Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
Jullien LEPINÉ
2.015
Déclaration faite par Jullien LEPINÉ natif
de la paroisse de Ste Croix à Nantes & âgé d'environ
dix huit ans Contre Monsieur Habert de VAUBOULON
Gouverneur de l'Isle Bourbon
Du 7 décembre 1690
Disant que Monsieur de CHAUVIGNY l'auroit engagé
au dit Nantes pour venir en cette isle le Sieur luy ayant
promis de le faire repasser au premier navire et
sur le pied de vingt écus par année et entretenu
de tous et estant arrivé en la dite isle Monsieur le Gouverneur
l'auvoit retenu le faisant servir comme un esclave
n'ayant pas voullu luy permettre de s'en retourner
avec le dit Sieur de CHAUVIGNY son maistre et n'ayant reçu
aucune chose d'eux, comme aussi le dit Sieur Gouverneur se
seroit mis en pocession de tous, réduisant tout le monde
comme des esclaves ne voullant entendre aucune raison
de personne disant que tous estoient des bestes ce qu'ils
n'auroient pas l'esprit de luy répondre,
Déclare de plus le dit Sieur LEPINÉ avoir connaissance que
le dit Sieur Gouverneur avoit pris plusieurs sommes
d'argent aux habitans pour leurs habitations, en
ayant mesme fait mettre plusieurs dans le cachot
défendant à tout le monde de ne leur rien porter à manger
les traittant de coquins de fripons et de misérables
disant qu'il les feroit tous pendre et qu'ils avoient
tous méritté la mort
Déclare de plus le dit LEPINÉ que le dit sieur de CHAUVIGNY luy
auvoit fait porter cinq fois une cave de neuf flacons
dans le cellier, l'ayant fait remplir d'eau de vie de la
Compagnie par le Sieur BIDON qui perçoit les barriques
par dessous la barre en faisant boire à tout le monde fermant
la porte sur eux, en l'absence du Commis de la Compagnie
que quand ils le voyaient venir ils faisoient semblant
de tirer du vin, le dit déclarant ayant donné une calbasse
derrière le logis plaine d'eau de vie que le dit Sieur BIDON
avoit cachée
marque X du dit
Jullien LEPINÉ
2.016
Déclare de plus le dit Jullien LEPINÉ avoir appris que
le dit sieur Gouverneur avoit donné des coups de canne au
Commis de la Compagnie dans le magasin et qu'il luy
avoit entendu dire à table que le dit Commis n'avoit
qu'à s'aller faire pendre disant que c'estoit un coquin
et un fripon et qu'il estoit bien faché de ne l'avoir
pas mis dans le cachot pour cet effet ne faisant semblant de rien
Déclare de plus le dit déposant que le dit Sieur Gouverneur
l'avoit maltraitté plusieurs fois de coups de baston
l'ayant fait mettre au cachot par deux fois les fers
aux pieds disant qu'il le fairoit attacher au
carquan par les nègres aimant mieux un chien
Que luy avec des menaces continuelles de le faire
pendre ou tuer ou casser les bras et les jambes
pour la moindre chose,
Déclare de plus avoir vu Monsieur le Gouverneur avec son
fusil prêt à tirer sur François MUSSARD habitant
de Sainct Paul lequel voullant fuir d'auprès de
lui pour esvitter ses violences et le fit arretter par
le dit déposant et autres et le fit mettre au cachot
Déclare de plus que le dit Sieur Gouverneur n'avoit pas
voullu donner des vivres aux ouvriers de la Compagnie
et que quand ils luy en alloient demander ils les
menacoit de les faire pendre ou les faire
mal traitter
Déclare de plus avoir entendu crier le dit Sieur Gouverneur
Contre le dit Commis de la Compagnie en l'interrogeant
Déclare de plus le dit LEPINÉ avoir vu prendre
Par Monsieur de CHAUVIGNY 40 ou 50 pots d'eau de vie
A la femme de Jacques Henry charpentier de
cette Compagnie et en l'absence du dit
Commis
Marque X du dit
Jullien LEPINÉ
2.017
Déclare de plus le dit Jullien LEPINÉ que le dit
Gouverneur avoit condamné Henry BROCUS habitant
de Ste Suzanne de faire amende honorable à la porte
de l'Eglise la corde au col et un escripteau devant
luy et ensuite conduit au carquan sur le rapport
de sa négresse et d'un petit nègre d'environ dix ans
que le dit Sieur Gouverneur avoit fait rougir une barre
de fer pour brusler les pieds du petit nègre pour
lui faire souttenir ce qu'il avoit dit au dit BROCUS
et que le dit Sieur Gouverneur avoit pris auparavant tous
ce que le dit BROCUS avoit dans son habitation jusque
à un chapelet de cristal que sa femme avoit.
Déclare de plus que le dit LEPINÉ que le dit Sieur Gouverneur avoit
menacé les habitants de ce quartier et le dit Commis
de la Compagnie pour avoit fait la prière le jour
de la présentation de la Sainte Vierge disant qu'à la
première chose qu'ils faisoient il les fairoit
chastier
Déclare de plus le dit Jullien LEPINE avoir vu le dit Sieur
de Chauvigny mettre l'épée à la main contre le Gouverneur
au Brésil ayant la dispute ensemble, ce une autre
fois icy dont le dit Sieur Gouverneur s'enferma dans sa
chambre, ce qui fit la dispute au dit Brésil estoit
que le dit Sieur Gouverneur n'avoit pas d'argent pour payer
la dépense qu'il avoit faitte.
Déclare de plus que pendant la traversée depuis
France jusque icy il avoit arrivé bien souvent
du désordre donc le dit Sieur Gouverneur estoit cause voulant
estre au dessus de tout, soufflant toujours aux oreilles
du Sieur DUBOYS Capitaine.
Déclare de plus avoit vu donner plusieurs marchandises
du magasin par le dit Sieur de CHAUVIGNY pendant
que le dit Commis estoit à St Paul après le naufrage
du navire le Saint Jean Baptiste
marque X du dit
Jullien LEPINÉ
2.018
Déclare de plus le dit Jullien LEPINÉ que chaque
fois que le dit Sieur de CHAUVIGNY alloit se promener
il envoyoit un petit baril ou des bouteilles plaines
de vin ou d'eau de vie de la Compagnie
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