M. HENRY PATÉ
M. Henry Paté est député de la Seine. Il est Normand. Très Parisien d'ailleurs, de par ses relations que facilite une honnête aisance. Au Parlement, il se spécialisa dans les questions militaires et rapporta durant deux législatures plusieurs lois. Quoique radical énergique, il vota les trois ans et obtint le relèvement de la solde des enfants de troupe, ce qui lui valut une immense popularité. Son nom a été souvent prononcé pour un portefeuille, mais sans succès jusqu'ici. En 1921, pourtant, il obtint le poste d'honneur de haut commissaire à l'Éducation physique et à la préparation militaire. Depuis lors M. Henry Paté devint l'homme le plus occupé du monde. Les statistiques accusent pour une seule année 40 discours et une centaine de banquets corporatifs. Il ne rate pas une manifestation sportive et il y est dûment salué par la Marseillaise. Au demeurant, très philosophe, il s'accommode des petites difficultés de la vie et s'indigne rarement. A un collègue de la chambre qui se plaignait d'être insulté, il répondait pour le consoler: "Faites comme moi, mon cher, quand je reçois des pommes cuites, je les mange." Cette aménité de caractère fait de lui un parlementaire sympathique, fréquentant volontiers le Salon de la Paix, s'arrêtant souvent dans les groupes de journalistes et alimentant parfois obligeamment la chronique des échotiers. Les hautes fonctions qu'il exerça ont-elles influé sur sa température... politique? On ne sait. Àux élections dernières, M. Henry Paté a marché délibérément contre le Cartel des Gauches et cela lui a coûté son poste honorifique. Il est précisément remplacé par M. Bénazet qui fut son adversaire lorsqu'il rapporta la loi de trois ans. On n'a pas oublié le ton de sa proclamation quasi impériale qui lui valut d'être conspué dans les casernes. M. Henry Paté restera-t-il fidèle à ses conceptions actuelles? Il lui serait évidemment facile de faire ce que d'autres font, un petit pas à gauche, et voilà! On peut sauvegarder une certaine unité au cours des évolutions les plus excusables. Mais ceci n'est évidemment pas le fait des Français moyens et M. Paté semble devoir être classé dans cette catégorie d'ailleurs fort honorable. Une anecdote pour terminer, qui révèle tout son état d'âme. On conte que le propriétaire de M. Paté, en lui faisant signer son bail, en 1913, spécifia (déjà!): "J'y mets une condition, c'est que vous n'y receviez jamais M. Caillaux." Et M. Henry Paté s'inclina.