M. LOUIS BARTHOU
La carrière de M. Louis Barthou est une succession de réussites. Député à vingt-sept ans, onze fois ministre, président du conseil, académicien, il préside les Journalistes parisiens et la Commission des Réparations. Il est en outre bibliophile et littérateur; le nombre de notes et articles qu'il publie entre deux conférences est incalculable. De tels succès devaient fatalement susciter des critiques. On dit bien haut que sa moralité privée est inattaquable, mais on dit que sa moralité politique est discutable. Il convient pourtant de souligner une certaine unité dans sa vie : M Barthou a toujours combattu le socialisme et n'a jamais transigé avec la défense nationale. Quelqu'un demandait un jour : " Aimeriez-vous, si vous étiez Président du Conseil, avoir Barthou avec vous, ou contre vous ? " " Oh ! répondit l'homme politique interrogé, c'est la même chose. " La vérité est que M. Barthou, très intelligent, très ambitieux, très volontaire, a voulu simplement mettre au service de sa fortune sa souplesse native et sa finesse de Béarnais. Homme d'Etat véritable, il a, tout en restant à gauche, défendu l'ordre et la conservation sociale. Il est bien difficile d'échapper à son temps ! Retenons ici l'écrivain, le littérateur qui se console des déceptions forcées de la politique dans les lettres, source de sérénité. Quand on a un tel réconfort dans la vie, on peut tenir longtemps. Et si jamais la fortune le trahissait, il pourrait redire la belle strophe de Larnartine :
Mais moi, j'aurai vidé la coupe d'amertume Sans que ma lèvre même en garde un souvenir, Car mon âme est un feu qui brûle et qui parfume Ce qu'on jette pour la ternir.