En préambule je veux remercier Mr Roger DUMOLLARD qui m'a autoriser à copier, in extenso, ci-dessous l'ouvrage que l'association CONNAISSANCE de CHALLES-LES-EAUX et de ses ENVIRONS , dont il est président, à publié en 1996 "A LA MEMOIRE DES 19 OTAGES DU VALROMEY FUSILLES A CHALLES LES EAUX LE 20 JUIN 1944"
Les recherches, la rédaction et les photographies ont été réalisées par les soins de Messieurs Roger DUMOLLARD et Henri PESLIER de "Connaissance de CHALLES LES EAUX et de ses environs", ainsi que de Monsieur Maurice DUBREUIL secrétaire du "Comité cantonal du Souvenir Français" de LA RAVOIRE. Le traitement de texte et la présentation ont été pris on charge par Madame Sylvie MOLINARO, à titre personnel. Certains renseignements proviennent de "Le VALROMEY dans la guerre - L'incendie de ST MAURICE - 15 juin 1944", ouvrage écrit par Monsieur Louis DOUILLET et de "Le VALROMEY en scène" du même auteur. Enfin nous remercions chaleureusement pour sa contribution financière, "Le Souvenir Français", représenté par Monsieur le Colonel Marcel BELLEMIN et par son adjoint Monsieur Michel ARNAUD, au niveau du département de la SAVOIE et de Monsieur Gérard EULITZ, président du Comité du canton de LA RAVOIRE.
INTRODUCTION
Le 20juin1944, 19 personnes étaient fusillées par les Allemands au lieu-dit LES ROCHETTES" sur la commune de CHALLES-LES-EAUX, en limite avec celle de BARBY. Le but de cette plaquette est de retracer l'histoire de ce massacre, afin que le souvenir de ce drame ne s'efface pas avec le temps. Mais, depuis, plus d'un demi-siècle s'est écoulé. La tâche n'a donc pas été très facile du fait de la disparition de nombreuses personnes, et de la difficulté, bien compréhensible pour chacun, de retrouver les faits au fond de sa mémoire. Cependant nous avons pu recueillir des térmoignages et des renseignements importants et intéressants qui permettent de retrouver le fil des évèrements. Nous avons pris le parti de ne pas faire un récit d'un seul tenant, mais de laisser au lecteur le soin de le bâtir, comme les pièces d'un puzzle, au fur et à mesure de la lecture des différentes déclarations. Nous remercions celles et ceux qui ont bien voulu nous aider et que nous citons plus loin, ainsi que les représentants de la résistance de l'AIN, Messieurs Rayrnond JUILLET, actuel Maire de CHAMPAGNE en VALROMEY, Président de l'amicale des résistants du VALROMEY, Louis DOUILLET, son secrétaire, Georges BOBILLON, son trésorier et Robert DURAND, son porte-drapeau, sans oublier l'infatiguable Henri REVEL, président de l'Amicale des Anciens de l'Armée Secrète de BARBY.
CAUSES DE LA PRISE D'OTAGES
LA SITUATION SUR LE TERRAIN Le secteur concerné du département de l'AIN est délimité grossièrement à l'est et au sud par le RHÔNE, à l'ouest par la rivière l'AIN et au nord par la région de NANTUA. Géographiquernent, c'est le sud du JURA, donc constitué de montagnes moyennes, dont les chaines parallèles orientées nord-sud, boisées, ne sont pas toujours d'un accès facile. De nombreux villages s'y trouvent néanmoins. C'est de cette situation favorable dont ont profité le maquis de l'AIN. Certains résistants formaient de véritables camps sur les hauts plateaux, tandis que d'autres étaient immergés dans la population, les uns aidant les autres pour ce qui était de l'armement et du ravitaillement. Dans ce contexte, le VALROMEY et les cantons limitrophes d'HAUTEVILLE et de VIRIEU-LE-GRAND nous intéressent plus particulièrement, puisque les malheureux fusillés de CHALLES-LES-EAUX en étaient originaires. C'est un secteur drainé par la rivière SERAN, limité à l'ouest par la CLUSE DES HOPITAUX et le PLATEAU D'HAUTEVILLE, à l'est par la montagne du GRAND COLOMBIER, avec tous les atouts décrits précédemment. L'ACTIVITE RESISTANTE Elle s'organise surtout à partir du début de l'année 1943, après l'occupation de la "ZONE LIBRE" par les Allemands en novembre 1942 et l'institution du servicedu travail obligatoire en ALLEMAGNE (S.T.O.) La situation se durcit à partir du début de l'année 1944. Le 2 février un accrochage sévère a lieu à RUFFIEU entre un convoi allemand et les maquisards ce qui déclenche, 3 jours après, une opération de représailles menée par des étérnents des 98ème, 99ème et 100ème bataillons de la 157ème division d'infanterie de montagne de réserve de CHAMBERY. Pendant une dizaine de jours, rafles et déportations se succèdent. Le 6 juin c'est le débarquement en NORMANDIE et le 8 l'ordre d'insurrection générale donné par LONDRES. Des centaines de personnes rallient le maquis. Les routes sont coupées, les voies ferrées ainsi que les lignes téléphoniques sont sabotées. Le 13 les mêmes troupes allemandes reviennent encore une dizaine de jours. Des combats furieux ont lieu comme par exemple au col de LA LEBE où le village de ST MAURICE est incendié. Le pont ferroviaire de MARLIEU, sur la commune de TALLISIEU, saute. Cette fois les Allemands n'ont plus le temps de déporter, ils fusillent. C'est là que se situe l'épisode des 19 martyrs de CHALLES LES EAUX. Les Allemands, excédés par les actions des résistants, firent plusieurs incursions dans le région, particulièrement à CONTREVOZ où le 19 juin, ils effectuèrent une rafle au cours de laquelle de nombreuses personnes ont été arrêtées et regroupées, dans un premier temps, à l'école d'ARTEMARE. Monsieur PACOT, Maire de CONTREVOZ, alerta le Sous-préfet de BELLEY. Ils se rendirent ensemble au quartier général allemand à ARTEMARE pour négocier la libération des détenus. Après avoir subi interrogatoires et identifications, certains sont relachés. Dix-neuf personnes sont retenues et enfermées dans la cave d'une maison proche, en attendent d'être emmenées par les troupes de représailles basées dans la région chambérienne. On peut supposer que ces personnes furent interrogées par la Gestapo à CHAMBERY, puis qu'elles prirent le chemin de CHALLES LES EAUX pour être exécutées en début de soirée, le 20juin. Les maquis sont désorganisés, mais ils se reformeront en juillet, ce qui motivera une troisième incursion des occupants, toujours d'une dizaine de jours, avec des conséquences semblables.
Les témoignages qui suivent permettent de se faire une idée de l'atmosphère de l'époque et surtout d'essayer de reconstituer, au plus près, 1e déroulement des événements, même si leur concordance est parfois déficiente du fait des années écoulées. Is sont donnés sous la responsabilité de leurs auteurs.
TÉMOIGNAGES ET RENSEIGNEMENTS
M. ET Mme Emile HEUREUX (habitant actuellement BELLEY) ACCROCHAGE DE PREVEYZIEU DU 13JUIN 1944 COMMUNE DE CONTREVOZ (AIN)
Le groupe de LAGNIEU du Maquis de l'AIN avait attaqué les positions allemandes sur le pont DE SAULT-BRENAZ et rejoignait en soirée son campement sur le plateau d'HAUTEVILLE. L'itnéraire par ORDONNAZ est imposé du fait de la destruction du pont sur la voie ferrée entre LA BURBANCHE et LES HOPITAUX, puis CONTREVOZ, VIRIEU LE GRAND, LUTHEZIEU. Au passage à ORDONNAZ, une partie du groupe, 4 maquisards, reste à l'école qui est utilisée comme relais. Le reste du groupe repart en camion en directon de CONTREVOZ par PREVEYZIEU pour y passer la nuit. Vers 22 H 00, un camion rempli d'Allarnends en armes stoppe devant l'éc.ole Un Allemand se dirige vers l'école ou 8 maquisards stationnent et pas d'issue de secours. MARTINET, un des 8, va au devant sans arme et détourne sa vigilance en lui demandant du tabac. L'Allemand était descendu du camion pour se renseigner sur la direction de CONTREVOZ. Après renseignement, le camion part en direction de PREVEYZIEU. A l'école, après la frayeur, c'est la consternation, car pas de moyen pour informer les copains de l'arrivée des Allemands! L'accrochage a lieu à l'entrée de PREVEYZTEU avec les sentinelles: - MAZZIA est touché par deux balles, une qui ricoche sur son arme à la ceinture, l'autre lui traverse les poumons. - SISABURO, une balle se loge dans la poitrine, près du coeur. - DUPONTse casse une cheville en se repliant. - LARRAZINO est touché mortellement. - Les Allemands se replient avec plusieurs morts et blessés. Les maquisards blessés seront cachés dans PREVEYZIEU toute la journée. Le docteur SPEKLIN (alsacien d'origine), chirurgien à l'hopital de BELLEY, viendra les soigner en soirée, et les hospitaliser à l'hôpital de BELIEY dans le service réservé aux détenus. Tous les blessés s'en sortiront. Mme HEUREUX (Mlle GIRARD an 1944) était l'institutrice d'ORDONNAZ et habitait l'école. Mr HEUREUX faisait partie des a maquisards qui stationnaient à l'école d'ORDONNAZ le soir de l'accrochage.
M. Ramon SANTOS LES ESPAGNOLS DE PREVEYZIEU COMMUNE DE CONTREVOZ (AIN)
En 1944, une quarantaine d'Espagnols habitaient PREVEYZIEU ils étaient employés à l'abattage du bois par l'entepnse ROMEGGIO de BELLEY. Sept d'entre eux ont été fusillés parles Allemands le 20 juin 1944 au Iîeu dit "LES ROCHETTES" à CHALLES LES EAUX. En mai 1995, Monsieur Ramon SANTOS qui faisait partie de ce groupe d'Espagnols rapporte les faits suivants. "Ce jour-là, j'étais allé cherher de l'eau sur la place, j'ai entendu le bruit des bottes allemandes. Les Allemands voulaient m'emmener à pied prendre le camion à CONTREVOZ mais j'ai montré mes sabots et une blessure au mollet en disant que J'avais été blessé en ESPAGNE quand j'étais dans l'armée de FRANCO. En fait je passais à MALAGA pour rentrer chez les Républicains contre FRANCO. Ce mensonge m'a sauvé." Les Allemands (Gestapo) ont emmené sept Espagnols à pied de PREVEYZIEU à CONTREVOZ puis les ont transportés à ARTEMARE. Ces ouviers espagnols ont été dénoncés par une personne qui a été condamnée à mort et fusillé par le maquis, à la libération, à proximité du cirnetière de CONTREVOZ.
Madame Suzanne MICHON CHAZEY-BONS SOUVENIR DU 19 JUIN 1944
Dans la matinée du 19 juin 1944, les Allemands ont arrêté vingt personnes maquisards pour la plupart. Il les ont obligé à se mettre à genoux sur la place de VIRIEU LE GRAND; témoins impuissants, nous avons cru qu'ils allaient les fusiller là. Finalement, ils les ont conduits à ARTEMAPE où se trouvait la Kommandantur et enfermés dans une cave au centre du village, route de CULOZ. Ce même jour, mon père, Monsieur Antonin FOLLIET, Maire de VIRIEU LE GRAND a été arrêté alors qu'il était chez le coiffeur et conduit également à ARTEMARE où il a rejoint les malheureux prisonniers dans la sinistre cave. Là, il a reconnu plusieurs d'entr'eux, notamment Jean GUY qui était gendarme à V!RIEU. Il a compris alors la cause de son arrestation. En effet les Allemands l'avaient prévenu, alors qu'ils cherchaient les gendarmes qui n'étaient plus à VIRIEU, que s'ils en arrêtaient un au maquis, il en supporterait les conséquences. Il reconnu aussi un brave homme de VIRIEU, Antoine BELOTTI, que l'on appelait Tony d'origine italienne il partait très mal le français et était d'un certain âge. Ce malheureux travaillait dans son champ, route de Lyon, quand les Allemands l'arrêtèrent; ils avaient, parait-il, trouvé dans ce champ, une boite de conserve anglaise. Mon père nous a dit avec beaucoup d'émotion que ces pauvres garçons avaient été "interrogés très brutalement". Il a toujours été très discret sur ce qu'il avait vu exactement, par égard pour les familles. Nous étions sans téléphone, sans moyen de transport, aussi je partis à bicyclette à BELLEY pour prévenir Monsieur SEYRIEX, Sous-Préfet, qui se rendit immédiatement à ARTEMARE accompagné d'un cornmissaire de police qui parlait allemand. Après de longues heures de discussion avec les chefs allemands, il a pu faire libérer mon père. Peu de temps après l'arrestation de papa, arrivait à la maison, Monsieur BARRIER de ROSSILLON, un ami. Il trouva, bien sûr, maman très bouleversée et apprit ce qui venait de se passer. "Et moi, dit-il qui venait chercher mon ami Antonin pour qu'il m'accompagne à la Kommandantur pour me disculper car les Allemands m'accusent de faire partie du maquis." Puis il partit, seul, chez les Allemands. Maman s'est reprochée bien souvent de ne pas l'avoir supplié de ne pas y aller. Dans la fameuse cave, mon père vit avec stupeur arriver Monsieur BARRIER. "Mais, lui dit-il que venez vous faire ici?" Un des otages, un monsieur d'HAUTEVILLE dont j'ai oublié le nom, avait été envoyé par les Allemands au P.C. des maquisards pour négocier la libération de deux officiers allemands et d'une femme qui avaient été arrêtés par les maquisards, alors qu'ils se promenaient en civil, à VIRIEU, près de la cascade de CLAIRE-FONTAINE, contre la libération des prisonniers d'ARTEMARE. Hélas, il était trop tard les pnsonniers allemands avaient été exécutés. Le parlementaire n'est bien sûr pas revenu. Tous les ans, tant que leur santé l'a permis, cet homme et mon père se rendaient, le 20juin, en pélérinage à CHALLES. Ce 20juin, où des témoins virent partir ces 19 martyrs dans un camion, attachés deux par deux et dos à dos et l'on sait le terrible dénouement. C'est le coeur serré que j'écris ces lignes, ces souvenirs restent si présents... Je reste à votre dispositon pour répondre à toutes les questions que vous voudrez me demander et avec ma famille nous nous associons à tout ce que vous faites pour que le souvenir de ces martyrs reste gravé dans les coeurs de ceux qui ont été témoins de cette période bien difficile et pour que les plus jeunes sachent ce que la France a vécu en cette période d'occupation.
Monsieur Robert DURAND RESISTANT DE VIRIEU LE PETIT IDENTITES DES OTAGES
Suite à notre entrevue du 20 octobre 1995 je vous communique les renseignements que j'ai pu recuellir concernant les 19 personnes fusillées le 20juin 1944 sur le territoire des communes de BARBY et de CHALLES LES EAUX (73), ces personnes résidaient toutes dans l'AIN. COMMUNE DE VIEU BERNARD Georges BERNINI Joseph PERSCH Roger Résistants capturés par les Allemands sur le territoire de la commune de TALISSIEU (01) le lendemain du sabotage du pont SNCF de MARLIEU, auquel ils avaient tous trois participé. COMMUNE d'HAUTEVILLE ARNOULD Alexis CLEARD Francis GUILLERMET Gabriel Ces résistants avaient pour mission d'aller récupérer des maquisards blessés au col de la LEBE, avec une ambulance. Ils ont été capturés au cours de cette mission. Gabriel GUILLERMET avait fait la guerre de 1914-18. COMMUNE DE THEZILLIEU BILLON André BILLON Georges Résistants capturés par les Allemands à "LA CROIX DU PIN" -Commune de VJRIEU LE GRAND. COMMUNE DE ROSSILLON BARRIER Joseph -> Résistant capturé par les Allemands sur le territoire de la Commune de VIRIEU LE GRAND. COMMUNE DE PUGIEU FERLET Marcel -> Réfractaire STO, capturé par les Allemands à son domicile- Il était muni d'une fausse carte d'identité. COMMUNE DE VIRIEU LE GRAND GUY Jean-Marie (gendarme) BELOTTI Antoine Résistants capturés par les Allemands à "LA CROIX DU PIN" commune de VIRIEU LE GRAND, en allant récupérer un blessé. COMMUNE DE CONTREVOZ CANOVAS-LARIOS José DOMINGOS-SANTOS Garcia MARTINEZ-RUIZ Antonio MEDINA-GONZALES Antonio OCANA-MEDINA José ORTEGUA-DOMINGUE Thomas SANZ-PENA Santiago Sept bûcherons Républicains Espagnols arretés par les Allemands sur le terniore de la commune de CONTREVOZ M. Robert DURAND VIRIEU LE PETIT, le 8 novembre1995.
Extrait du "MEMORIAL DE L'OPPRESSION" REGION RHONE-ALPES
VIEU - Au cours des opérations de juin, 3 habitants de la commune, MM. BERNARD Georges, 21 ans, BERNINI Joseph, 21 ans, PERSCH Roger, 24 ans, sont arrêtés et fusillés ultérieurement par les Allemands a CHALLES LES EAUX (Savoie). Rapport 146/2 du 01/07/44 du commandant de la compagnie de Gendarmerie de BOURG ARANC - Un habitant d'HAUTEVILLE, M. ARNOUX Alexis 17 ans, arrêté par les Allemands est fusillé le 20 juin à CHALLES LES EAUX (Savoie). P.V. 92 du 12/02/44 et 178 du 31/03/44 de la brigade de Gendarmerie d'HAUTEVILLE Enqête des 17/10/44, 04/11/44, 09/l2/44 du docteur GUEUGNON THEZILIEU -Le 16juin, CLEARD Francis, 38 ans, GUILLERMET Gabriel 47 ans, partis d'HAUTEVILLE, avec une ambulance, pour relever les corps de 2 camarades tués au combat, sont arrêtés par les Allemands au hameau de PONTHIEU, gardés comme otages à VIRIEU et à ARTEMARE. Avec les deux frères BILLON Charles, 23 ans, et André, 21 ans, faits prisonniers au combat de la veille, ils sont conduits à CHALLES LES EAUX (Savoie) et fusillés le 20 juin 1944. Enquête des 19/10/44, 03/06/44 et 26/11/44 du docteur GUEUGNON Enquête 269 du 17/01/45 du service départemental du Mémorial. AMBUTRIX -Le 11 juin 1944, trois habtants de la commune sont arrêtés. Deux n'ont jamais, depuis lors, donné de leurs nouvelles; le troisième, GUY Jean-Marie, 24 ans, gendarme, est fusillé par les Allemands à CHALLES LES EAUX, le 20 juin. Enquête 194 du 20/12/44 du service départemental du Mémorial. CONTREVOZ -Le 19 juin, vers 8 h., des troupes allemandes cernent le hameau de PREVEYZIEU. Après vérification des pièces d'identité, sept espagnols DOMINGO Santos Garcia, 60 ans, ORTEGA Dorningue-Thomas, 57 ans, OCAGA Médina-José, 57 ans,SANTIAGO San-Pegna, 27 ans, MARTINEZ Ruy-Antonio, 28 ans, MARTINEZ Gonzalès-Mèdina, 24 ans, CANOVAS Larios-José, 34 ans, bûcherons, rattachés au 128ème groupe de Travailleurs Etrangers d'AMBERIEU, sont emmenés et emprisonnés à ARTEMARE, puis, le lendemain, conduits avec d'autres otages, en direction de CHAMBERY. Ils sont fusillés à CHALLES LES EAUX,le 20 juin 1944. Enquête 2bis du 08/11/44 du Seervice départemental du Mémorial. PUGIEU - Le 19 juin 1944, vers 8 h 30. un détachement allemand de 100 hommes environ, cerne le hameau de CHAVILLIEU, perquisitionne dans toutes les maisons et bâtiments d'exploitation et arrête FERLET Marcel, 24 ans, permissionnaire prisonnier qui n'avait pas rejoint. Ce dernier est fusillé le lendemain à CHALLES LES EAUX. Enquête du 24/10/44 du docteur GUEUGNON. ROSSILLON - Le 20juin 1944, un habitant de ROSSILLON M. BARRIER Joseph, 54 ans, est fusillé par les Allemands à CHALLES LES EAUX(Savoie). Enquête du 23/10/44 du docteur GUEUGNON. VIRIEU LE GRAND - Le 17 juin, BELOTTI Antoine manoeuvre, de nationalité italienne, est arrêté et fusillé 1e 20 juin l944 à CHALLES LES EAUX. Lettre du 26/10/44 du Maire de VIRIEU LE GRAND.
M. Jean PACHOUD (15 ans en 1944) ST ALBAN LEYSSE
Le 20juin 1944, vers 18 heures, avec d'autres jeunes de mon âge, nous gardions les vaches, pas loin de la RN 6, à coté d'un chemin de terre qui reliait cette route à celle de BARBY dans la partie nord du terrain d'aviation. Un groupe de soldats allemands terminait un exercice dans les tranchées creusées dans ce même terrain. Alors un petit convoi, venant de la RN6, s'est engagé sur le chemin. Il était formé d'un camion DMA Peugeot cabine avancée, encadré devant et derrière, par deux véhicules légers, celui de tête étant une "Traction avant" Citroën. Il s'est arrêté vers nous. Un homme en manteau de cuir noir est descendu du premier véhicule et est allé discuter avec l'officier commandant les soldats à l'exercice. Tout de suite après, ceux-ci se sont mis à courir à travers l'aérodrome en direction de la route de BARBY, vers LES ROCHETTES. Ils paraissaient joyeux, certains criaient et faisaient tournoyer leurs armes. L'homme en noir s'est finalement approché de nous et nous a dit "partez, nous avons un sale travail à faire". Ceci dans un français impeccable, sans accent, ce qui me fit penser qu'il ne devait pas être Allemand. Nous lui avons répondu que les vaches n'avalent pas fini de paître. Il est alors reparti vers son auto en lançant: "de toutes façons, je m'en fous, comme cela vous saurez ce qui arrive à ceux qui ne marchent pas droit !" Le convoi, arrivé sur la route de BARBY s'est dirigé vers LES ROCHETTES. Les otages ont été rapidement descendus du camion et fusillés en deux vagues, à l'arme automatique, par les soldats recrutés sur le terrain. Cudeux, nous sommes allés voir ce qui s'était passé. Le spectacle était affreux. Les pauvres hommes étaient encore attachés deux par deux et criblés de balles. Nous nous sommes retirés rapidement pour rentrer nos vaches.
Mme Marie-Louise MONACHON (Melle TISSOT, 16 ans en 1944) ST ALSAN LEYSSE
En fin d'après midi du 20juin 1944, J'étais "en champ les vaches" sur le terrain d'aviation de CHALLES LES EAUX, alors désafecté, avec d'autres jeunes. J'ai vu un camion allemand emprunter le chemin qui traversait à l'époque, la partie nord de l'aérodrome, menant de la RN 6 à la route de BARBY. Il allait lentement. Des civils étaient debouts, les mains attachées dans le dos. Je me souviens avoir remarqué que les ridelles étaient basses et m'être dit qu'un mouvement brusque du camion pouvait les faire passer par dessus. Arrivé sur la route de BARBY, il a tourné en direction du lieu-dit LES ROCHETTES. Peu de temps après une fusillade a éclaté. Puis on a bien distingué des coups de feu séparés. Dans un réflexe bizarre, le groupe de jeunes dont je faisais partie s'est mis à courir dans la direction des tirs, en sautant par dessus les trenchées creusées dans le terrain. Arrivés sur les lieux, nous avons eu une vision affreuse: un vrai carnage. Les corps étaient littéralement criblés de balles avec les conséquences que l'on peut imaginer. Nous avons alors battu en retraite et fait rentrer à toute allure les vaches qui n'avaient pas encore fini de brouter.
M. Frédéric BOUVIER (11 ans en 1944) BARBY
Après l'école, c'est à dire vers 17 heures, j'avais l'habitude, avec d'autres d'aller garder les vaches sur le terrain d'aviation désaffecté à l'époque. Les Allemands y faisaient des exercices, en particulier du tir. J'ai vu arnirer, venant de la R.N. 6, un convoi formé d'un camion, d'une "Traction avant" Citroën et d'un autre véhicule léger. Le camion était bâché. A l'intérieur il devait y avoir des Français, car on entendait "La Marsellaise". J'ai remarqué une personne assise sur la ridelle arrière qui portait un blouson de cuir marron comme ceux des Chantiers de Jeunesse. Les soldats allemands présents sur le tenain, avaient fini leurs exercices et s'étaient dirigés vers l'entrée de l'aérodrome sur la R.N. 6. Ils ont été rappelés et sont partis en courant vers LES ROCHETTES. Certains criaient et brandissaient leurs armes. Plus tard, un ami m'a dit que la route de BARBY avait été fermée par les soltats. Bien qu'étant jeune, voyant cette effervescence, j'ai eu la curiosité de m'avancer vers l'intérieur du terrain d'aviation. Ainsi, j'étais à peu près à 300 mètres du lieu-dit "LES ROCHETTES" quand la fusillade a éclaté et que j'ai vu les hommes tomber sous les balles. Je suis alors parti.
Mme Jeanne GARDIEN (Melle DUPRAZ - 18 ans en 1944) BARBERAZ
Une de nos propriétés, à coté du cimetière de BARBY, contenait des cerisiers. En cette fin d'après midi, j'étais sur un de ces arbres pour faire la cueillette. Un petit convoi est passé en direction de CHALLES les EAUX dans lequel il y avait un camion d'où s'élevaient des chants en français. Plus tard j'ai entendu une fusillade. Je suis alors allée voir ce qu'i1 en était. Arrivée vers le terrain d'aviation, des amis m'ont conseillé de ne pas aller plus loin. Bien m'en à pris, car ceux qui sont allés sur place l'ont regretté, tant les images sont restées présentes à leur esprit pendant bien longtemps. Cette affaire m'a terriblement frappé, au point de détourner mon regard quand je passais devant ce pré dans lequel la tuerie de ces pauvres hommes était rappelée pendant plusieurs années par la couleur de l'herbe.
Mme Georgette VIVIER (34 ans en 1944) BARBY
En fin d'après midi, je revenais de LA BOISSERETTE à vélo, en passant par CHALLES LES EAUX et rejoignais BARBY par la route longeant LES ROCHETTES. Arrivée à hauteur des hangars actuels pour planeurs, qui n'existaient pas à l'époque, un civil me fit arrêter d'un geste autoritaire, ce que je fis. Peu après j'ai entendu une fusillade et j'ai pensé que, comme d'habitude les soldats Allemands faisaient des exercices de tirs. En effet, ils avaient installé des cibles contre la montagne. Les soldats étaient dans le terain d'aviation et ainsi, tiraient par dessus la route. Celle-ci était donc obligatoirement coupée, quand ces exercices avaient lieu. La fusillade a duré très peu de temps. Cependant, je ne voyais pas ce qui se passait car la route fait un coude prononcé à cet endroit et il y avait une haie. Tout à coup une "Traction avant" avec quatre personnes à bord, surgit à grande vitesse en me frôrant au passage. Elle se dirigeait vers CHALLE. Le Civil me fit alors signe que je pouvais avancer. C'est alors que j'ai vu un gendarme français déboucher de l'aérodrome en vélo. Il avait vu quelque chose d'anormal depuis la R.N. 6 et avait emprunté le chemin qui traverse le tenain au sud. Comme j'allais poursuivre mon chemin, il m'interpella en me disant: "attendez, n'avancez pas, s'il arrive quelque chose, prévenez la gendarmerie à l'hôtel du Château à CHALLES LES EAUX" Je l'ai alors vu se diniger vers un pré situé en dessous du CHAFFAT. De loin, jai cru distinguer des vêtements à terre, mais voyant le gendarme se découvrir, j'ai cornptis la signification de la fusillade : des hommes avaient été tués. En revenant, le gendarme me le confirma et me dit: "je vais aller prévenir ma brigade." Je sautais alors sur mon vélo et tout en pédalant à toute allure, affolée, je criait: "Il y a des fusillés... Il y a des fusillés!"
M. Jean PERROTIN (22 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
Je venais de CHAMBERY à vélo sur la RN6. Arrivé au niveau du pont de la MERE, j'ai vu un fort attroupement de l'autre côté du terrain d'aviation, au lieu-dit LES ROCHETTE. Intrigué, je me suis arrêté. Tout ce monde se trouvait dans un pré, plus haut que le niveau de la route de BARBY, contre la pente du hameau du CHAFFAT. A cette distance je ne percevais pas très bien les choses, mais on voyait bien qui y avait de l'agitation des véhhcules se trouvaient dans le pré. J'ai entendu des cris peut-être un chant Mais aussitôt une ou plusieurs armes automatiques sont entrées en action. Cela a été très bref. Etant en situation irrégulière, je suis rapidement rentré chez moi. Mon grand-père, Claude PERROTIN, était Maire et fut chargé par les Allemands de prendre les dispositions récessaines pour l'inhumaton des corps. Je me souviens que mon père, Jean PERROTIN, ainsi que Messieurs Marius DUISIT (dit MANOU) et Jules RAMBAUD étaient parmi ceux qui ont fait la mise en bière.
M. Pierre COURRIER (7 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
Le 20 juin 1944, en fin daprès-midi, mon père Joseph COURRIER, butait ses pommes de terre dans une propriété que nous avons au lieudit LES ROCHETTES, sur la route de BARBY il y avait également du blé et un pré. Occupé par son travail et aussi caché par le blé déjà haut mon père a été surpris par l'arrivée d'un petit convoi venant de BARBY. Il s'est immobilisé dans le pré et des soldats Allemands ont sauté à terre d'un camion. Alors mon père, qui ne se doutait pas du tout du drame imminent qui allait se dérouler, a quitté son travail pour revenir chez nous, au hameau du PUY, à 500 mètres au dessus. Arrivé à mi-parcours il a entendu la fusillade. Plus tard, il est retourné sur les lieux. Je l'ai accompagné, mais je suis resté bien au-dessus, à la lisière du bois. Pendant plusieurs années, l'herbe poussant à l'emplacement du carnage, était beaucoup plus verte et plus dense, oomme pour nous rappeler cet événement tragique.
M. Michel ROCHEFRETTE (13 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
A la fin de l'après mdi du 20juin 1944, il faisait beau et j'étais installé avec mon frère Jacques et mon ami Joseph-André AGUETTANT dans le pré qui faisait l'angle de l'avenue des Thermes et de l'actuelle rue DENARIE. Venant de la RN6 et faisant le tournant en direction de BARBY nous avons vu passer deux camions. Ils étaient débâchés Cela nous a permis de voir des civils assis avec des gardes allemands. Etaient-ce les futurs fusillés? Le soir, quand mon père, le docteur Jean ROCHEFRETTE, nous a appris la nouvelle, nous avons fait le rapprochement.
M. Daniel PETRIER (16 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
L'après-midi du 20Juin 1944, le temps était très chaud et lourd. Nous avions alors des vignes situées: l'une derrière la villa habitée, à l'époque, par le Dr MATHIEU en contrebas de la route de Barby, l'autre, sur le chemin des Ruffines qui va du hameau du Puy au secteur des Chavannes à Barby, vers la maison occupée en ce temps-là par Monsieur Marcel DAVID. Je suis donc parti de la vigne du bas avec ma sulfateuse sur le dos pour me rendre à celle du haut Il n'y avait pas de constructions à l'époque, ce qui permettait de couper directement à travers prés. Sur la fin de mon travail j'ai entendu des tirs d'armes automatiques qui m'ont un peu effrayé je l'avoue. Quand on a 16 ans, on n'a pas beaucoup d'expérience ente matière. En plus, l'endroit, au pied de la Gorge de Camelot, faisait caisse de résonnance. On aurait dit que les tirs avaient lieu à côté de moi. La rafale a peut-être duré 10 à 15 secondes. Cela m'a paru long. Puis j'ai perçu des éclats de voix, comme une furieuse "engueulade" et aussi "Vive la France". A ce moment-là je me suis mis à courir sur le chemin du retour attiré par la curiosité malgré une crainte certaine. Une deuxième rafale fit tomber un silence inquiètant, entrecoupé de coups de feu individuel, bien séparés. C'est alors que je débouchais au sommet des "Rochettes" surplombant un pré en légère pente sur les contreforts du hameau du Chaffat. Là , je vis deux rangées parallèles d'hommes étendus à terre, attachés deux par deux. Un véhicule de commandement allemand s'éloignait et des soldats, fusils en bandoulière, montaient dans un camion. Celui-ci avait une mitrailleuse en tourelle qui avait sans doute servi au massacre. Me sentant repéré. je me suis retiré rapidenent en direction du village de Challes où j'habitais. Quand j'y parvins, j'ai pu constater que l'émotion était grande. De nombreuses personnes discutaient dans les rues, mais un violént orage éclata qui les dispersa. Pour ce qui est de l'inhumation de ces pauvres gens, Monsieur le Maire, Claude PERROTlN, avait chargé le garde-champêtre, Monsieur Ernest MOLLARD, de solliciter des volontaires. Cette demande a vite fait le tour du village et beaucoup ont répondu favorablement. Parmi eux, outre moi-même, il y avait, me semble-il Messieurs François DUISIT, Henri DUISIT, Jean COUTER (charpentier), Rodolphe GAI, Edouard COMMUNAL, Charles ROUTENS, Roger PETIT. Le lendemain, 21 juin le travail commença à l'aube. Il devait être terminé à midi et on nous a pressé toute la matinée. L'autorité allemande avait ordonné que les tombes soient dispersées. Nous avons donc fait une dizaine de trous disséminés dans le cimetière pouvant contenir deux cercueils chacun. Ceux-ci sont arrivés dans le camion de Monsieur Hugues JEANNET qui le conduisait lui-même. C'était en fin de matinée. Nous avions pratiquement fini nos fosses et nous avons tous cessé de bouger pour suive des yeux la manoeuvre. Les cercueils étaient recouverts d'une bâche. Le véhicule a fait un demi-tour laborieux pour présenter son arrière face au grand portail d'entrée et il a reculé à l'intérieur du cimetière de 20 à 30 m. Les personnes les plus près de l'entrée ont déchargé les cercueils sur le terre-plein. Une fois vide, le camion, sans attendre, est reparti vers Challes. Je nai pas participé à oette opération car j'étais au fond du cimetière. Cet instant cependant a été un des moments émotionnels très fort de la journée et il a été vécu dans le silence et le recueillement par tous. Monsieur le curé était présent non loin de l'entrée. Il avait suivi ou précédé le camion sans se faire remarquer. Il aurait procédé à la bénédiction des corps à distance malgré l'interdiction, ce qui a créé quelques mouvements d'humeur, mais an sourdine. La surveillance allemande s'est retirée à midi. Il ne restait plus que les travaux de finition qui ont traînés un peu dans l'après-midi.
M. André BATARDIN (16 ans en l944) CHALLES LES EAUX
Ce jour là en fin d'après-midi, j'étais dans mon jarbin, derrière chez moi, avenue Charles PILLET. Je ramassais quelques pommes de terre pour ma grand-mère. Tout à coup, des rafales d'armes automatiques se sont faites entendre. L'émoi s'est vite manifesté dans CHALLES. Curieux, comme beaucoup je suis allé à vélo dans la direction d'où venaient les tirs. Arrivé au lieu-dit LES ROCHETTES, sur la route de BARBY, il y avait déjà du monde et j'ai découvert des corps allongés par terre dans un pré, à coté d'un champ de blé. Un homme portait encore sa veste pleine de sulfate pour traiter la vigne. Evidemment ce n'était pas beau à voir et je suis revenu chez moi. Là, mon voisin, Hugues JEANNET m'a demandé de l'accompagner. Il avait été réquisitionné avec son camion pour aller chercher des cercueils à CHAMBERY, dans une menuiserie du pont de la GARATTE, à côté de la barrière du chemin de fer. Ils avaient été faits à la hâte avec de simples voliges pas bien solides. Revenu sur le lieu du massacre, les corps ont élé placés dans les cercueils et nous les avons amenés au cimetiere, où ils passèrent la nuit. Un orage éclata alors et je suis rentré trempé, avec une bonne dispute à la clé de la part de mes parents! Je sais que le lendemain 15 à 20 personnes ont creusé des tombes et que le curé LANSARD est venu "en douce" bénir les corps. On m'a d'autre part assuré qu'une main discrète a déposé, dans la nuit, une fleur sur chacune des tombes, ce qui n'a pas été du goût des occupants. Des hommes ont donc été obigés de monter la garde plusieurs nuits pour éviter toute récidive.
Mme Alice JEANNET CHALLES LES EAUX
Mon mari Hugues, a été réquisitionné avec son camion pour aller chercher des cercueils à CHAMBERY. Revenu à CHALLES, au lieu-dit LES ROCHETTES, sur la route de BARBY, quelques personnes ont aidé à mettre les corps en bière. Les cercueils ont ensuite été amenés au cimetière. Le soir, à la maison> mon mari s'est trouvé très affectté du fait de cette opération, en particulier de voir son camion plein de sang. Aussi il décida de le mettre volontairement en panne et de le placer dans un endroit discret à STJEAN D'ARVEY, je crois.
M. Henri DUISIT (22 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
Le matin du 21juin 1944, dans le cimetière de CHALLES LES EAUX en compagnie de plusieurs hommes, j'ai creusé des fosses à différents emplacements désignés par les autorités allemandes. Nous avons commencé de bonne heure. Le travail devait être terminé à midi. Je faisais équipe avec Monsieur GOLIN, mais j'ai donné des coups de main ailleurs, car le terrain est dur à cet endroit. Les fosses étaient faites pour deux cercueils. Je me souviens, qu'avec nous, il y avait aussi Jean CLANET et Michel GIRARD-REYDET. Avant la mise en terre, le Curé LANSARD, de CHALLES LES EAUX, a béni les corps et dit une prière.
M. Francois DUISIT (26 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
Je me souviens de très peu de choses, sinon que j'ai creusé des tombes et que je faisais équipe avec Georges ELOUD. Il y avait aussi Joseph DUISIT.
M. Jean CLANET (17 ans en 1944) CHALLES LES EAUX
Tout cela est bien loin, mais j'ai effectivement creusé des tombes au cimetière le matin du 21juin 1944. Je faisais équipe avec Georges CHAMBON. La plupart des jeunes, comme moi, remplaçaient leurs parents pour faire ce travail.
MAIRIE DE CHALLES LES EAUX (extrait du registre de l'état civil)
Mentions marginales 1944 N° 11 Décès Dix-neuf hommes inconnus Exhumés le 05 sept.1944en présenoe du Maire, du garde champêtre et du délégué de la Croix RougeFrançaise, afin que tous les renseignements possibles pris, puissentêtre communiqués aux familles Texte de l'acte Le vingt juin mil neuf oent quarante quatre vers dix neuf heures, au lieu-dit "Les Rochettes" à Challes les Eaux sont décédés dix-neuf hommes, de domicile et d'état civil inconnus, non identifiés par ordre, âgés de vingt trois à cinquante ans environ, les dix neuf décès constaté par M. le Docteur Jean Rochefrette, mis en bière le même jour au même lieu en présenoe de M.M. Claude-Marie Perrotin, Maire, de Victor Peytour, adjudant, d'Emile Lagrange, maréchal des logis chef, de Gabriel Saltel gendarme, de Louis Ducruet, gendarme, tous les quatre à la gendarmerie de Chamléry, repliée à Challes les Eaux, Hotel du Château. La non ldentification et l'inhumation au cimetière communal en (1) tombes séparées et éparpillées ont e lieu par ordre des Autorités Allemandes transmises () à la gendarmene h 'Hotel du Chaeau par la préfecture de Chambéry. Dressé le vingt et un juin mil neuf cent quarante quatre à dix sept heures, en prèsence de Victor Peytour, adjudant de gendarmerie à la brigade de Chambéry, repliée à Challes les Eaux, Hotel du Château, et qui lecture faite a signé avec nous Claude Marie Perrotin, Maire de Challes les Eaux. (1) un mot omis dix. - (2) un mot omis : téléphoniquement. Renvois approuvés. Signé Signé PEYTOUR PERROTIN
EXTRAITS DE PRESSE
Les Allobroges du 18 septembre 1944
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Les Allobroges du 26 septembre 1944
Le Bugiste Républicain du 16 décembre 1945
EPILOGUE
Après la libération, il y eu une première exhumation le 5 septembre 1944, faite par des prisonniers allemands, en présence de la Croix-Rouge, du maire et du garde champêtre, pour recueillir le plus de renseignements possibles à communiquer aux familles. Les bières défectueuses ont été remplacées et l'ensemble regroupé dans une fosse commune à l'entrée du cimetière, surmonté d'un petit monument avec Croix de Lorraine. Une deuxième exhumation se fit en déoembre 1944. Un certain nombre de corps furent transférés dans les concessions familiales. Les autres restèrent quelques temps, puis furent transportés au cimetière du Monument des Maquis de l'Ain, au VAL D'ENFER, commune de CERDON. Le 6 novembre 1944, le conseil municipal de CHALLES LES EAUX décida d'ériger une stèle à proximité de l'emplaoement de la fusillade. Une somme de 30.000 F fut votée. Monsieur Marcel FOURNIER, nouveau maire mais aussi architecte, fut chargé de la surveillance des travaux. Signalons la soirée donnée par les aviateurs à la salle des fêtes de la commune en faveur des fusillés qui rapporta 9.000 F. L'inauguration se fit sous le patronage du Comité de Libération. Par la suite, Messieurs PETIT, REVEL et SARAN furent chargés du suivi oenoernant l'entretien du monument. Nous devons remarquer combien il est émouvant que, plus de cinquante ans après ces événements, la date du 20 juin soit restée gravée dans la mémoire de tous: familles, résistants, autorités civiles et militaires, habitants du VALROMEY, commune de CHALLES LES EAUX et de BARBY. Année après année, le rendez-vous à lieu régulièrement devant la stèle érigée au bord de la route reliant les deux communes savoyardes, à proximité de l'endroit où dix-neufs hommes sont tombés pour que nous puissions jouir de la liberté et de la démocratie, deux notions fragiles et nécessaires, qui requièrent toujours notre vigilanoe.
Complément d 'information
Le texte reproduit ci-dessous est celui du discours prononcé par Monsieur Louis DOUILLET, secrétaire de l'amicale-des Résistants du Valromey, le 20 juin 1997, lors de la cérémonie annuelle commémorant le tragique événement de Challes-les-Eaux. Il montre combien des faits, relativement bénins en temps normal, comme une simple absence, peuvent être à l'origine d'un véritable drame en d'autres circonstances. Messieurs les Maires, Messieurs les Représentants des Autorités Civiles et Militaires, Messieurs les Responsables d 'Associations, Mesdames, Messieurs, Chers Camarades de la Résistance, En souvenir de nos dix-neuf compatriotes du Valromey et du Bugey, fusillés ici, aux "ROCHETTES", le 20 Juin 1944, nous voici réunis comme chaque année, pour commémorer solenellement leur fin tragique. Aussi, au nom de l'Amicale des Anciens Résistants au Valrorney, je vous exprimerai fout d'abord ma profonde reconnaissance pour votre fidélité au devoir de mémoire. Depuis l'an dernier, ce devoir de mémoire a été concrétisé par la publication d'une plaquette par nos amis de "Connaissance de Challes-les-Eaux et des environs" et du "Comité Cantonal dit Souvenir Français" de la Ravoire. C 'est-à-dire, plus particulièrement par Messieurs Roger DUMOLLARD, Henri PESLIER et Maurice DUBREUIL. Autant d'amis, qui ont droit à nos vifs remerciements; lesquels vont aussi au Président de l'amicale des Anciens de I 'Armée Secrète de BARBY, notre cher camarade Henri REVEL, ainsi qu'à toutes celles et a tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont apporté leur contribution a la réalisation de l'ouvrage. Comme il se devait, celui-ci a été fort apprécié par nos concitoyens. Au point que les 90 exemplaires dont nous disposions ont trouvé aisément preneurs. Et que l'on peut en prendre connaissance auprès des bibliothéques es Anciens des Maquis de l'Ain, à Bourg-en-Bresse, du District du Valromey, à Champagne-en-Valromey, et de la commune d'Artemare. En liaison avec la parution de cette plaquette, j 'ajouterai, ainsi qu 'il était souhaité, une précision concernant le triste choix de Challes-les-Eaux comme lieu du drame. Elle émane de Madame COMMENOZ, soeur du gendarme Jean-Marie GUY, fusillé ici. Fusillé ici parce que l'unité d'un officier allemand arrêté et fusillé par les Maquisards, était basée à Challes-les-Eaux. Lieu de cantonnement, d 'où lieu de vengeance. Que payèrent de leur vie dix-neuf Résistants et otages, courageux martyrs morts en chantant la "Marseillaise" et en criant "Vive la France", ainsi qu'ici on en a relevé les témoignages. Sur la question de leur sacrifice, je vous rapporterai maintenant la version du colonel GIROUSSE-CHABOT, étant dans le maquis, telle que l'a transmise au secrétaire de notre association, le vice-président de l'Association Nationale des Anciens des Maquis de l'Ain et du Haut-Jura, Raynond JACQUET. Voici: "Vers le 15Juin 1944, l'A.S. d'Hauteville a arrêté une voiture avec trois personnes à l'intérieur: deux hommes en civil et une femme. Ces personnes douteuses ont été conduites au P.C. du Capitaine CHABOT, à Vieu d'Izernore. Comme il était absent, elles ont été emmenées au P.C. du Commandant ROMANS, à Izernore. Il s'agissait de deux soldats de la Wermacht, un Capitaine et son chauffeur. On suppose que la femme était française. Après interrogatoire, ils ont été condamnés comme espion (en civil) et fusillés tous les trois. Quelques jours après, est parvenu au P.C. de CHABOT, une lettre écrite par un Commandant allemand, "en allemand". Cet officier proposait l'échange du Capitaine et de son chauffeur (il n'était pas question de la femme) contre douze Résistants qu'il détenait prisonniers. C'est en prenant contact avec le P.C. de ROMANS que CHABOT a appris que l'exécution avait eu lieu. Donc, plus de tractations possibles." On voit donc ainsi que le Capitaine CHABOT, au coeur de cette tragique affaire, avait dû s'avouer impuissant a la résoudre. Malheureusement. Je vous remercie de l'attention que vous avez apportée à la lecture de ces précisions douloureuses.
Cette plaquette rassemble beaucoup de témoignages. Cependant nous sommes conscients que d'autres renseignements (récits, photographies, documents divers) peuvent être recueillis. Nous les accepterons toujours avec reconnaissance car ils viendront enrichir les archives constituées à propos de ce tragique évènement.