Procès Vaubulon
Plaintes des habitants
Pierre HIBON
2.171
Déclaration faite par Pierre HYBON natif
de la ville de Calais en Picardie et âgé d'environ
47 ans, et habitant du quartier St
Paul, Ile Bourbon, contre Monsieur HABERT de VAUBOULON Gouverneur de la dite île.
Du 11 Janvier 1691
Disant que Sa Majesté ayant eu la bonté d'écrire une
lettre aux habitants par laquelle Elle leur marquait
qu'Elle voulait prendre soin d'eux et les soulager
leur envoyant pour cet effet le dit Sieur de VAUBOULON
pour leur Gouverneur, lequel bien loin de les soulager
aurait commencé par les piller en prenant d'eux
des sommes d'argent pour le fonds de leurs habitations
disant même que s'il avait fait son devoir il les
aurait fait passer tous au fil de l'épée et s'en serait
retourné en France et disant que leurs enfants
auraient dû égorger leur père.
Déclare de plus le dit HIBON qu'après que le dit Sr de VAUBOULON
fut dans l'île, tous les habitants le furent recevoir
avec toute honnêteté qui leur fut possible le
regardant comme envoyé de Sa Majesté et environ
un mois après, leur ordonna à tous d'aller prendre des
contrats de lui pour leur habitations disant qu'ils
n'avaient rien à eux en propre, à quoi ils obéirent
croyant que c'était les ordres de Sa Majesté, et le dit
déclarant l'ayant été sonner à St Denis lui remontra
que son habitation lui avait été donnée par Monsieur
de la HAYE, Vice-roi des Indes, à quoi le dit Sieur de VAUBOULON
ne voulut rien entendre disant que ce n'était qu'un
foireux et qu'il n'en avait pas pouvoir, et après
plusieurs discours voyant qu'il ne pourrait avoir
aucune raison s'il ne lui payait, la somme de
Signé Pierre HIBON
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quarante écus lui défendant de n'en parler à personne
et le dit déclarant se voyant ainsi forcé fut contraint
de lui accorder la dite somme qu'il a payée à St Paul
entre les mains du Sieur BIDON son secrétaire lequel
ne voulut donner aucun reçu du dit argent ainsi
qu'il dit que le dit Sieur de VAUBOULON lui avait
défendu de donner de reçu, et après, le dit Sieur de
VAUBOULON lui donna un contrat de sa dite habitation
lui disant qu'il paierait seulement une petite
redevance par an pour reconnaissance à son Prince
et après que le dit déclarant fut chez lui il lut
son dit contrat où il fut bien surpris de voir qu'il
lui faisait payer tous les ans deux cents livres
de blé, douze volailles, et dix livres d'aloès pour la
rente, sur quoi le dit déclarant retourna au St Denis
pour représenter au dit Sieur Gouverneur qu'il ne pourrait pas
lui payer la rente qu'il avait mise dans son contrat
sur quoi, le dit sieur de VAUBOULON lui demanda ce qu'il
avait encore à lui donner pour lui diminuer sa rente,
lui disant qu'il fallait qu'il lui donnât encore
trente écus, dont le dit déclarant le pria de faire
par charité pour ses enfants, et le dit Sieur de VAUBOULON
répondit qu'il n'avait point de charité, et après
le dit déclarant sortir de sa chambre, et après Monsieur
de CHAUVIGNY l'appela qui lui demanda ce qu'il avait,
lequel lui raconta ce que le dit Sieur Gouverneur lui
demandait encore, sur quoi le dit Sieur de CHAUVIGNY lui
dit de lui donner vingt écus et qu'il ne paierait
qu'une douzaine de volailles pour toute rente à quoi
le dit déclarant s'accorda, et quelque temps après envoya
sa femme au dit St Denis lui porter les vingt écus
et retirer son dit contrat, et après qu'elle fut de retour
le dit déclarant vit qu'il avait mis cent livres de blé
sur son contrat avec une douzaine de volailles, ce qui
fait voir que le dit Sieur de VAUBOULON et de CHAUVIGNY
s'entendaient bien ensemble attrapant chacun de leur côté.
Signé Pierre HIBON
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Déclare de plus le dit Pierre HYBON a eu connaissance
que le Sieur de CHAUVIGNY était fort libre de faire boire
tous ceux qui allaient dans sa chambre, l'eau de vie
étant fort commune aussi bien que le vin et que
le dit Sieur de CHAUVIGNY vendait des marchandises
du magasin aux habitants en l'absence du Commis
qui était à St Paul après le naufrage du navire
le St Jean Baptiste, et que le dit Sieur de VAUBOULON
ne faisait que chercher à attraper les dits habitants
par des manières de chicanes et n'entendant que
parler de menaces ce qui olbligea ledit déclarant de
mettre ses hardes en garde chez le R.P. HYACINTHE,
Capucin
Déclare de plus le dit Pierre HYBON avoir entendu dire
au dit Sieur de VAUBOULON un soir après souper, étant dans
un canot que les habitants de St Denis avaient
emmené devant sa porte pour l'achever, lequel
dit en présence du Sieur FINCK pilote LE MESUREUR,
second chirurgien du St Jean Baptiste, qu'il ne
faisait pas toujours la guerre aux habitants
et qu'il ferait la paix avec eux, et que au bout
de trois ans le Roi enverrait un autre Gouverneur
et que quand il viendrait à terre dans la chaloupe
il le noierait et lui demeurerait toujours
à les gouverner.
Déclare de plus qu'étant à travailler au dit St Denis à faire
un magasin pour la Compagnie avec le nommé
Gilles DUGAIN dont le dit Sieur de VAULOULON allait le plus
souvent les voir travailler, les faisant enrager voulant
leur faire faire le contraire de ce qu'il fallait avec
des injures et levant la canne pour les frapper
disant qu'il ne voulait pas qu'on lui résistât
ne se connaissant nullement aux travaux
Signé Pierre HIBON
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Déclare de plus le dit Pierre HYBON qu'après avoir fait
le magasin de la Compagnie et une cuisine le dit Sieur
de VAUBOULON ne lui a pas rendu justice pour son
paiement en retenant le tiers de ses journées pour
sa nourriture quoique sa femme lui eût envoyé
des vivres de chez lui, et le dit Sieur Gouverneur ne voulant
rien entendre à cela, le menaça disant qu'il lui
faisait mal passer son temps et qu'il s'en repentirait
et ainsi fut obligé de lui accorder cinq sols par jour
qui est une chose bien injuste.
Déclare de plus avoir appris à St Denis que le dit Sieur de
VAUBOULON avait maltraité le Sieur FIRELIN dans
le magasin de la Compagnie, lequel fut obligé de
s'en aller à Ste Suzanne et après qu'il fut de retour
avec le R.P. HYACINTHE, capucin, il fut avec les
ouvriers de la dite Compagnie trouver le dit Sieur de VAUBOULON
lequel renvoya les dits ouvriers et interrogea le dit
Commis dans sa chambre, ainsi que le dit déclarant
entendit parler fort haut de temps à autre et
quand le R.P. HYACINTHE eut sonné la messe, le dit Sieur
de VAUBOULON fit avertir tout le monde d'aller entendre
la messe quoiqu'il n'était pas fête, et ainsi le dit Sieur
de VAUBOULON tint le dit Commis dans sa chambre
depuis le matin jusqu'à midi ce qui donna bien
de l'inquiétude au R.P. HYACINTHE, capucin.
Déclare de plus avoir vu faire faire amende honorable
à Henry BROCUS habitant de Ste Suzanne la corde au col
avec un écriteau devant lui et attaché au carcan
par le bourreau, sur le rapport de sa négresse et d'un
petit nègre d'environ dix ans, ce qui donna bien
de la terreur aux dits habitants de se voir ainsi maltraités
Signé Pierre HIBON
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Déclare de plus le dit Pierre HYBON que les habitants
voyant qu'ils ne pourraient subsister ni même rien
fournir aux navires quand il en viendra dans l'île
étant obligés de manger si peu qu'ils avaient dans
leurs habitations, et ainsi furent obligés de présenter
une requête au dit Sieur de VAUBOULON pour avoir quelque
permission de chasser à quoi il ne voulut rien
entendre ne voulant qu'on lui fît aucune
remontrance, leur défendant même de se plaindre
Signé Pierre HIBON
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