avec ses enfants, et encore moins avec
Paul, ni de passer la Rivière du Galet, sous les peines sus(dites).
Vous pourrez aller dorénavant à la chasse, mais pour qu'il
ne s'y commette aucun désordre, Messieurs LAUNAY et LA ROCHE
PAYET la règleront avec tous les habitants tous ensemble
afin que vos enfants n'aient pas sujet de se plaindre ni de dire
que leurs pères ont tout mangé et détruit; il est juste que
les pères vivent et très juste qu'il en laissent aussi à leurs
enfants. Enfin, je vous exhorte tous, et de tout mon coeur,
la paix, l'union et la concorde, et que homme ni femme ne
s'avance à insulter et se choquer les uns les autres. C'est
de quoi je vous conjure très humblement, comme Messieurs,
votre très humble et plus affectionné serviteur, le Frère
en Jésus-Christ, F. Hyacinthe de Quimper capucin ind.
Nous soussignés Gilles LAUNAY et Anthoine PAYET, habitants
du Quartier de St Paul, Ile de Bourbon, déclarons avoir
envoyé l'original de la présente copie aux Indes par Jacques
FONTAINE, habitant de Saint-Paul, et Pierre HYBON aussi habitants
dudit lieu, et trouvons cette copie conforme à l'original
est aux Indes, en foi de quoi nous avons fait notre
ne sachant signer la présente des témoins soussignés
à Saint-Paul ce 2e septembre 1696.
marque de + Anthoine PAYET marque de + Gilles LAUNAY
DUBIGNON FOURNIER
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J'ai certifié que Gilles LAUNAY et Anthoine PAYET ont mis
l'original de cette lettre entre les mains de jacques FONTAINE
s'étant embarqué dans le navire Les Jeux avec moi
pour aller à Surate pour rendre compte d'une affaire
qui s'était passée dans l'Ile, étant arrivé audit Surate,
je mis la lettre entre les mains de Monsieur DOPILAUVINE
Directeur de la Royale Compagnie des Indes, et trouve cette
copie conforme à l'original, en foi de quoi j'ai signé
ce présent certificat fait à St Paul ce douzième
septembre 1696.
Pierre HIBON
Nous certifions que la présente copie est conforme
à l'original qui est aux Indes, en foi de quoi nou avons
signé ce présent certificat fait le douzième septembre
1696.
F. MUSSARD J. LAURET.
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L'an mil six cent quatre-vingt-dix le vingt-six
de novembre du matin, je, F. Hyacinthe de Quimper, capucin,
soussigné , fis mettre dans le cachot Henri HABERT de VAUB
Gouverneur pour le roi dans cette Ile Bourbon, m'en al
pour les raisons suivantes, afin de conserver ladite Ile
à Sa Majesté Très Chrétienne, que Dieu conserve et bénisse
en tout et partout, contre les desseins qu'avait ledit Sieur Gouv
de se perpétuer en ce gouvernement contre les ordres mêmes
de Sa Majesté, par des voies violentes ainsi que nous en avons
des témoins, pour les tyrannies et violences qu'il avait
commises en commettant tous les jours sur les habitants de
cette Ile, et pour nous mettre à couvert des menaces qu'il
avait faites et faisait journellement tant de paroles quel
par écrit de punitions corporelles, de faire pourrir dans un
cachot et de pendre sans exceptions de personnes ni d'état,
pour avoir dit fort souvent que tout ce qui était dans l'Ile
lui appartenait, même les hardes de Révérends Pères
capucins, que personne des habitants n'avait rien en propre,
que tout était à lui, que ce n'était pas à des gens de cette
sorte d'avoir de l'argent, qu'il prétendait non seulement de
fouiller leurs coffres, toutes et quantes fois qu'il lui plairait,
mais encore que si quelques de ses gens le leur demandaient
en son nom, quoique à son insu, qu'ils les laissassent faire.
Ce qui fut cause que plusieurs mirent de leurs hardes
chez nous en garde, et qu'ils ont retirées après la capture du
Sieur Gouverneur; que le dix-sept octobre dernier, il
maltraita le sieur FIRELIN, Commis de la Compagnie dans
le magasin en faisant son devoir, menaçant de le faire p
dans un cachot, et quatre ou cinq jours après l'interrogea
juridiquement et violemment selon son ordinaire, les pist
sur la table, avec des menaces continuelles pendant ladite
interrogation; avait fait ensuite le 29 octobre dernier,
afficher une ordonnance à la fenêtre de l'église qui portait
punition corporelle pour ceux des ouvriers et dudit Sieur FIRELIN
même qui manqueraient à se ranger chez eux sur les six
heures du soir sans que jamais il y ait eu aucune plainte
d'eux, avait fait attacher le 14 du courant Henri BROCUS
au carcan, la corde au col avec un écriteau sur la poitrine,
et en cet état fait amende honorable à la porte de l'église,
sur le témoignage d'un petit nègre âgé de dix ans environ,
et d'une négresse qui est folle comme le témoignent tous les
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habitants de l'Ile, et l'avait ainsi condamné sur les faux
témoignages de ce petit nègre et de cette folle négresse qu'il a
forcés par ses fourberies, menaces et violences ordinaires à
dire comme il a voulu, et cela après que ledit Sieur Gouverneur
ait refusé quelques jours auparavant le témoignage de Louis
Le Nègre en faveur dudit Sieur FIRELIN pour le nombre des coups
de bâton que ledit Sieur Gouverneur avait donnés audit FIRELIN,
disant que les nègres n'étaient pas reçus à témoignages contre
des blancs, quoique ledit Louis le Nègre soit âgé de 40 ans
ou environ et estimé généralement de tout le monde ainsi
que l'a rapporté Pierre LESUR, taillandier, engagé de Messieurs
de la Compagnie par la déposition qu'il a faite d'avoir vu ledit
Sieur Gouverneur donner trois coups de bâton audit FIRELIN
en faisant son devoir dans ledit magasin, quoique ledit Sieur
Gouverneur n'ait fait marquer que d'avoir donné un coup
en ladite déposition, se prévalant par ses fourberies et sa
mauvaise foi de ce que ledit LESUR, taillandier, ne savait ni lire
ni écrire, et lui a fait faire sa marque au bas de ladite déposition,
comme on le voit dans ladite déposition, et ayant été dit audit
Sieur Gouverneur que Henri BROCUS n'avait pas mérité ce
châtiment, ledit Sieur Gouverneur avait répondu que s'il ne
l'avait pas mérité, cela donnerait au moins de la terreur aux
habitants dont il voulait faire pendre quelques-uns; avait
encore le 25 de ce mois, fête de la Présentation de la te Vierge,
menacé ledit FIRELIN de prendre garde à soi, et que lorsqu'il
y penserait le moins, son procès serait fait; avait aussi
envoyé toutes les nuits son monde armé courir les habitations
du Quartier de St Denis , qui entraient tout de nuit et à l'improviste
dans les cases où ils fouillaient de tous les côtés, feignant
de chercher trois nègres qui étaient en fuite, quoique ils
sussent qu'en cette Ile, on ne donnait aucune entrée aux nègres
dans les cases; toutes lesquelles susdites causes et autres
avaient jeté une telle épouvante et causé une telle alarme
parmi le peuple qu'on en parlait que d'abandonner les cases
pour s'enfuir dans les montagnes où sans doute beaucoup
d'eux fussent morts de chagrin, de misère ou de maladie,
ce qui aurait fourni un prétexte spécieux audit Sieur Gouverneur
de piller leurs cases et les brûler, et d'envoyer tirer sur eux
ou pendre pour les faires pendre selon ses menaces ordinaires.
Moi donc, voyant ces misères et entendant leurs plaintes,
et leurs desseins de s'enfuir, et considérant les désordres
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que cela causerait dans l'Ile et au sujet de Sa Majesté,
j'ai cru qu'il le fallait mettre au cachot pour conserver l'Ile
au Roi, que Dieu conserve et bénisse en tout et partout,
et pour aussi mettre leurs biens et nos vies en sûreté de ses
mauvais desseins, de ses violences et des menaces qu'il faisait
continuellement aux habitants, leur disant qu'ils avaient
tous mérité la mort; à ces causes, j'ordonnai audit
FIRELIN, aux ouvriers et auxdits habitants des Quartiers de St
Denis et de Ste Suzanne de s'en saisir sur ma parole et
leur marquai pour cet effet le jour et la manière qu'il
fallait tenir en cette entreprise pour empêcher tous désordres,
violences et effusions de sang, ce qui a réussi, grâce à Dieu,
ainsi que je le souhaitais, en foi de quoi j'ai soussigné
le présent avec le susdit FIRELIN, les ouvriers et les
habitants des Quartiers de St-Denis et de Ste-Suzanne et
aussi les habitants du Quartier de St-Paul qui ont approuvé
l'arrêt dudit Sieur Gouverneur et ont signé.
F. Hyacinthe de Quimper, capucin missionnaire et curé de l'Ile Bourbon
FIRELIN J. LAURET Robert DU HAL
Pierre GONNEAU Jacques RIVIÈRE Jacques BARRIÈRE
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