Procès Vaubulon
Brouillons de lettre du gouverneur VAUBOULON à la Compagnie
Dans la séquences de brouillons de lettres les passages indiqués [...........] signalent des parties de textes non déchiffrés.
Les passages biffés le sont dans le documents d'origine.
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Il semblait que je prévoyais ce qui arriverait à l'égard
des capucins que vous avez fait nommer pour cette Ile
et que non seulement ils voudraient vivre à leur manière
qui est en tout particulière, sans faire aucune fonction
de missionnaire, mais encore qu'ils voudraient faire
toutes choses selon leur caprice et indépendamment
de moi ; je ne vous ai que trop parlé du P.
Hyacinthe, de l'envie qu'il a eue de nous quitter au Brésil,
et du mystère qu'il y eut de lui faire achever son voyage.
Je ne vous ai que trop parlé de son ignorance
qui est telle qu'il ne peut qu'à peine lire, bien loin
de parler au public et de, d'enseigner et prêcher.
Je n'ai pu même empêcher le sobriquet qu'on lui a
donné, qui est "desorteque", parce qu'effectivement,
dans sa conversation, xxxxxxxx, il ne peut dire deux
mots que le troisième ne soit " de sorte que ".
Il a eu une telle passion de demeurer à St-Paul
que il n'est venu qu'une seule fois à Ste-Suzanne.
Il a fait beaucoup valoir ce voyage, je demeure
d'accord que les chemins sont fort rudes, mais
lui ayant voulu dire qu'on ne lui avait fait faire
que dans la nécessité d'annoncer au peuple
une espèce d'amnistie que je leur avais donnée et
de leur faire demander pardon à Dieu de tous les
crimes dont ils étaient atteints, et convaincus,
et pour les entendre en confession, même les
obliger à se réconcilier ensemble , ayant vécu
toujours en ennemis et prêts de se xxxxxxxxx, je lui dis que
dorénavant je ne l'appellerai que dans des
pressantes nécessités, sur quoi il me répondit
qu'il n'y reviendrait plus et qu'il n'était pas
mon esclave, pour aller et venir selon ma
fantaisie ; je lui répondis doucement : " Quoi, mon
Père, si le prêtre qui est ici était malade,
vous nous abandonneriez ?" Il me répondit : "conservez-le,
pour moi je veux me conserver et vivre
dans notre maison sans dépendre que de mes
supérieurs". Je lui dis :"mais mon Père, ne voyez-
vous pas que dans des cas de nécessité, vous ne
me deviez pas regarder comme tel ?" Il me dit
qu'il quitterait plutôt son habit que de dépendre
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d'un laïc. Je lui dis :" mais mon Père, ne dépendez-
vous pas du Roi et de Ses ordres ? " Il eut de la peine
à me répondre, et il dit que le Roi ne se
mêlait pas des Religieux, et que jusqu'à cette heure,
il l'avait laissé en repos. Je lui demandai s'il n'était
pas dans l'Ile par ordre du Roi, il éleva beaucoup
la voix et s'emporta, me disant qu'à la vérité, le Roi
y avait quelque part, mais que sa mission venait
de son Provincial. Je lui demandai si ce n'était pas
le Roi qui lui fournissait de quoi vivre dans l'Ile,
il me répondit qu'il s'en passerait bien. Je lui demandai
s'il ne voulait pas se reconnaître et parler plus bas,
que je lui ferais voir mes ordres, il témoigna que
je lui ferais plaisir, afin qu'il sût où s'en tenir. Je lui
lus l'article qui le concernait, il l'expliqua
selon son emportement, et s'en alla toujours criant
qu'il n'obéirait jamais à un laïc et qu'il écrirait
en France et qu'il serait mieux cru que moi. Son
emportement fut si grand qu'il partit pour s'en
retourner à St-Paul sans vouloir dîner et n'ayant
pris qu'un verre de vin que je lui avais versé de
ma propre main.
Le matin même il emporta la clé de la chapelle.
Voilà la pure vérité, Dieu
qui vit et entend tout sait que je n'ajoute ni ne
diminue.
Il ne sait aucun chant d' église, et ce peuple se plairait
à psalmodier et à chanter à la grande messe; il est
trop âgé pour fournir aux fatigues d'une mission
si pénible, et il aime trop son particulier pour
être xxxxxxxxxxxxxxxxxxx tout à tous. D'ailleurs il est
sujet à l'inspiration, croit que tous les pensées et desseins
qui lui viennent ce sont des mouvements du Saint-Esprit contre
lesquels il n'écoute point de raison, véritablement il se
vante d'avoir de savoir parfaitement l'arabe, je le veux
croire, et que même cette langue lui fait oublier la
sienne.
De temps à autre, il dit qu'il a oublié a quitté ses parents, son
pays et son couvent, qu'il est bien malheureux de s'être...
trompé et d'être venu où il trouve tout le contraire
de ce qu'on lui avait dit.
A l'égard du frère, il a plus l'esprit du Monde, il est
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de tous métiers, médecin et apothicaire, même il se mêle
de panser les blessés, il voit tout le monde, et partant,
il y fait établit sa besace. Il se tient assez couvert,
je ne sais si cela durera; le Père lui fait faire le
catéchisme aux enfants tant il s'en connaît incapable.
Jugez de la misère où nous sommes, puisqu'il faut que
nos mystères les plus relevés dépendent d'un homme qui ne
s'y entend pas. Je n'ai pourtant pas voulu lui défendre,
mais je l'ai prié de ne s'embarrasser pas trop à les
expliquer, et de suivre seulement les termes du
catéchisme, et de se contenter que les enfants l'apprennent
par coeur, qu'un autre temps viendra pour leur
apprendre par raison. Il eut assez de peine à goûter
ce que je lui dis, parce qu'il a bonne opinion de sa
personne, et là il faut prendre quelques lignes rayées au bas de
la page ci-derrière.
J'ai été encore bien heureux de ce que Dieu n'a pas permis que le feu
Père Bernardin n'est pas arrivé ici, il m'eût encore plus fait
de peine, c'était un esprit factieux, il était turbulent et emporté
qui avait partagé
l'Ile, et j'ai trouvé des habitants qu'on eût eu peine de retenir
tant ils étaient irrités contre lui; il ne gardait aucune mesure,
il troublait tout ordre ou pour mieux, il n'en connaissait point
selon son caprice. Il élevait les uns et dégradait les autres.
Il battait et blessait même, je n'eusse jamais cru qu'un
homme de sa profession eût été capable de ce qu'il a fait.
Il distribuait ici les marchandises de la Compagnie à son
gré et à qui bon lui semblait sans quelquefois les faire
payer que pour en retirer le prix, puis il disait que si
on lui demandait compte un jour, que pour toute
réponse il enfoncerait sa tête dans son capuron froc et
retournerait dans son couvent et se moquerait ainsi
de tout. Je ne sais quel compte on vous a rendu par le passé,
mais je suis assuré que de toutes les marchandises que nous avons
débarquées en état d'être vendues vous n'avez perdu rien sauf enxx
Je m'en fais xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx [.............]
que vous perdez assez d'ailleurs par la faute d'un jurogne +++
Ce n'est pas que plusieurs quincailleries n'aient été entièrement
gâtées et perdues, mais c'est la faute de ceux qui les ont
embarquées, qui n'ont pas eu soin de les bien placer, ce qui a
causé que nous les avons trouvées toutes rouillées, en sorte que
j'en ai voulu faire nettoyer , tout s'est trouvé mangé et
consommé de la rouille, grands et petits couteaux, aiguilles
et épingles, et ainsi du reste.
[.....] j'ai voulu pénétrer et savoir quel compte on vous avait
* de ce que vous aviez envoyé pour garnir le magasin,
* le commis et habitants m'ont dit que ses commandants en avaient
* papier déchiré
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disposé à leur volonté, et que MM d' ORGERET et FLORIMOND *
en avaient payé les habitants qui avaient travaillé pour le
Roi J'ai demandé quels sont et en avaient mis une
partie dans leurs bourses. J'ai demandé quels travaux on avait faits,
on m'a dit que l'un avait fait détruire ce que l'autre
avait fait. J'ai demandé par quelle voie ces Messieurs
avaient quitté l'île, on m'a dit que M de FLORIMOND
avait hérité de M d' ORGERET, et que M de FLORIMOND
était mort dans l'Ile, et que c'était le P. Bernardin
qui avait hérité de tous les deux et qui avait emporté
le tout, que même c'était lui qui avait fait détruire
dit un logement qui était considérable à Ste-Suzanne
et qui avait beaucoup coûté [.................] Il n'y a pas
de quoi me retirer ce qui a fait que je n'ai pu me
résoudre d'y aller.
Car à l'égard de M DROUILLARD, il n'a fait que plumer les
habitants par des taxes qu'il leur faisait de temps à
autre payer, des quinze livres par tête, les mangeant
à être [..........................] et n'ayant jamais trouvé maison
ayant vendu armes, poudre, plomb, chaloupe et tout ce qui
restait dans le magasin. Il a encore beaucoup
profité avec un forban et avec les Portugais.
Il montra au Brésil plus de deux mille écus qu'il emportait,
se vanta d'en avoir envoyé beaucoup d'autres à St-Malo et ceux
du navire dans lequel il s'est embarqué [..............] mille
écus dont il fit voir le billet.
NDT : 12 lignes illisibles barrées en travers.
Il me semble, Messieurs, que j'ai assez bien rempli votre attente,
bien malheureux si quelque chose m'échappe, mais
dans les différents endroits que ( j'assure ? ) je crois que
j'aurai satisfait à tout ce que vous attendez pouvez souhaiter de moi, je n'ai
osé écrire de toutes nos choses à M de SERQUIGNY. Je
suis assez convaincu que vous lui diriez mieux que moi.
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